Politique France

Giesbert en résistant de la 25ème heure : Du journalisme de bas niveau…

9 juin 20123
Giesbert en résistant de la 25ème heure : Du journalisme de bas niveau… 5.00/5 11 votes

… Au journalisme de caniveau.

La lecture de l’excellent article de Pierre-Louis Rozynès paru dans Le Nouvel Economiste et évoquant le dernier livre de Franz-Olivier Giesbert m’incite à agiter moi aussi un peu le bout de ma Plume à Gratter sous les pieds du patron du Point. Le bougre en a sans doute vu bien d’autres, et il y a peu de chances que cela le chatouille… Mais il est toujours sain d’ouvrir la fenêtre pour chasser plus rapidement une mauvaise odeur : on peut ensuite oublier le désagrément initial, et dès lors, passer à des sujets plus importants.

Dans son dernier livre donc (1), et à propos de l’ancien Premier Ministre Edouard Balladur, Giesbert écrit notamment:

 « Il était mou, lâche et fourbe, mais il n’était pas bête. Il savait que j’étais une machine à aimer, une machine emballée que je ne contrôlais plus. Je pris congé de lui avec le sentiment d’avoir été sali et une envie irrépressible de me laver les mains. Il est vrai que cet homme semblait toujours vous présenter son postérieur avec sa bouche en forme de fondement, ce qui expliquait son air si pénétré. Son menton même, si proéminent, aurait pu passer pour une paire de fesses, couchée sur le côté. »

Il y avait sans doute bien des choses à dire, à écrire sur Edouard Balladur, concernant notamment l’anecdote évoquée plus avant par Giesbert pour justifier cette saillie. Il eut été certes plus judicieux et surtout beaucoup plus utile de le faire du temps de la toute puissance politique et médiatique de celui-ci… Il y a tout de même déjà près de vingt ans! Cela serait certainement apparu un peu moins comme un assez minable règlement de compte. Mais il est vrai que c’eut été sans doute beaucoup plus périlleux. S’attaquer ainsi à l’ancien Premier Ministre, quasiment retraité de la vie politique aujourd’hui, à ce propos et avec cette délicatesse, moquant grassement son physique, révèle chez Giesbert une hauteur d’esprit et une classe que semblerait pouvoir seul lui contester un Stéphane Guillon au meilleur de sa forme.

Car reprenons notre souffle et revenons-y un instant :

« … cet homme semblait toujours vous présenter son postérieur avec sa bouche en forme de fondement, ce qui expliquait son air si pénétré. Son menton même, si proéminent, aurait pu passer pour une paire de fesses, couchée sur le côté »…

 Notons la finesse du style, l’élégance de l’attaque… On s’étonnerait presque de ne pas lire à la suite que Balladur a le nez crochu et le lobe des oreilles pendant… Et on se prend irrésistiblement et très distinctement à imaginer Franz-Olivier en août 1944, parcourant fébrilement les rues de Paris, une fois celles-ci bien évidemment débarrassées de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un uniforme vert-de-gris, drapeau français sous le bras pour l’alibi mais surtout tondeuse à la main, à la recherche d’une « salope » à raser, histoire de faire semblant d’être du bon côté, de ne pas avoir loupé le train du sens de l’histoire.

Depuis un peu moins de deux décennies, FOG s’est fait une spécialité : déboulonner les statues politiques françaises… Dès lors qu’elles avaient déjà été mises à bas de leur piédestal. Dézinguer les puissants, à coup de révélations de conversations « off », mais en ayant sagement attendu pour cela qu’ils ne soient justement plus puissants. Mitterrand, Chirac, Villepin, Sarkozy… tous y sont passés, dès lors qu’ils avaient fortement dévalé les pentes de la gloire et de l’omnipotence. Courageux mais pas vraiment téméraire, Giesbert, et tant pis si «à triompher sans péril, on vainc sans gloire » !

Parfois tout de même très légèrement titillé sur ces inélégances -pour rester très poli- et ces confidences trahies par un confrère inconscient, le gaillard répond systématiquement que si un homme politique souhaite garder sa part d’ombre, il ne doit pas fréquenter les journalistes, dont le métier est de faire la lumière sur tout.

Argument bien facile, qui permet de s’affranchir à peu de frais, en se donnant le beau rôle et des faux airs d’Albert Londres de Prisunic, du crédit que vos interlocuteurs vous ont accordé dans le cadre d’une conversation privée. Défense qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de ces hommes volages ou violents qui considèrent qu’une femme trompée ou battue n’a que ce qu’elle mérite, pour avoir eu l’inconscience -bien plus encore la bêtise- d’accorder sa confiance à son époux ou compagnon.

