Inspirée de la déclaration de l’indépendance américaine de 1776 et de l’esprit philosophique du XVIIIème siècle, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 marque la fin de l’Ancien Régime et le début d’une ère nouvelle. Expressément visée par la Constitution de la Vème République, elle fait aujourd’hui partie de nos textes de référence.
L’histoire
Trois étapes dans l’élaboration des droits de l’homme
En 1789, la motion de La Fayette est la première présentée à l’Assemblée constituante en vue du projet de Déclaration des droits de l’homme. Le héros de l’indépendance américaine soumet un texte inspiré de la Déclaration américaine de 1776. Ce sera l’un des trois retenus par l’Assemblée, le 18 août, pour élaborer le projet définitif.
La Déclaration des droits de l’homme fait l’objet des débats de l’Assemblée, entre le 20 et le 26 août 1789, qui adopte ainsi ses dix-sept articles. Le roi ne se résout à la promulguer, avec divers décrets de l’Assemblée, que le 3 novembre 1789, après les émeutes d’octobre.
Très différente est la situation à l’été 1793, lorsque la Convention décrète la Constitution qui dote la France de son premier régime républicain et qu’elle la fait précéder d’une nouvelle Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, proclamée le 10 août. A la suite de la lutte entre Girondins et Montagnards s’intensifie la pression de la guerre intérieure et extérieure. Le contexte historique est, en réalité fort éloigné des principes édictés par la nouvelle déclaration. Un régime d’exception se met en place depuis le printemps 1793, avec la création du Tribunal révolutionnaire et l’organisation du Comité de salut public.
Texte de Luce-Marie ALBIGÈS et Denise DEVOS
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen est, avec les décrets des 4 et 11 août 1789 sur la suppression des droits féodaux, un des textes fondamentaux votés par l’Assemblée nationale constituante formée à la suite de la réunion des Etats Généraux. Adoptée dans son principe avant le 14 juillet 1789, elle donne lieu à l’élaboration de nombreux projets. Après de longs débats, les députés votent le texte final le 26 août 1789.
Elle comporte un préambule et 17 articles qui mêlent des dispositions concernant l’individu et la Nation. Elle définit des droits « naturels et imprescriptibles » comme la liberté, la propriété, la sûreté, la résistance à l’oppression. La Déclaration reconnaît également l’égalité, notamment devant la loi et la justice. Elle affirme enfin le principe de la séparation des pouvoirs. Ratifiée seulement le 5 octobre par Louis XVI sous la pression de l’Assemblée et du peuple accouru à Versailles, elle sert de préambule à la première Constitution de la Révolution Française, adoptée en 1791.
Bien que la Révolution elle-même ait, par la suite, renié certains de ses principes et élaboré deux autres déclarations des Droits de l’Homme en 1793 et 1795, c’est le texte du 26 août 1789 qui est devenu une référence pour nos institutions, notamment dans les Constitutions de 1852, 1946 et 1958. La Déclaration de 1789 inspire, au XIXème siècle, des textes similaires dans de nombreux pays d’Europe et d’Amérique latine. La tradition révolutionnaire française est également présente dans la Convention européenne des Droits de l’Homme signée à Rome le 4 novembre 1950.
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Le texte
Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Etre Suprême, les droits suivants de l’homme et du citoyen.
Article premier. – Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.
Article 2. – Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.
Article 3. – Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.
Article 4. – La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
Article 5. – La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.
Article 6. – La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Article 7. – Nul homme ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l’instant ; il se rend coupable par la résistance.
Article 8. – La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
Article 9. – Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.
Article 10. – Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.
Article 11. – La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
Article 12. – La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée.
Article 13. – Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés.
Article 14. – Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.
Article 15. – La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.
Article 16. – Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.
Article 17. – La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.