Publié le : 31 janvier 2017
Source : lexpress.fr
Une ligne « salaires et traitements » qui quintuple sous l’effet d’une unique – et très peu visible – embauche… Les documents comptables de La Revue des Deux Mondes sont éloquents.
A la Revue des Deux Mondes, il y a un endroit où Penelope Fillon a laissé une trace indiscutable. C’est dans les comptes de ce mensuel littéraire créé en 1829, aujourd’hui propriété du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, proche de François Fillon. La rubrique salaires et traitements du document comptable – que L’Express a consulté – en dit plus que de longs discours.
Une embauche coûteuse
Entre 2011 et 2014, la revue ne salarie qu’une personne, une correctrice. Les autres employés (rédacteur en chef, adjointe, assistante) sont payés directement par le groupement d’intérêt économique FCBS, qui chapeaute l’activité. Pour l’année 2011, le montant annuel des salaires et traitements du périodique s’élève donc à la somme modique de 12 719 euros, sans les charges sociales.
En 2012, changement majeur: une subite inflation fait passer ce chiffre à 58 453 euros. Cette différence s’explique par l’apparition d’une deuxième personne salariée dans l’effectif, à partir de mai 2012: Penelope Fillon. Son mari a quitté Matignon après la défaite de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle. En 2013, elle est rémunérée pour une année entière. On atteint cette fois 72 427 euros. La somme conjugue les salaires de l’épouse du candidat à l’élection présidentielle et de la correctrice, toutes deux légalement déclarées. En 2014, Penelope Fillon disparaît de la revue et l’on revient à un niveau comparable à celui de 2011, avec 15 080 euros.
Penelope inconnue dans les bureaux de la revue
Lors de leur perquisition, jeudi 26 janvier, au siège de la revue, rue de Lille, à Paris, les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales ont pu saisir de nombreux documents, pas seulement comptables, avant l’audition des premiers témoins, l’ancien rédacteur en chef, parti en 2014, Michel Crépu, et la journaliste Christine Kelly, auteur d’une biographie de François Fillon.
Dans la période concernée, de mai 2012 à décembre 2013, personne ne semble avoir vu, voire entendu parler de Penelope Fillon, ni rue de Lille ni dans les locaux provisoires qui avaient hébergé la revue à une autre adresse parisienne, pendant des travaux effectués au siège, en 2013. Marc Ladreit de Lacharrière a expliqué au Monde qu’il avait recruté quelques amis, dont l’épouse de l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, pour réfléchir au devenir de la revue.
Une mission informelle qui ne nécessitait pas de présence régulière dans les bureaux. Pendant la période considérée, elle n’apparaît toutefois pas non plus dans le comité de rédaction, à titre de conseiller ou autre. Elle publie en tout et pour tout deux notes consacrées à William Marx (septembre 2012) et à Lucien d’Azay (octobre 2012), sous le pseudonyme de Pauline Camille. Quoi qu’il en soit, Penelope Fillon et son mari ont déjà dû s’expliquer devant les enquêteurs, en audition libre, lundi 30 janvier, après leur ami Marc Ladreit de Lacharrière.
Pascal Sceaux