Publié le : 13 août 2012
Source : marianne2.fr
C’est osé ! Telle est la réaction qu’inspire la décision rendue le 9 août par le Conseil constitutionnel concernant le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, dit «pacte budgétaire». Anne Marie Le Pourhiet, professeur de droit public, estime l’appréciation des juges constitutionnels «astucieuse et audacieuse».
Contrairement à ce qu’ont indiqué certains commentaires trop rapides et superficiels, le Conseil constitutionnel n’a pas du tout «validé» le traité (ce n’est pas son rôle en la matière), mais n’a pas non plus indiqué que sa ratification ne nécessitait aucune révision constitutionnelle.
Il a seulement interprété le pacte budgétaire comme offrant aux États une alternative dont une branche, contraignante pour les finances publiques, nécessiterait une révision constitutionnelle, tandis que l’autre branche, non contraignante, n’impliquerait pas de révision. C’est ce que l’on appelle, dans le jargon des juristes, une « interprétation neutralisante ». Mais, en l’espèce, son raffinement quelque peu pervers se discute et il n’est pas certain du tout que l’interprète officiel des traités européens que constitue la Cour de justice de l’Union européenne se laisse séduire par cette duplicité.
Il faut convenir que cet énoncé n’est pas clair du tout et laisse entendre que les États pourraient adopter soit des normes contraignantes constitutionnelles ou en tous cas hiérarchiquement supérieures aux lois de finances, soit d’autres mesures qui ne seraient donc pas contraignantes mais dont le traité exige cependant que le plein respect et la stricte observance soient garantis.
Or, précisément, toute la stratégie du Conseil constitutionnel a consisté à jouer sur l’alternative apparemment ainsi offerte par le traité. Il explique que si la France prend l’option de la norme constitutionnelle ou organique directe et contraignante il faudra évidemment une révision constitutionnelle, mais que si elle choisit d’adopter un système non contraignant, il ne sera alors pas nécessaire de réviser.
Le problème est que l’on ne voit pas du tout à quoi peut ressembler ce mécanisme non contraignant et que le Conseil s’abstient soigneusement d’en suggérer les contours. Curieusement cependant, alors qu’il indique dans son considérant n°22 que cette seconde option, non seulement ne suppose pas de norme contraignante mais n’implique même pas de recourir à une norme d’une autorité supérieure à celle des lois, il est quand même bien obligé de «dénicher» ensuite, dans son considérant n°24 la possibilité d’adopter une loi organique pour fonder ce simple encadrement non contraignant des
C’est dire qu’il finit par reconnaître au bout du compte, après l’avoir nié, la nécessité d’adopter quand même un texte normatif qui s’imposera au législateur financier. Tout cela n’est pas trés cohérent et l’on devine bien que ce byzantinisme obscur est mis au service d’une stratégie politique.
Le Conseil constitutionnel ne s’est pourtant pas embarrassé en interprétant ces dispositions constitutionnelles, initialement destinées à compléter simplement des articles de la Constitution gaullienne de 1958, comme permettant d’introduire une règle d’or en forme de grosse Bertha germanique.
Enfin, puisque le Conseil suggère ainsi au gouvernement une solution prétendument soft n’impliquant pas d’adopter de nouvelles normes constitutionnelles financières, il ne lui restait plus qu’à constater, dans le bouquet final, qu’un si délicat et inoffensif traité ne saurait compromettre non plus les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale. Le paradoxe est que, de l’autre côté du Rhin, la loi fondamentale allemande a dû être modifiée à la majorité des deux tiers du parlement fédéral pour permettre la ratification du même traité !