Publié le : 11 avril 2012
Source : marianne2.fr
Désertées par la plupart des candidats à la présidentielle qui présupposent un désintérêt de l’opinion, les questions de politique internationale révèlent tout autant l’absence de clivages en la matière parmi les principaux candidats, qu’une faible compétence du personnel politique français en la matière. Car, la matière d’un véritable débat droite-gauche existe.
La Grèce se déchire, la Syrie explose, la Tunisie sombre dans la répression, la Libye est minée par les rivalités tribales, sans parler de la question afghane et de la crise de l’Europe. Et la Chine ? et l’Afrique ? l’OTAN ? Autant de sujets qui mobiliseront le futur président dès sa prise de fonction.
Malgré son maigre bilan en la matière, et si l’international a rarement participé d’un effet d’entraînement électoral, Nicolas Sarkozy a bien tenté de valoriser son « expérience diplomatique », invitant Angela Merkel à participer à une émission de télévision quelques jours avant son entrée en campagne. Un début de campagne en tandem qui a rapidement fait pschitt.
Quant à François Hollande, hormis sa volonté affichée de retirer totalement les troupes françaises d’Afghanistan « fin 2012, début 2013 », et non fin 2014 comme l’a décidé Nicolas Sarkozy, et une vague évaluation « coût/bénéfice » de la réintégration par la France du commandement intégré de l’OTAN, pas grand chose à signaler. Tandis que, surgi de nulle part, émerge un débat ô combien essentiel sur les modalités d’obtention du permis de conduire pour les jeunes qui mobilisera tous les candidats…
« Dans une période de crise, les partis ont tendance à penser que les questions intérieures ont plus d’écho dans l’opinion publique. C’est un faux calcul. Nous l’avons vu lors de l’intervention en Irak, l’opinion publique est capable de réagir à des débats de nature internationale » constate le chercheur Bertrand Badie, auteur de La diplomatie de connivence. « Par ailleurs les questions économiques et sociales intérieures sont dépendantes d’une réflexion plus globale sur la mondialisation qui n’est menée par aucun parti et notamment pas par le Parti socialiste qui n’est pas en mesure d’afficher ce que devrait être une mondialisation de gauche. Dans le jeu politique lorsque l’on est incapable d’afficher un programme alternatif, on a tendance implicitement à plaider la continuité ».
Affligé par la frilosité intellectuelle des débats sur les questions internationales, Bertrand Badie ne peut s’empêcher de souligner la « faible compétence du personnel politique français » en la matière.
Interrogé récemment par Afrique Magazine sur son faible goût supposé de l’International, François Hollande évoquera laborieusement ses voyages formateurs : « J’ai été pendant dix ans premier secrétaire du Parti socialiste. Cela m’a permis d’acquérir une solide expérience des relations internationales. J’ai rencontré au fil des années, en France, à l’étranger, un grand nombre de chefs d’État sur l’ensemble des continents. En moins d’un an, je me suis rendu en Algérie et en Tunisie, mais aussi en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Belgique… ».
Paresse intellectuelle et prudence politique.
A droite comme à gauche, les questions internationales divisent plus qu’elles ne rassemblent et les clivages sont parfois bien plus profonds à l’intérieur des partis qu’entre les partis.
En meeting à Rennes, François Hollande a appelé à la « fermeté à l’égard de l’Iran dont la course vers l’arme atomique doit être arrêtée ».
Il a également appelé à protéger les pays de la Méditerranée contre « des dérives autoritaires ou des tentations intégristes ». Des propos que Nicolas Sarkozy aurait pu signer sans difficultés, actant par là même la difficulté de nos politiques à formuler une politique étrangère alternative.
Dans les tensions qui marquent le Parti socialiste, les vieux courants atlantistes ont tendance à prendre le dessus alors que Jean Luc Mélenchon exprime une sensibilité de gauche sur laquelle les questions internationales font davantage l’unanimité.
« Il est à se demander si François Hollande n’assure pas une continuité avec Sarkozy en politique étrangère » s’interrogera même Bertrand Badie lors d’un chat au monde.fr.
« Nous ne sommes plus dans les compétions de défense entre les états et les armées. Inventer une politique étrangère de gauche, c’est découvrir que les enjeux internationaux sont des enjeux sociaux. Certes, la mondialisation n’est pas abandonnable mais en revanche il y a une mondialisation qui est tellement dominante que nous avons a tendance à considérer que toute mondialisation implique un ultralibéralisme, mais il y a aussi une mondialisation de gauche. Et celle-ci est beaucoup moins travaillée alors qu’elle pourrait faire sens dès lors que l’on applique à ces conditions nouvelles les sensibilités qui appartiennent à l’histoire de la gauche : la solidarité, comprenant la sécurité alimentaire, sanitaire et environnementale, mais aussi une mondialisation contrôlée qui implique un contrôle étroit de la circulation des flux financiers et des politiques économiques transnationales, enfin la prise en compte du rôle des acteurs sociaux qui transcendent les souverainetés, militent pour une société plus juste dans la vie internationale ».
La fin de l’hégémonie américaine, le retour à un vrai multilatéralisme, l’approffondissement de réflexions sur une mondialisation de gauche, la remise en cause des options atlantistes du président Sarkozy, la force de la diplomatie française en Europe. Bref, de quoi alimenter un vrai débat avec la gauche….