Publié le : 01 décembre 2012
Source : michelcollon.info
Il y a des vérités que l’on n’aime pas entendre. Surtout celles qui donnent raison au gouvernement de Damas. L’idée de « complot contre la Syrie » conspuée par les fans de la fausse révolution syrienne vient pourtant d’être confirmée par les révélations du quotidien libanais Al Akhbar. Des enregistrements audio fournis par une source anonyme exposent le rôle sinistre joué par le député du Courant du futur libanais Okab Sakr, un proche de Saad Hariri, dans la conspiration anti-syrienne. Le Qatar, l’Arabie saoudite et la Turquie ne sont pas en reste.
Okab Sakr, alter-ego de Saad Hariri ou le djihadisme à visage mondain
Dans le monde arabe, au Liban et en Syrie en particulier, c’est le sujet du jour : le quotidien libanais Al-Akhbar a obtenu et publié des enregistrements impliquant le député du Courant du futur Okab Sakr dans un trafic d’armes à destination de l’opposition armée syrienne à la demande du chef du Courant du futur Saad Hariri.
Ces enregistrements audio constituent la première preuve solide du rôle de Sakr dans l’armement des terroristes syriens.
Il y a quelques semaines, le bureau d’Al-Akhbar à Beyrouth recevait un appel téléphonique anonyme. L’inconnu avait affirmé qu’il était en possession d’enregistrements audio « qui accablent le député Okab Sakr et démontrent son rôle dans la destruction de la révolution (syrienne). »
Loin d’être une surprise, cette information ne faisait que confirmer ce que l’on savait depuis le début de l’insurrection syrienne à propos des relations entre le Courant du futur et la rébellion syrienne sur base d’aveux et d’instructions judiciaires concernant un trafic d’armes vers la Syrie organisé par ce parti notamment par le biais de la société Solidere, une possession de la famille Hariri (cf. Syriana, la conquête continue, Ed. Investig’Action et Couleur Livres, Bruxelles/Charleroi, 2011).
Al-Akhbar a d’abord douté de l’authenticité de la bande sonore mais la chaîne a rapidement établi la ressemblance entre la voix audio et celle d’Okab Sakr sur base d’une expertise.
La source anonyme n’a pas révélé le nombre d’enregistrements en sa possession, mais a précisé qu’il y en avait des dizaines. Pour convaincre les journalistes libanais de sa sincérité, la source a envoyé un extrait d’un second enregistrement et a révélé qu’elle travaillait depuis plus d’un an avec Sakr dans un QG mis en place pour soutenir la révolte syrienne.
Selon la source, il existerait plusieurs centres d’opérations en Turquie : l’un à Antakya (Antioche), l’autre à Adana, et un troisième à Istanbul. Il mentionne que Sakr possède son propre QG dans le quartier de Florya à Istanbul, où des réunions sont parfois organisées.
La source anonyme a également indiqué que vingt jeunes hommes issus de différentes régions syriennes sont chargés de mener des opérations militaires depuis ces centres de commande. Ils coordonneraient avec les commandants des groupes armés la fourniture de fonds et de matériels militaires nécessaires aux combattants se trouvant dans les zones attaquées ou de siège, le tout sous la supervision d’officiers du renseignement turcs et qataris.
Toujours selon la source, les opérations sont coordonnées via un satellite de communication, en particulier Thuraya et via des téléphones satellitaires comme Iridium. Elle a ajouté que des hommes se rendent régulièrement en Syrie pour distribuer de l’argent aux chefs de l’opposition.
La source a également déclaré que Sakr est très proche d’Abou Ibrahim, le chef des ravisseurs des neuf pèlerins libanais. Ce dernier aurait reçu un salaire mensuel de 50.000 dollars, remis en main propre par les jeunes hommes du bureau de Sakr.
Quant à sa motivation à fournir les enregistrements, la source anonyme a indiqué que « Sakr a ruiné la révolution avec ses manœuvres folles (…) Au cours de ces réunions, nous nous opposions, par exemple, à sa décision d’envoyer des armes dans un zone que nous voulions garder comme refuge pour ceux qui fuient les combats. Mais il insistait de manière hystérique, montrant son indifférence à l’égard de la vie des gens ».
La source accuse ensuite le député libanais de « verser de l’argent aux commandants de groupes armés, sans faire de distinction entre les tueurs mercenaires et l’opposition patriotique ».
« Si l’argent et les armes avaient été utilisées de meilleure manière par Okab, Bachar al-Assad aurait pu être renversé quatre fois plus vite », se plaint-il.
Les détails de ses révélations sont accessibles sur le site d’Al-Akhbar via le lien suivant : http://english.al-akhbar.com/conten…
Voici à présent le premier enregistrement fourni par la source anonyme :
Abu al-Noman (chef d’un groupe armé) : Salam aleikoum.
Okab Sakr : Wa aleikum assalam. Allez-y.
AN : M. Okab, notre groupe est encerclé. Dans un jour ou deux jours, la région va tomber. Nous sommes bombardés par des avions et l’artillerie. Ils attaquent sur tous les fronts. Aidez-nous s’il vous plaît, nous avons besoin d’armes.
OS : S’il vous plaît dites-moi les armes que vous voulez et dans quelles quantités.
AN : Nous avons besoin d’environ 300 roquettes et vingt lanceurs. Et si il est possible de fournir 250.000 balles russes [AK47] pour 300 mitrailleuses et quelques armes spéciales.
OS : Pour quelle région avez-vous besoin de tout ce matériel.
AN : Azaz, Tal Refaat, Andan, et l’ensemble du Rif Halab [la campagne d’Alep]. Vous savez ce qui se passe ici. Depuis hier, ils ont réussi à entrer par environ trois fronts à partir d’Idlib … et à l’intérieur d’Alep, nous faisons face aux chebbiha [voyous du gouvernement].
OS : Alors, qui va recevoir la livraison et où doit-elle s’effectuer ? Comment l’opération aura-t-elle lieu ?
AN : La livraison sera, comme d’habitude, séparée … Abu al-Baraa sera là avec les gars. Ils feront ensuite route jusqu’à Alep en voiture. Mais nous devons agir aussi vite que possible, parce qu’il y a un grand besoin et les bombardements continuent. Les hommes sont dispersés et il n’y a pas de munitions. Ils ont à peine une ou deux munitions en réserve et elles s’amenuisent rapidement. Par la grâce de Dieu, essayez de les obtenir de quelque manière que ce soit. Je ne sais pas quoi dire, après Dieu, il n’y a que vous.
OS : Serez-vous présent lors de la livraison ?
AN : Non frère, c’est Abou al-Nour qui sera là avec les gars et les voitures. Ils s’occuperont de la réception du matériel comme d’habitude.
Bahar Kimyongür
Bahar Kimyongür est l’auteur de Syriana, la conquête continue, Ed. Investig’Action et Couleur Livres, Bruxelles/Charleroi, 2011, et porte-parole du Comité contre l’ingérence en Syrie – CIS