Publié le : 11 juillet 2012
Source : causeur.fr
Adoubés par Les Inrocks, bientôt vedettes dans Libé ?
Ils sont trois. Ils sont (relativement) jeunes. Ils sont beaux et sympas. Ils font la une des Inrockuptibles qui les célèbrent comme « les rénovateurs de la droite contre le FN ». Les trois mousquetaires de l’UMP débuissonnisée s’appellent Nathalie Kosciuszko-Morizet (39 ans, disons-le sans détours, féminisme oblige), François Baroin (47 ans) et Bruno Le Maire (43 ans). Jusqu’à la première semaine de mai, ces chevau-légers de la chiraquie étaient respectivement ministre de l’Ecologie, ministre de l’Agriculture et ministre des Finances. Rien que ça ! Aujourd’hui, après la courte défaite de leur poulain Sarkozy à la présidentielle confirmée par le revers de l’UMP aux législatives, la bride étant lâchée, ils tirent à vue sur leur cible favorite : la « droitisation ».
NKM a dégainé la première en s’en prenant à Patrick Buisson, l’ombre noire de l’ancien président, accusé de « vouloir faire gagner Maurras et pas Sarkozy ». Depuis, Buisson s’est vengé de cette petite bassesse en ébruitant l’offre de services toute personnelle que lui aurait lancée Kosciuszko -Morizet en début d’année au détour d’un déjeuner. On imagine son abnégation durant les semaines où elle fit office de porte-parole officielle du candidat de l’Action Française. Comme le nota malicieusement Joseph Macé-Scaron sur itélé au lendemain de sa tonitruante déclaration, on plaint l’affreux destin de NKM en cas de réélection de Sarkozy. Vous imaginez ? De numéro 4 du gouvernement, elle serait sans doute passée à d’éminentes responsabilités sacrificielles : ministre d’Etat, sinon chef du gouvernement, avec la réincarnation de Léon Daudet dans l’ombre du président. Inhumain.
Heureusement, Bruno Le Maire – ancien villepiniste passé du brushing argenté à la Rolex en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire- n’est pas davantage en reste. Se plaignant d’avoir été écarté pendant la campagne, alors qu’il avait rédigé le projet présidentiel du candidat Sarkozy, il n’a pas de mots assez durs pour ses camarades qui lorgnent vers le Front National. Encouragé par Les Inrocks, il nous gratifie d’un petit chef d’œuvre de langue énarchiste : « On doit travailler à la définition d’une doctrine politique audacieuse qui réponde à la situation politique grave du pays et apporte des réponses à la crise économique et morale que traverse la France ». Vous pouvez vérifier, tous les éléments de langage réglementaires y sont. Nul doute que l’on retrouvera la même prose imaginative dans le manifeste de la « droite moderne et républicaine » qu’il publiera à la rentrée – mais quelle bonne âme se dévouera-t-elle pour écrire le vadémécum de la droite archaïque et monarchiste ? Or, non content de poursuivre sa lutte héroïque contre l’extrême droite, Le Maire, parfaitement rodé à la langue de Bismarck… pardon de Goethe, tient mordicus à faire avancer son principal cheval de bataille : l’Europe, l’Europe, l’Europe ! « L’UMP est la seule famille politique à défendre l’idée des Etats-Unis d’Europe » assène-t-il dans une salve de bonne guerre contre l’aile souverainiste de la Droite Populaire (Jacques Myard, lis ces lignes !) moyennant quoi « le renforcement du couple franco-allemand » et un approfondissement de la bureaucratie européenne devraient résoudre la double crise de l’euro et des dettes souveraines. Avec un petit hochet démocratique en guise de consolation, le peuple si réfractaire aux OUI européistes (victoire sur le fil de Maastricht en 1992, camouflet pour le TCE en 2005) ne devrait pas moufter. D’ailleurs, pourquoi son amie NKM ne lui suggère-t-elle pas l’organisation d’un referendum continental sur le mariage gay, l’adoption homosexuelle ou le tri des déchets ? Il y a assurément de quoi réconcilier les citoyens avec la technostructure européenne en multipliant ce genre d’initiatives utiles au vivrensemble et « à la définition d’une doctrine politique audacieuse qui réponde à la situation politique grave du pays » (ne vous pâmez pas d’admiration, j’ai fait Bruno Le Maire deuxième langue au lycée).
Et le Front National dans tout ça ? Dans la lignée de son ouvrage fondateur Le Front antinational (un Mes idées politiques version droite humaniste et moderne) la députée de Longjumeau n’a pas daigné saluer la benjamine de l’Assemblée nationale lors de la séance inaugurale de la nouvelle session parlementaire. Délit de sale gueule ? De patronyme et de parti plutôt, puisque comme son grand-père, sa tante et jadis son père, Marion Le Pen-Maréchal émarge au FN, qui « n’est pas l’extrême de la droite, ou la droite en plus radical. Il est d’une autre nature » dixit NKM. Avec un brin de mauvais esprit, on lui susurrerait à l’oreille les critiques amères de sa comparse sénatrice Chantal Jouanno pourfendant ces foules de militants UMP avocats zélés d’une réunification des droites gonflés à bloc contre le « communautarisme » et l’islam1.
Mais si NKM fait fausse route en désavouant les petites mains de son parti, François Baroin la conforte à coups de procès en illégitimité : “Je ne connais pas un dirigeant à droite digne de ce nom qui ait la légitimité nécessaire pour s’exprimer au nom de l’UMP et qui soit favorable à une alliance avec le FN.” Un cordon sanitaire entre UMP et FN soit, mais dans ce cas, quelle digue idéologique établir entre Lionnel Luca et Gilbert Collard ?
En tout cas, voilà le louvoyant Jean-François Copé prévenu ! Dans la bataille rangée pour la présidence de l’UMP à l’automne, nos trois hussards de la droite propre n’entendent donc pas faire de la figuration. Avec 2017 en ligne de mire, tous les trois se réservent la possibilité d’une candidature, si le duel Fillon-Copé ne leur donnait pas satisfaction. En attendant, l’attelage NKM-Baroin-Le Maire peut se consoler en lisant les si bienveillantes pages des Inrocks qui témoignent de leur cote de popularité… parmi la gauche branchouille. Si Libé décidait à son tour de les porter aux nues, espérons pour chacun de ces ambitieux que les primaires de la droite en 2016 soient ouvertes, très ouvertes…
Daoud Boughezala
*Photo : Les Inrockuptibles
- Foin d’ironie, avouons qu’un parti sans base est nettement plus facile à manœuvrer, chose que tous les hiérarques du Front National vous confirmeront