La Plume parcourt le Net

Mariage gay : la nouvelle norme française

4 décembre 20120
Mariage gay : la nouvelle norme française 5.00/5 1 votes

Publié le : 03 décembre 2012

Source : causeur.fr

La gauche lutte enfin contre le chômage des cigognes et la raréfaction des choux

Par un glissement sémantique audacieux, le mariage pour les homosexuels est devenu le mariage pour tous. On ne peut que s’étonner de cette soudaine générosité, qui ne trouve pas d’autres explication qu’une fuite en avant permettant de mieux faire passer la pilule, tout en ouvrant la voie aux plus folles conjectures. Il suffirait donc que deux individus partagent un sentiment amoureux pour convoler en justes noces sans autres prérequis qui relèverait de ce qu’on appelait jadis la « culture » et n’était pas nécessairement inclus dans un corpus juridique ! Il est même possible d’imaginer que les narcissiques impénitents, les amoureux passionnés de leur image et les individualistes forcenés exigent un jour de s’épouser eux-mêmes ?!

On demande en effet au législateur, dont la fonction consiste à poser des limites et à légitimer des différences, d’abandonner ces prérogatives et de se résigner à entériner une évolution des mœurs qui ne peut évidemment qu’ouvrir sur des jours meilleurs. Il est vrai que, selon les canons de la bien pensance, toute limite, de quelque nature qu’elle soit, s’oppose à la sacrosainte pulsion consumériste et donc aux lois du marché. De même, les différences sont devenues synonymes d’inégalités et paraissent inacceptables à ceux qui promeuvent un monde exempt de toute aspérité.

La gauche, à l’initiative du projet de loi, sacrifie une nouvelle fois au double culte de la nouveauté et du progrès. Pétrie de bonne conscience et impatiente de complaire à l’air du temps que sait générer une minorité de « médiatisés », elle accepte sans sourciller l’idée, on ne peut plus libérale : « C’est nouveau, donc c’est bien ». Sous la bannière miraculeuse de l’avenir, les changements sont devenus une nécessité intransitive. Ils se suffisent à eux-mêmes pour conduire à ce progrès qu’il serait malséant d’écarter tout en évitant de se poser la question de la trajectoire qu’il indique : « On change pour changer ! ». Alors que, par exemple, le dérèglement climatique devrait amener la gauche à revisiter certaines valeurs du passé, celle-ci, sous prétexte de croissance, continue à alimenter une fuite en avant consumériste.
L’imprudence du slogan : « Le changement, c’est maintenant » n’en a pas fini de produire ses effets délétères. Changer, mais comment et vers quoi ? Voilà les véritables enjeux. En attendant, nos gouvernants font l’économie de toute prise de recul quant aux conséquences — osons le mot — philosophiques de la mise en place de promesses électorales dont on sait le caractère souvent démagogique. Pour les politiques, à quelque bord qu’ils appartiennent, le passage à l’acte législatif tient lieu de valeur et le mouvement incessant donne l’apparence de la réflexion.

La gauche écartèle la société entre deux directions opposées. Sur un plan économique elle promeut les intérêts du groupe mais, en ce qui concerne les modes de vie, elle participe activement à la parcellisation des individus et à la privatisation de la morale. Elle favorise ainsi un individualisme de masse qui, à l’aide de l’appareil médiatique, fait que tout le monde pense la même chose tout en ayant le sentiment de cultiver sa singularité. Il en résulte que l’interventionnisme de l’État, dans la sphère apparemment privée, ne cesse de s’étendre par le biais de la machinerie législative, pour répondre à des désirs contradictoires, car provenant de minorités tout aussi agissantes que divergentes dans leurs attentes. Ainsi, la libéralisation des mœurs, présentée comme une acte de pacification de la société, pourrait bien aboutir à la guerre de tous contre tous. Comment le sentiment de fraternité peut-il se développer, alors que les uns font valoir l’exercice de leur liberté et que d’autres mettent en avant le principe d’égalité ?

