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Blanchiment d’argent : Florence Lamblin, une histoire rocambolesque digne d’Audiard

23 octobre 20120
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Publié le : 22 octobre 2012

Source : leplusnouvelobs.com

Blanchiment d’argent en bande organisée, lessiveuse, réseau, drogue, association de malfaiteurs, valises, argent sale, jeux de hasard : depuis une dizaine de jours, on se croirait dans un film d’Audiard.

« Plus t’as de pognon, moins t’as de principes. L’oseille c’est la gangrène de l’âme. »

17 personnes mises en examen, sept écrouées, parfois c’est neuf ou huit on ne sait plus très bien, et un nom, un seul : celui de Florence Lamblin, l’élue écologiste parisienne. Des autres, on ne saura rien, ou si peu :  »des architectes, des galeristes et autres commerçants », des notables, mais surtout des personnes dont on a respecté la présomption d’innocence en ne dévoilant pas leur nom. Tout juste saura-t-on qu’il y a une fratrie à la tête du réseau, les frères Elmaleh, qui non, n’ont rien à voir avec Gad ou Arié, comiques de leur métier, du moins à ma connaissance.

Mais si la pauvre Florence a ainsi été jetée en pâture aux médias et à l’opprobre publique avant même la fin de l’enquête et un procès, il faut avouer que le feuilleton qu’elle nous a donné à lire depuis quelques jours pourrait concurrencer le côté comique des frères Elmaleh (les humoristes, pas les trafiquants).

« Vous savez quelle différence il y’a entre un con et un voleur ? Un voleur de temps en temps ça se repose. »

Dès son nom connu, c’est tout d’abord son avocat qui a parlé, Maître Boursican, qui a ainsi rappelé que sa cliente n’avait « rien à voir » avec ce trafic, qu’elle était « choquée » et surtout que « Florence Lamblin est quelqu’un d’une probité exemplaire ».

D’ailleurs, Florence Lamblin est très très fâchée que seul son nom soit cité : « elle est la proie de toute une presse qui regarde de son côté car elle est élue politique alors que ce dossier n’a aucune couleur politique » rapporte son avocat, oubliant quand même au passage que le statut d’élue l’oblige, sur le papier du moins, à être exemplaire et irréprochable. Ce ne sont ni Nicolas Sarkozy, ni François Hollande qui diraient le contraire. Bon, d’accord, Balkany, Pasqua et quelques autres pourraient ne pas être d’accord.

« Deux milliards d’impôts ? J’appelle plus ça du budget, j’appelle ça de l’attaque à main armée. »

Tout juste pouvait-on lui reprocher, éventuellement, mais c’est même pas sûr, une toute petite ridicule, minuscule fraude fiscale. Trois fois rien pour une élue.

Et puis, Florence Lamblin a fini par vouloir s’expliquer, se justifier. Et là, on est tombé dans l’ubuesque, la comédie, presque du Audiard. Florilège.

Mercredi, elle promettait, selon « Le Parisien » de payer « ses impôts à l’euro prêt » (la rédaction du « Parisien », si vous cherchez une correctrice pour vos textes, n’hésitez pas, je suis votre homme, euh, votre femme). Donc Florence va payer ses impôts, au centime près. Et elle annonce qu’elle va régulariser sa situation jusqu’au dernier sou. Si ce n’est pas exceptionnel comme geste, ça, hein, je vous le demande, quand même ! Elle reconnaît par cette promesse avoir quelque peu truandé le fisc (allez, avouez, qui n’a pas barboté un ou deux % sur sa déclaration ?) mais comme elle est grande dame, elle accepte de régulariser. La classe, on l’a ou on ne l’a pas.

Sauf qu’en réalité, elle ne va rien régulariser du tout, elle va se faire redresser, oui, par le fisc. Espérons qu’il aura pour elle la même tolérance que pour Johnny Hallyday ou Karl Lagerfeld et non celle qu’il n’a pas eue pour Dieudonné. Mais même si elle reconnaît avoir truandé le Trésor Public, elle prévient tout de suite, elle ne démissionnera pas. Tout juste a-t-elle « décidé de suspendre [ses] activités et mandats politiques tant internes qu’externes jusqu’à la régularisation de [sa] situation fiscale«  tout en renonçant, quand même faut pas abuser, à ses indemnités, salaires, jusqu’à l’issue de cette période « d’incroyable violence qu’elle traverse ».

