Publié le : 15 mars 2013
Source : l-arene-nue.blogspot.fr
Bon, j’avoue : j’y vais un peu fort. Jean Quatremer n’est pas eurosceptique. C’est même tout le contraire. Le spécialiste des affaires bruxelloises du quotidien Libération est euro-content. Au point que, lorsque son contentement s’affaisse sous les coups de boutoir d’une réalité très très méchante, il nous explique qu’il ne déplore pas le « trop d’Europe », mais, au contraire, le manque d’Europe. Bref, quand Quatremer doute de l’Europe, il en réclame une louche supplémentaire. Masochisme ?
Car Jean Quatremer doute, figurez-vous. Comme il l’explique dans un texte du 14 mars, date anniversaire de la mort de Karl Marx – ce qui ne saurait être un hasard.
Jean Quatremer doute, comme nombre de gardiens du temple eurolibéral avant lui. Je l’ai relevé plusieurs fois sur ce blog. Effondrement des économies d’Europe du Sud, tempête politique en Grèce puis en Italie, alerte rouge sur Chypre qui attend elle aussi son plan de sauvetage, les euro-satisfaits sont inquiets. « Par la barbe du grand Merdalor, où nous sommes-nous trompés ? » semblent-t-ils dire à l’unisson – car l’unisson, c’est leur dada.
Ce fut d’abord François Lenglet, grand spécialiste de l’envoi de messages subliminaux propres à démonter ses propres théories. Ici, il se désolait de l’incapacité française à procéder à une bonne vieille dévaluation compétitive pour cause de monnaie unique : « ce qui explique l’incapacité de la France à retrouver la croissance, c’est son incapacité à retrouver sa compétitivité (…) du temps du franc, notre ancienne monnaie, tout cela se réglait avec une dévaluation. C’était évidemment un choc de compétitivité qui permettait de baisser ses prix ». Décoiffant, François Lenglet – à défaut d’être décoiffé.
Ce fut ensuite Arnaud Leparmentier, dans Le Monde, journal « ouiste » entre tous. Dans un édito intitulé « rêve allemand, cauchemar européen », l’homme s’interrogeait : « fallait-il signer ce traité de Maastricht, qui tourne au désastre ? Après l’avoir tant défendu, on finirait par en douter ». Bigre ! Vingt ans après, il était temps ! Que nous sortira-t-on ensuite ? Que la révocation de l’Edit de Nantes, c’était pas une bonne idée ?
Vient à présent Jean Quatremer, à la fois très soucieux des politiques d’austérité menées en Europe et du caractère peu démocratique des institutions de l’Union. « Après trois ans de crise de la zone euro, tout le monde s’est habitué à ce que des décisions de politique économique, financière et budgétaire, qui intéressent pourtant directement plus de 500 millions de personnes, soient prises dans la plus parfaite opacité et sans aucun contrôle démocratique » se désole le journaliste. Puis d’ajouter : « au final, cet ensemble de texte (1) a abouti à priver les démocraties nationales de tout pouvoir sur les politiques décidées par la Commission et les gouvernements à Bruxelles ». Ah boooon ? Mais quelle surpriiiiise !
Certes, lorsque Quatremer cite longuement Daniel Cohn-Bendit, demeuré Dany le rouge pour la seule Guilde des daltoniens coalisés, ou Sylvie Goulard, eurodéputée Modem et co-auteur d’un livre avec Mario Monti, on se doute bien qu’il n’est pas encore tout à fait sur le prêt à prendre le maquis.
Néanmoins, l’expression d’inquiétudes, d’interrogations, de doutes de la part de journalistes qu’on peut difficilement soupçonner d’être des « souverainistes » recroquevillés sur de vieux « égoïsmes nationaux », témoigne d’un sensible dégel (2) du débat sur l’Europe.
Ça, l’arrivée du printemps et la sortie prochaine du bouquin d’Anne Hidalgo sont quand même les trois meilleures nouvelles de ce mois de mars.
Coralie Delaume
(1) Il parle ici du TSCG, du Six pack et du Two pack. Pour savoir késaco, voir le blog Contre la cour.
(2) Mince, des ours blancs vont encore mourir.