Publié le : 16 décembre 2012
Source : bvoltaire.fr
Depuis la cuvette de chiotte de Duchamp jusqu’aux cadavres plastifiés de Gunter von Hagens en passant par les Piss Christ et autres excréments dorés sur tranche, on croyait avoir tout vu en matière de fumisterie artistique. C’était méconnaître le génie mercantile des quelques créateurs à la Maddof qui tiennent aujourd’hui le marché.
On sait, au moins depuis les années soixante du siècle dernier, que la production excrémentielle est un business. Tout cela, bien sûr, sous couvert de contestation de la société de consommation, car « si l’artiste se fond dans la vie courante, c’est pour mieux la critiquer ». À comprendre que le profit qu’on tire d’une production destinée à conchier la société est plus artistique encore que l’œuvre elle-même. La ficelle est grosse mais qu’importe. Exemple par la Cloaca de Wim Delvoye, sa célèbre « machine à digérer » – et donc à produire ce qui est le fruit de la digestion : les fèces, comme on dit en langage médical. Cloaca n’est donc pas à vendre, mais ses étrons emballés sous vide et estampillés du logo Cloaca, oui. De même que tous les produits dérivés possibles et imaginables : T-shirts, livres, vidéos, papier toilette estampillé, etc.
Dupliquée en huit exemplaires, la machine à merde de Wim Delvoye est cotée en bourse et rapporte, paraît-il, de gras dividendes aux détenteurs de ses obligations. Et ça, c’est de l’art, coco !
Mais la veine intestinale s’épuise. Il se pourrait qu’à force de racler, on touche ici le fond de la cuvette, alors il faut songer à se renouveler. C’est sans doute dans cette perspective qu’il faut considérer la dernière provocation du plasticien suédois Carl Michael von Hausswolff.
Cette fois, le mot de fumisterie est à prendre au sens propre puisque l’artiste – plutôt connu comme créateur de musiques expérimentales – a « peint » une toile avec des cendres. Pas n’importe lesquelles. Ces cendres proviendraient des fours crématoires du camp de Madjanek, à Lublin (Pologne), où il les aurait volées lors d’une visite en 1989.
Pour expliquer ses « Memory Works », Carl Michael von Hausswolff s’est justifié en expliquant que c’était « comme si les cendres contenaient l’énergie ou les souvenirs des âmes des personnes qui avaient été torturées, tourmentées et tuées par d’autres personnes au cours de l’une des guerres les plus impitoyables du XXe siècle ». Un hommage en somme.
Quand on voit le Mausolée des cendres du camp de Madjanek, on doute fort que Von Hasswolff ait pu y prélever quoi que ce soit. Sauf à profaner le lieu sous le nez du public et des gardiens, ce qui paraît plus que douteux.
La vérité est sans doute infiniment plus scandaleuse qui consiste à vendre un barbouillis confectionné avec les restes du barbecue sous l’estampille Shoah. De quoi enflammer le marché. C’est en tout cas ce qu’espèrent les galeristes qui l’exposent.
Marie Delarue