Publié le : 11 avril 2012
Source : lefigaro.fr
Un ministre a été tabassé à Tripoli, et le représentant des Nations unies visé par une bombe, à Benghazi.
La désagrégation de la Libyes’accélère. Deux attaques à Tripoli et Benghazi, la grande ville de l’Est, reflètent le poids des milices et la dangereuse déliquescence du pouvoir. À un peu plus de deux mois de la date prévue, fin juin, l’élection d’une Assemblée constituante, véritable point de départ du rétablissement de l’État, paraît de plus en plus incertaine.
Dans les deux cas, les assaillants voulaient envoyer un message. À Tripoli, ce sont les bureaux du gouvernement qui ont été envahis; les rebelles ont tiré, sans faire de blessés, mais ils ont aussi tabassé le vice-ministre des Finances, Mraje Ghaith.
Le vice-ministre était responsable de l’interruption soudaine du versement des indemnités aux «thuwars», les ex-révolutionnaires. Le gouvernement provisoire avait commencé à distribuer à chaque ancien combattant célibataire la somme de 2500 dinars libyens (1500 euros), et 6500 dinars (4000 euros) aux hommes mariés. «Le versement a été interrompu en raison de violations et d’abus» a déclaré un porte-parole du Conseil. D’où la fureur de ceux qui attendaient encore leur chèque, membres de l’une des nombreuses «brigades» qui occupent la capitale. Mais le gouvernement n’avait sans doute pas le choix: le programme de compensation avait sombré dans une gabegie généralisée, les responsables locaux inscrivant sur les listes de bénéficiaires leurs familles et leurs amis.
Captation de l’argent public
Même combine pour 120.000 «révolutionnaires» envoyés se soigner à l’étranger, pour lesquels la ministre de la Santé a dit avoir réglé 2 milliards de dollars (1,5 milliard d’euros) de factures en huit mois… La captation de l’argent public reste un objectif pour les chefs de guerre. Abdallah Naker, puissant commandant d’un groupe armé de Tripoli, vient de fonder son parti politique, «Le Sommet», dédié à la «défense des intérêts des révolutionnaires». Les milices se sont aussi arrogé le contrôle des ports et des aéroports, sources de trafics, assure Patrick Haimzadeh, un ex-diplomate français. «Tout cela est très inquiétant. On voit mal comment on peut revenir vers un État normal», estime-t-il.
À Benghazi, c’est le convoi du représentant de l’ONU en Libye, le Britannique Ian Martin, qui a été pris pour cible ; là encore, l’attaque contenait un message: une bombe artisanale a été jetée mardi contre son cortège de véhicules blindés, à l’arrêt, pendant que lui-même visitait les locaux du conseil chargé de la sécurité, où il discutait… du désarmement des milices. Selon l’ancien diplomate français, des groupes armés de la ville, la plupart d’obédience islamiste, «ont sans doute voulu avertir qu’ils ne voulaient plus d’étrangers à Benghazi».
Pierre Prier