Publié le : 06 mai 2012
Source : bernardlugan.blogspot.fr
En Afrique, à l’exception peut-être de M. Ouattara, personne ne regrettera le président Sarkozy dont la partie africaine du quinquennat débuta le 26 juillet 2007 par le maladroit et inopportun « Discours de Dakar ».
En déclarant devant les élites sénégalaises que « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire », Nicolas Sarkozy qui avait peut-être voulu prononcer son « Discours de la Baule », donna en effet de lui une image d’arrogance européocentrée dont il n’est plus parvenu à se détacher. D’ailleurs, de quelle « Histoire » voulait-il parler ? Si c’est de celle des droits de l’homme et de la démocratie, à ce compte là, la Chine multimillénaire n’y est pas davantage entrée que l’Afrique…
L’autre image que Nicolas Sarkozy laissera en Afrique est celle d’un président qui n’aura cessé d’abandonner ou de trahir ses « amis ». Après avoir reçu Mohammar Kadhafi avec une pompe et un faste indécents, il lui déclara ensuite la guerre. De même, les pays riverains rechignant devant son projet d’Union pour la Méditerranée, il courtisa le chef de l’Etat syrien, M.Bachar el Assad, pour l’engager à participer au sommet de Paris au mois de juillet 2008. L’Union y naquît grâce au soutien des présidents Moubarak et Ben Ali. Or, dès que le vent mauvais médiatique eut tourné, il les traita tous trois comme des pestiférés.
En revanche, le président français fut d’une rare « compréhension » avec Paul Kagamé qui ne cessa pourtant jamais d’insulter la France et son armée. Certes, une normalisation avec le Rwanda était souhaitable, mais pas au prix d’une humiliation permanente s’expliquant à la fois par une totale méconnaissance du dossier et par le rôle exorbitant et insolite tenu au sein même de l’appareil d’Etat par de hauts responsables acquis aux thèses de Kigali.
Après les fautes comportementales et morales, deux grandes erreurs furent commises durant ce quinquennat incohérent en matière africaine. Il s’agit des interventions en Côte d’Ivoire et en Libye qui furent des réussites sur le plan technique grâce au professionnalisme d’une armée française dont les moyens avaient pourtant été rognés.
En Côte d’Ivoire, Nicolas Sarkozy intervint pour un camp contre un autre en donnant à nos forces l’ordre d’en finir avec le régime Gbagbo. Aujourd’hui, les affaires ont certes repris à Abidjan mais le pays, rongé par le banditisme, est plus que jamais coupé en deux. Quant à Alassane Ouattara, déjà considéré par beaucoup comme le « commis » des institutions financières internationales, il n’arrive pas à s’imposer car il souffre d’avoir été mis au pouvoir par l’ancien colonisateur.
En Libye, où, sous la pression de bateleurs médiatiques, la France s’immisça dans une guerre civile qui ne la concernait en rien et dans laquelle ses intérêts vitaux n’étaient pas menacés, son intervention provoqua l’anarchie que nous observons aujourd’hui dans tout le Sahel. Et pourtant, les Services avaient littéralement « noyé » Nicolas Sarkozy sous les notes, le mettant très précisément en garde contre les conséquences désastreuses de l’opération qu’il s’apprêtait à décider.
Les Africains savent bien que cette guerre fut bâtie sur un mensonge et que la « protection des civils de Benghazi » ne fut qu’un prétexte pour arracher à l’ONU le droit d’imposer une zone d’exclusion aérienne. Forte de cet « accord », la France outrepassa clairement son mandat et réduisit à néant les défenses libyennes ; puis, devant l’incapacité des rebelles à entamer la résistance du régime, Nicolas Sarkozy ordonna à l’armée française d’intervenir directement au sol, notamment à Misrata et dans le Djebel Nefusa.
Bernard Lugan