Publié le : 03 novembre 2012
Source : bernardlugan.blogspot.fr
Au Mali, l’option militaire étant en théorie « dans le tube », il convient de ne pas perdre de vue que toute intervention qui ne serait pas précédée du règlement politique de la question touareg ne serait qu’un coup d’épée dans l’eau. Quant au « traitement » des groupes gangstero-islamistes qui occupent les villes du nord Mali – quelques dizaines, voire deux ou trois centaines d’hommes, – il est à la portée de l’armée française. Le seul problème, mais il est de taille, est que ce n’est pas la France qui doit directement mener l’opération, mais les 15 Etats composant la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). On voit mal comment cette tour de Babel sera capable de fournir la force de 3000 hommes qui lui est demandée car les volontaires ne se bousculent pas.
A ce jour, seuls trois pays ont en effet répondu présent :
- La Côte d’Ivoire qui n’a plus d’armée et dont les quelques unités « opérationnelles » ne parviennent pas à sécuriser la frontière avec le Liberia.
- Le Nigeria dont l’armée est déjà engagée à l’intérieur même de ses frontières pour tenter d’y ralentir une guerre ethno religieuse qui risque de déboucher à moyen ou long terme sur une partition nord-sud. De plus, cette armée ne fut guère convaincante lors de ses interventions passées en Sierra Leone et au Liberia.
- Le Burkina Faso qui ne pourra fournir qu’un contingent à la mesure de ses moyens.
Les 12 autres Etats membres de la CEDEAO sont sur « l’arrière-main ». Le Niger et le Ghana sont partisans d’une négociation, le Sénégal et le Togo n’enverront que des détachements symboliques d’une centaine d’hommes au maximum, et le Bénin est incapable de projeter une force conséquente. Quant à la Sierra Leone, au Libéria, à la Guinée, à la Guinée Bissau, au Cap Vert et à la Gambie, autant ne pas en parler… cependant que l’armée malienne a montré de quoi elle était capable au mois de janvier dernier ! En définitive, les deux seules armées régionalement opérationnelles appartiennent à deux pays non membres de la CEDEAO, à savoir la Mauritanie et le Tchad. Or, Nouakchott a annoncé qu’elle n’interviendrait pas, cependant que N’Djamena se fait prier…
Il va de plus être nécessaire d’apaiser les « inquiétudes » algériennes. Alger qui a une frontière de plus de 1000 km avec le Mali et qui abrite sur son sol une importante fraction du peuple touareg, est en effet à la recherche d’une solution politique quand Paris pousse, au contraire, à une intervention militaire. Sa crainte est de voir Aqmi, prolongement du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) qui ensanglanta le pays par le passé, être repoussé vers le Nord. C’est pourquoi la ligne constante suivie par l’Algérie est un dialogue avec ceux des groupes maliens qui, selon elle, ont des revendications pouvant être considérées comme légitimes. Depuis des mois, et avec des fortunes diverses, Alger tente donc de couper ces derniers des narcotrafiquants et des terroristes. L’Algérie qui craint qu’une intervention militaire ait pour conséquence de renforcer la cohésion de ces groupes aux objectifs différents, considère donc que l’activisme français nuit à ses propres intérêts de sécurité.
Tout cela fait que l’Algérie ressent mal les pressions françaises destinées à engager les hostilités dans le seul but de permettre à Bamako de récupérer l’Azawad et d’en revenir en fait à la situation antérieure.
La visite annoncée de François Hollande en Algérie permettra-t-elle de rapprocher les points de vue des deux pays ? Peut-être si le président français arrive les bras chargés de cadeaux comme des facilités de circulation encore plus grandes pour les Algériens désireux de se rendre en France ou d’autres annonces sur la repentance à sens unique.
Bernard Lugan