Publié le : 04 mai 2012
Source : comite-valmy.org
L’architecture européenne de Merkel peut se rompre, mais, bien sûr, pas en Allemagne.
La chancelière Angela Merkel aurait pu tranquillement attendre pour connaître le résultat des élections présidentielles françaises, mais elle a préféré intervenir. Elle a rompu le silence quelle avait maintenu depuis le retour de ses longues vacances de Pâques, huit jours, dans l’île très napolitaine d’Ischia. En sentant que son architecture européenne peut se fendiller en France, Merkel avance le ton alternatif à ce Merkozy, un ton « Homer », mélange de Hollande et de Merkel.
Le message est double, d’un côté, comme le journal Bild le dit, « un coup de poing sur la table » : le pacte de discipline fiscale de l’Union Européenne, « il n’est pas renégociable », avance-t-elle. De l’autre, une branche d’olivier, plutôt une feuille de vigne pour qu’Hollande, s’il envie, peut couvrir les hontes d’une pincée « d’une croissance ». Une croissance, « qui ne doit pas coûter de l’argent ». Une « politique qui promeut la croissance, l’emploi et la compétitivité, mais pas en gonflant le crédit », dit.
Au sommet des chefs européens de gouvernement du mois de juin, auquel se présentera le nouveau président français, quel qu’il soit, il y aura des mesures pour « renforcer les possibilités de la Banque européenne d’investissement » et pour, « profiter des fonds structuraux pour aider les Pmes ». De la menue monnaie devant l’évidence de plus en plus générale que le bateau de l’austérité unilatérale coule pour empirer la condition du malade.
« La problématique de la croissance que certains réclament maintenant sont depuis un moment la deuxième patte de notre politique, avec quelques finances publiques assainies », a dit Merkel dans des déclarations au Leipziger Volkszeitung. Sa déclaration arrive en aide de Sarkozy, mais, surtout, revendique son propre scénario.
Au centre de ce scénario, se trouvent les élections allemandes d’automne 2013 et son image à travers elles : celle de défenseur ferme de l’argent allemand qui ne veut pas payer pour la mauvaise administration du Sud. La légende populiste allemande a transformé une crise financière occasionnée par les excès du néolibéralisme et de ses institutions, dans une « crise de dette » des pays de la périphérie européenne combattue par des recettes néolibérales ratées. Tel est le discours qui est fermement ancré dans la mentalité.
Si l’évolution de l’eurocrise l’impose, Merkel pourrait commencer à céder sur le front social vers la fin 2012 ou début 2013, mais pas avant. Elle veut que sa réélection, pas celle de Sarkozy ou de Hollande, détermine l’agenda européen. Si, pour gagner les élections de 2013, elle a à finir par accéder à une réforme de la Banque Centrale Européenne ou à quelques euro-obligations, aujourd’hui un peu difficile àimaginer, elle le fera. Dans ce cas elle le présentera comme contrepoids à la corde de l’austérité avec laquelle elle a puni les coupables. Il n’y aura pas de prix sans châtiment, de soulagement sans torture. Mais Hollande, et pas seulement Hollande, mais aussi la Hollande, vaut la redondance, les élections grecques, le référendum irlandais, le Seigneur Monti de Roma et tout ce qui existe dans le débarras européen, pourraient casser ce scénario.
En répondant à la déclaration de Merkel, Hollande a dit que, « l’Allemagne ne va pas décider pour toute l’Europe ». Seule la France est capable d’assumer cet énoncé et de mettre l’Allemagne à sa place, mais il est trop tôt pour vendre la fin de la contreréforme européenne sous un scénario allemand. L’édifice peut s’affaisser par de nombreux côtés, mais certainement pas du côté allemand. Nous avons eu une nouvelle preuve de cela jeudi dernier à Berlin.
Un groupe de 2 300 personnalités allemandes menés par le premier philosophe national, Jürgen Habermas, cadres supérieurs syndicaux, professeurs et autres, a fait la publicité de l’excellent manifeste pour la « refondation de l’Europe ». La première chose qui attire l’attention est que, malgré que parmi les personnalités étaient les leaders de Verdi, l’un des principaux syndicats et le président de la centrale syndicale générale, la DGB, les syndicats n’ont pas signé. À la question de pourquoi, les intéressés sourient : c’est un pays de conformité.
Le manifeste est excellent dans ses idées et demande aux hommes politiques allemands qu’ils ne ratifient pas le pacte fiscal, qui exige une majorité de deux tiers au Bundestag. Cependant, pour la même raison que les syndicats ne sont pas dans le manifeste, le SPD, des sociaux-démocrates, ne va pas bloquer le pacte fiscal. Le SPD est à l’origine même de la politique d’austérité allemande. C’étaient ses actuels dirigeants, qui en 2003 ont franchi les pas décisifs, et ils n’ont pas la moindre intention de faire marche arrière. Ils ne cherchent pas à jeter Merkel en 2013, mais à gouverner avec elle dans une coalition.
Au sujet de la France, « le deuxième tour des élections présidentielles met face à face deux hommes politiques pro européen », dit Merkel avec juste raison. En tous cas il y aura, « une bonne coopération ». Le message est clair : gagne, celui qui gagne à Paris, nous nous entendrons. Avec Merkozy ou avec Homer, on pense que la vie continuera plus ou moins pareil.
La Vanguardia.Barcelone, le 30 avril 2012.
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi
El Correo. Paris, le 1er mai 2012.