La lumière sur tout donc… Peut-être… Mais pas tout de suite, et surtout pas lorsque cela pourrait encore servir à quelque chose!

Occupant toujours les premiers rôles depuis des décennies dans le paysage journalistique français, équilibriste de la pensée politique, kamikaze de l’inconstance, mais presque toujours dans le sens du vent, Giesbert est notamment passé du nouvel Obs au Figaro sans déplacer une mèche de son brushing, performance encore inégalée à ce jour, malgré la spécificité remarquable du petit milieu des grands journalistes français, souvent adeptes assidus de ce jeu de chaises musicales : Laurent Joffrin lui-même est battu à plate couture, c’est dire le niveau de la performance! Aujourd’hui, et depuis plus de dix ans, il pantoufle confortablement au Point, y servant notamment et avec constance la soupe à son ami Bernard-Henri Lévy. Qui se ressemble…

Egalement omniprésent sur nos écrans cathodiques depuis près de quinze ans (Paris Première, France 3, France 2, France 5, Public Sénat), sans cesse invité à commenter l’actualité sur toutes les télés et radios de France, Giesbert malgré ses postures souvent affichées de cynique et de rebelle -fort savoureuses pour ceux qui ont suivi son parcours depuis l’origine- est donc depuis bien longtemps passé maître dans l’art de très confortablement survivre en milieu servile.

Comme tout résistant de la 25ème heure qui se respecte, il ne manque évidemment pas une occasion de mettre en avant les faux périls que son courage et son indépendance d’esprit hors du commun sont censés lui avoir fait courir, se glorifiant sans cesse, dans ses entrevues journalistiques ou littéraires comme durant ses nombreux dîners en ville, du fait que tel ou tel homme politique ait tenté un jour d’avoir sa peau… Sans jamais d’ailleurs réussir à l’obtenir, ce qui en dit au passage bien plus qu’un long discours sur les véritables puissants d’aujourd’hui !

FOG comme on l’appelle également -il partage avec BHL, DSK et PPDA, cuistres parmi les cuistres, le privilège sans doute déjà suffisamment révélateur d’être désigné par ses seules initiales dans le petit monde branché médiatico-parisien- promène sa vie de dandy de deuxième division entre un diner chez Castel, une sauterie chez Marie-Chantal ou un week-end à Manhattan.

Un tiers mondialiste, deux tiers mondain, cette synthèse assez réussie de Bernard-Henri Lévy et Christophe Barbier ( réussie… Lévy et Barbier… J’ai bien conscience de l’oxymore!) a donc profité du rejet massif et définitif de l’opinion pour poignarder Nicolas Sarkozy, comme il avait auparavant mis à profit le délabrement physique et mental de celui-ci pour assaisonner Jacques Chirac (2), et attendu la lente et douloureuse agonie d’un Mitterrand en phase terminale pour enfin oser égratigner un peu la statue du commandeur (3).

Giesbert, lui, et avec ses dernières révélations, est bien entré en phase « terminable », dans tous les sens que l’on peut imaginer donner à ce néologisme.

En arbitre des inélégances, en tireur sur les ambulances, FOG est aujourd’hui sans doute inégalé, voire inégalable.

ML – La Plume à Gratter

 1) Derniers carnets – Scènes de la vie politique en 2012 (et avant) – éditions Flammarion

2) La Tragédie du président 2006 – éditions Flammarion

3) Le Vieil Homme et la Mort – Gallimard , François Mitterrand, une vie – Seuil 1996

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3 Responses to Giesbert en résistant de la 25ème heure : Du journalisme de bas niveau…

  1. Poilagratter le 15 juin 2012 à 4 h 30 min

    Excellent papier! FOG (brouillard en anglais), lui va comme un gant. Il est à la télé ce qu’est la pendule de la grand-mère au salon: enrayée et ne fonctionnant plus mais personne ne pense à la remonter ou à s’en débarrasser… Il faut croire que les meubles inutiles permettent de cacher les lézardes qui sont sur les murs et restent là comme pour empêcher la maison de s’écrouler! Certains membres de la famille plus conservateurs sont là pour veiller au grain! Bravo en tout cas pour la fraîcheur de votre style et pour votre pertinence, je vous soutiens totalement

  2. Pascale le 9 juin 2012 à 15 h 58 min

    He oui, les hommes politiques passent (parfois), les journalistes restent… Le vieux beau finira a l’Academie- ou presentateur du 20h (on dirait que les deux accomplissements se valent ces jours-ci, non?). Ce n’est pas lui aussi qui se sent partout chez lui dans le monde? Le terme de « cuistre » lui va particulierement bien. Excellent papier qui fait du bien.

  3. Bluebair le 9 juin 2012 à 15 h 50 min

    Magnifique! Un costard comme on en revait!

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