De Gaulle l’avait affirmé de façon aussi terrible que définitive : « la vieillesse est un naufrage ». C’est heureusement loin d’être toujours le cas! Mais depuis quelque temps, Michel Rocard nous fait régulièrement penser à cette implacable sentence du grand Charles.
Ainsi, dans une entrevue à Libération du 05 mars 2012 , l’ancien Premier Ministre et ennemi intime de François Mitterrand, au détour de réflexions par ailleurs parfois intéressantes, nous balance sans sourciller et en pleine face un scud assez sidérant :
« …la Grèce qui subit une décroissance forcée : comment fait-on dans ce contexte pour maintenir des élections ? Il n’est pas possible de gouverner ce peuple en lui disant qu’il va perdre 25 % de son revenu dans les dix ans si on tient à payer toutes les dettes. Personne ne le dit, mais il ne peut y avoir d’issue en Grèce qu’avec un pouvoir militaire. »
Oui, vous avez bien lu…Celui qui au fil d’un parcours politique autrefois honorable a peu à peu sombré dans la doxa libérale la plus extrême et a toujours au final cautionné une construction européenne ayant pour Dieu tutélaire la « concurrence libre et non faussée », finit sa carrière effectivement en un pathétique naufrage. Il se montre prêt -semble-t-il- à tous les expédients pour faire encore semblant de croire à l’ « Europe », cette Tour de Babel financiarisée broyeuse implacable des peuples européens et de la démocratie qu’il a si longtemps contribué à ériger.
Il reconnaît implicitement que les « solutions » à la crise grecque imposées par l’Europe de Bruxelles amènent inexorablement à la dictature. Non plus uniquement à celle -déjà largement présente- des marchés, mais bien à la dictature tout court. Il s’interroge donc sur le bien fondé dans la situation actuelle de maintenir des élections, et considère qu’« il ne peut y avoir d’issue en Grèce qu’avec un pouvoir militaire »… Et cela -pour citer un autre « grand » homme politique français (1) qui a lui aussi dramatiquement bradé la souveraineté nationale française- semble bien lui « en toucher une sans faire bouger l’autre »…
Le 02 Septembre 2010, invité de l’Université du MEDEF, Rocard avait déjà fait très, très fort. A cette occasion, il avait fait une déclaration d’amour assez invraisemblable aux grands patrons réunis ce jour là par le syndicat de madame Parisot, leur disant notamment :
« Le seul milieu humain qui connaisse quelque chose au monde extérieur, ce n’est pas vraiment les journalistes ; ce n’est pas les hommes politiques, ils ne sont référés qu’à leurs seules traditions ; ce n’est pas le monde salarial et ses syndicats ; ce n’est pas beaucoup nos intellectuels, trop sensibilisés à leur langue et à leur culture ; c’est vous les patrons. Vous n’avez pas de substituts. Vous êtes la seule expertise en connaissance du monde extérieur par rapport à ce qu’il s’y passe. Dites vos peurs, faîtes pression, il est grand temps! »
Et terminant ensuite cette sentence surréaliste dans la bouche d’un homme « de gauche » par un encore plus hallucinant :
« Et l’urgence est qu’il va falloir finir par tomber d’accord pour dire que les souverainetés nationales ont dépassé leur stade d’efficacité, elles entrent dans la période de la nuisance. »
(Voir la vidéo ci-dessous)
En 2005, Michel Rocard avait intitulé son livre d’entretiens avec Georges-Marc Benamou (le simple choix de cet interlocuteur était à lui seul un très sérieux indice de la catastrophe intellectuelle et morale à venir) Si la Gauche savait (2) … En effet! Et si le jeune Michel Rocard avait su ce qu’un jour il finirait par devenir…
Sic transit gloria mundi…
ML – La Plume à Gratter
(1) Jacques Chirac
(2) Si la Gauche Savait Entretiens avec Georges-Marc Benamou éditions AlbinMichel, 2005
je viens d’essayer de regarder Rocard chez Zemmour et Naulleau; triste. Vous avec raison, la Plume.