Il est fréquent d’entendre nos journalistes « culturels », critiques cinématographiques ou prétendues têtes pensantes de tous poils et de toutes origines évoquer ce fameux « humour juif » qu’auraient en commun Woody Allen, Billy Crystal, ou les Marx Brothers aux Etats-Unis, Gérard Oury, Pierre Dac ou Alex Metayer en France, et pour n’en citer que quelques -magnifiques- exemples.
J’ai toujours été à l’instar d’un Pierre Desproges « assommé, fatigué par la prétention qu’ont certains juifs de détenir la clé de l’humour ». Le même Desproges raillait par ailleurs cette racialisation grotesque et en réalité bien malsaine de l’humour en lui opposant son propre « humour limousin, peu perméable aux Chouans ».
La classification éthnique en matière humoristique comme en beaucoup d’autres -et alors même qu’en ce qui concerne les juifs cette notion éthnique est très largement fantasmée- est donc profondément choquante. Et si elle ne concernait plus que la religion juive… A-t-on jamais entendu parler d’humour catholique, protestant, musulman, shintoïste ou bouddhiste ?
Certes, il est par contre parfois judicieux de définir l’humour en prenant en compte le terreau national -et donc culturel- où il s’est développé : c’est ainsi que l’on peut parler avec raison d’un humour spécifiquement britannique.
Alors, je dois aujourd’hui le reconnaître, j’avais tort : l’humour juif existe bien. Ou plus exactement, l’humour israélien. Et Benyamin Netanyahu en est le champion actuel incontestable.
On en avait déjà eu un premier indice fort il y a de cela à peine quelques semaines, lorsque le gaillard avait brandi son petit dessin de bombe atomique iranienne supposée à la tribune de l’ONU (le « machin » était déjà dans le coup), singeant en l’occasion le cultissime Colin Powell, avec sa fausse fiole d’antrax en 2003 (à l’ONU encore !). La confirmation définitive nous est donc parvenue moins de 24 heures après le vote de l’Assemblée générale conférant à la Palestine le statut d’Etat non membre (de l’ONU toujours !) : ni une ni deux, Netanyahu, champion du stand up et dans un génial élan d’inspiration, a annoncé… La construction de 3 000 nouveaux logements en Cisjordanie occupée, notamment à Jérusalem-Est, construction qui plante un dernier clou dans le cercueil pourtant déjà depuis longtemps scellé de la continuité territoriale du « futurissime » état palestinien. Si ça ce n’est pas de l’humour, alors qu’est-ce que c’est !
Il existe aussi de fait, le dernier sketch de Bibi vient de nous en fournir également une preuve irréfutable, un humour typiquement états-unien, et un autre européen (moins remarquable parce que pâle copie du précédent) : les dirigeants de ces deux entités ont effet sans pouffer de rire (ce qui est une forme d’exploit) dénoncé unanimement et « fermement » la décision pourtant renouvelée constamment par la droite comme par la gauche israélienne depuis près de cinquante ans de continuer encore et encore, d’amplifier toujours et toujours la colonisation des territoires occupés ! Et toc ! Netanyahu et Israël en tremblent encore…
Même politique de spoliation systématique d’un peuple abandonné de tous, même condamnations scandalisées de façade pour faire bonne figure, même absence totale de la moindre sanction de la part de la « communauté internationale » … C’est bien connu, l’humour est éternel. Même quand il s’agit d’humour noir. Très, très noir. Et comme le disait encore le regretté Desproges, on peut être furieusement tenté devant celui-ci de prendre « congé pour aller vomir plus loin »…
Ah, sacré Bibi, va. Chapeau l’artiste !
Marc LEROY – La Plume à Gratter
Il faut reconnaître, vu sous cet angle, que tout cela est désopilant au possible. Cela dit,
évidemment, la grosse hilarité passée il va falloir assumer…mais on a l’habitude, ça fera bientôt
soixante dix ans que ça dure.
Amitiés.