« Un pigeon, c’est plus con qu’un dauphin, d’accord mais ça vole. »

Et alors, ces explications ? Je résume. Elle avait donc des sous, beaucoup de sous, venant d’un héritage, datant de son grand-père, le tout sur un compte suisse, loin des yeux des impôts mais près de son cœur, dans lequel elle piochait de temps en temps pour ses menues dépenses.

« Je m’en servais pour les dépenses de la vie courante » comme ces 28.000 euros qui lui serviront à payer ses vacances dans son appartement près de Chamonix, ou la péniche à 1000 euros la semaine qu’elle a loué pour l’anniversaire de sa fille. Ne la jugeons pas, nous sommes tous le con et le riche de quelqu’un.

Par le copain d’une relation de sa tante, quelqu’un qu’elle ne connaît ni d’Ève ni d’Adam lui rapporte dans « un sac en de supermarché » l’argent en liquide après qu’elle a transféré les sous de son compte suisse sur un autre compte, moyennant 4% de commission. Juré, elle n’avait aucune idée de l’origine frauduleuse des fonds. Appelle-moi con, comme dirait l’autre. Bon admettons, elle est naïve, très naïve ?

Là où ça devient vraiment amusant, c’est qu’elle avoue qu’elle savait que c’était non seulement illégal, mais qu’elle s’acoquinait avec des gens plutôt louches, puisqu’elle s’est dit « pas rassurée » et a préféré être accompagnée en se rendant au rendez-vous qui lui permettra de récupérer son pognon.

« Dans la vie on partage toujours les emmerdes, jamais le pognon. »

Mais sinon juré, craché, croix de bois, croix de fer, elle ne savait pas qu’il s’agissait de blanchiment d’argent. De fait, on ne sait plus si il s’agit de naïveté surjouée ou de vraie mauvaise foi.

Ce qui est également amusant – si on veut – c’est qu’après avoir déposé l’argent dans un coffre qu’elle louait avec sa sœur, elle choisira d’en ouvrir un autre, de coffre, à son seul nom, rien que pour elle, pour y déposer une partie des 355.000 euros, afin de « ne pas mettre sa sœur en porte-à-faux ». Elle aurait voulu berlurer sa frangine en gardant l’artiche pour elle seule qu’elle ne s’y serait pas pris autrement, mais je l’ai souvent répété, j’ai très mauvais esprit, et quelques mauvaises expériences aussi.

Le comble du rigolo ? On hésite entre le fait qu’elle vend des sextoys écolo (même si j’ai un doute sur le côté écolo du canard vibrant avec fourrure) ou son explication sur les lingots d’or offerts par sa grand-mère et retrouvés par la police, qui auraient pour elle « une valeur sentimentale » (et valent accessoirement 120.000 euros au prix de l’or). Mouarf.

D’un côté, sincèrement, on la plaint, non, vraiment, on la plaint, d’être ainsi la seule proie des médias dans cette affaire, d’autant qu’on a peu de mal à imaginer que parmi les 17 autres prévenus doivent se trouvent quelques autres grandes personnalités. Attendons la suite.

Mais le jeu est ainsi fait, ma pauvre Lucette, et Florence Lamblin est une élue, c’est donc malheureusement logique qu’elle ait à rendre des comptes à la fois à l’État qui l’emploie mais aussi au peuple qui la paye, et que ce soit son nom qui sorte ainsi du chapeau des médias.

Si Bertrand Delanoë, Noël Mamère ou Eva Joly ont sans pitié appelé à sa démission immédiate, d’autres comme Cécile Duflot, si elle condamne la fraude fiscale, ont des propos plus compréhensifs :

« Je suis de ceux qui considèrent qu’on ne doit pas accabler ceux qui sont dans la difficulté, je pense qu’elle est dans une grande difficulté humaine, ça arrive dans toutes les familles, dans toutes les organisations, dans les associations. »

« Quand on parle pognon à partir d’un certain chiffre tout le monde écoute. »

Appeler une escroquerie, ou tentative de fraude fiscale « une difficulté humaine » comme en traversent « toutes les familles », ça ne manque pas de sel.

Toutes ces explications oiseuses, maladroites, capillotractés à en devenir chauve de Florence Lamblin en deviennent presque marrantes. Il y a presque matière à écrire un bon scénario de film. Un nouveau « Dîner de cons » où on se demanderait pour le coup, mais qui est donc le con ?

Dom B

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