Le mariage en général et celui des homosexuels en particulier, n’a de sens que dans la construction d’une filiation. Il se trouve que pour diverses raisons, les enfants « adoptables » sont de moins en nombreux. De 2005 à 2012, le nombre des adoptions provenant de l’étranger devrait passer de 4000 à 1500. Quant aux enfants nés en France ils ne sont qu’environ 600. Enfin, près de 25 000 agréments de couples hétérosexuels sont actuellement en suspens. Ainsi, les enfants susceptibles d’être adoptés par des couples homosexuels seront, dans les faits, très peu nombreux, bien que ces derniers jouissent d’un niveau de vie souvent supérieur à la moyenne, ce qui risque d’introduire un biais économique dans le résultat des procédures. Il est facile d’anticiper que, très rapidement, les techniques de procréation assistée vont être sollicitées pour trouver une cohérence, après-coup, au mariage pour tous. C’est de cette manière que peut démarrer une succession de décisions où la suivante va justifier la précédente, dans un renversement logique remarquable.

Par ailleurs, la privatisation de la morale : « C’est mon désir, donc il est légitime », largement relayée par une gauche qui, reniant ses origines, prône bien plus l’individuel que le collectif, lâche la bonde au consumérisme relationnel. Celui des objets ne nous suffit plus, il concerne maintenant l’autre, c’est-à-dire la pratique de l’altérité. Ainsi, la relation elle-même devient un objet de consommation d’autant plus « intéressant », par paresse, qu’elle efface les différences. C’est ce qui fait que le sentiment d’exister se construit de plus en plus dans la filiation car, comme le commande l’idéologie omniprésente du jeunisme, les enfants « servent » aux adultes d’élément d’identification.

Je propose, pour le futur, deux réformes en tout point cohérentes avec l’appétit de déconstruction que montre notre époque. La première consisterait à supprimer le mariage. En effet, voilà bien une institution dont l’utilité devient de moins en moins apparente au fil des années, d’ailleurs selon les statistiques officielles elle est en perte de vitesse. Plus de la moitié des couples divorcent ; il semble bien que ceux qui contractent ce lien, pourtant réputé sacré, y trouvent plus facilement la possibilité de faire valoir leurs droits que l’obligation de se soumettre également à des devoirs. De même, se marier « pour avoir des enfants » a de moins en moins de sens puisque les naissances hors mariage sont maintenant plus nombreuses que celles qui en sont issues. Enfin, un symbole – lorsqu’il prétend à l’universel – devient un simple pictogramme et le mariage pour tous, comme son nom l’indique clairement, perd toute valeur de rituel.

La seconde réforme touche l’enseignement. La notion de père et de mère est appelée à disparaître au profit de celle de parent, éminemment neutre, réputée pacificatrice et égalitaire. La filiation est appelée à se jouer de plus en plus fréquemment dans la froideur des éprouvettes, la sophistication croissante de la technologie et le dédale des législations qui se dressent entre les pays, c’est-à-dire dans un anonymat qui convient à une société libérale où il importe que chaque individu soit détaché de toute histoire, nomade et universel afin de rester disponible au marché de l’emploi. L’avenir va être soumis à la neutralité bienveillante, qu’assure l’uniformité, et à l’échange des rôles et des fonctions que facilitent la technologie et la circulation des informations.

Ne serait-il pas opportun de réintroduire ici un peu de poésie ? Je propose de reprendre les bonnes vieilles explications, ces merveilleuses fadaises, destinées aux enfants et concoctées par des parents soucieux de ne pas aborder la périlleuse question sexuelle, par bonheur en voie d’obsolescence dans notre société. Les générations futures tireront le plus grand profit à accorder crédit au vol des cigognes et à l’éclosion des choux comme autant d’explications à l’apparition d’un nouveau-né. Elles se trouveront de cette façon en concordance avec l’évolution à venir des mœurs et éprouveront la plus grande reconnaissance envers toutes celles et ceux qui leur auront construit un monde « confortable ». Le savoir, fondé sur l’arasement des différences sera réduit à sa plus simple expression, l’égoïsme triomphera enfin, protégé par une profusion de lois et de jurisprudences, maîtrisée par la technologie la biologie n’imposera aucune contrainte. Il suffira enfin de vouloir pour pouvoir.

Jacques-Antoine Malarewicz

Psychiatre et psychothérapeute. Auteur de Repenser le couple (Livre de poche) 2002 et de La fin de la psychothérapie (Odile Jacob) 2011.

EmailPrintFriendlyBookmark/FavoritesFacebookShare

Mots clés : , , ,

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*