Publié le : 22 décembre 2012
Source : onestfoutus.over-blog.fr
« C’est pas qu’y soye le mauvais mec, Tapie, mais à l’âge qu’il a il aurait meilleur temps à planter ses choux plutôt qu’à acheter des journaux pouraves, fit observer Grauburle, moi, à sa place, avec le pognon qu’il a je me serais déja foutu mon camp dans un coin bien pépère. Et pas comme ce con de Depardieu un trou du cul de basse fosse en Wallonie Orientale. Une île au soleil, oui, avec des cocotiers et des chouettes nanas. Y en a, tu te demandes le plaisir qu’y zont à aller se chercher les emmerdes, quand même…bon, après y fait ski veut, ça le regarde, c’est son blé ». « Hé bien non, justement, Marcel, rétorqua Maître Trentasseur, il s’agit de l’argent qu’il extorqua naguère à la République avec la complicité des Sarkozy-Lagarde. Je vous ferai d’ailleurs observer que cette somme invraisemblable de deux-cent-vingt millions, rien ne dit qu’il ne se trouve pas un jour ou l’autre dans l’obligation de la restituer sur décision de justice. Voilà pourquoi, sans doute, il préfère investir dans la Presse. Le risque que l’Etat reprenne ses billes, avec pour effet de couler « La Provence », apparaît limité. Quoiqu’il en soit, l’affaire se révèlera toujours regrettable dans la mesure où cet aventurier ne saurait rien apporter de bon au débat d’idées. Ce type n’est rien d’autre qu’un pirate de haut-vol et lorsqu’il se pointe quelque part il constitue toujours un danger potentiel. » « Certainement! Comme lorsqu’il a déboulé dans le gouvernement de notre vieux copain Mitterrand, vous vous souvenez, Maître, rétorqua aussi sec Blaise Sanzel. Si j’ai bonne mémoire le type faisait fonction de ministre de la ville. Ah, on a vu ce qu’on a vu, pas vrai? Rien du tout! Que dalle! La ville elle a continué à partir en sucette. Il faut dire aussi que l’expérience a duré trois mois. Je puis vous en parler, j’étais encore jeunot à cette époque, j’avais à peine l’âge de Tapie aujourd’hui, c’est vous dire…et puis après, le bonhomme disparut dans les geôles de la République. Ca a dû le changer des ministères. Ainsi va la vie! »
Là dessus, une nouvelle tournée de pastaga arriva à point nommé pour calmer le jeu. Dieu merci! Une discussion politique entre Jean Trantasseur et Blaise Sanzel sur un sujet pareil, ça peut vous carboniser la journée. Faut se méfier de l’heure de l’apéro, on ne la redoutera jamais assez. L’idéal consiste à éviter le bistrot entre onze et quatorze. Oui, mais on ne peut pas toujours. Ce matin, j’étais passé faire la bise à Thérèse, la patronne, et le piège s’est refermé sans me laisser le temps de m’évacuer par l’arrière boutique. Le père Grauburle m’a repéré juste au mauvais moment. Il avait besoin d’un menu service, comme souvent, une histoire administrative à dépatouiller. Avec les papiers il a du mal, le Marcel. Pour un ancien facteur ça fait con mais c’est bien plus fréquent qu’on ne le pourrait croire. Bref, le temps de régler le truc, tous les autres avaient rappliqué et se pressaient au bord du zinc comme une colonie de fourmis autour d’un dégueulis d’ivrogne. Moi, vous me connaissez, la picole je n’abuse pas. Cependant, quand ça se trouve et qu’il s’agit d’une question de correction conviviale, je me mets au diapason avec la ferme intention de me casser le plus vite possible. Mais la fermeté de l’intention décroît au fur et à mesure des tournées et de l’implacable montée en biture. A ce rythme vous ne vous en dépétrez plus et vous vous retrouvez complètement casquette lorsqu’enfin il faut bien songer à rentrer au bercail (voir Apéro-débat. ).
D’où ma tentative de changer radicalement la conversation en basculant l’intérêt de l’honorable assistance sur le déroulement du « Vendée Globe ». Trois types, seuls depuis un mois et demi qui régatent comme des fous furieux en plein milieu du Pacifique-Sud, quasiment bord à bord, ça doit faire vibrer, non? Ben non. S’en foutent tous ces mecs! Tous autant qu’ils sont. Même Yves Rognes qui possède un petit bateau. Ils n’y voient pas plus loin que le bout de leur tarin plongé au fond du verre de pastis. Et c’est reparti sur Tapie, que voulez vous. Même après rappel par mes soins du record, détenu par l’intéressé, de la traversée de l’Atlantique-Nord sur Phocéa, la célèbre unité indûment défiscalisée. Pas moyen d’en revenir à la solitaire autour du Monde. Une vraie malédiction.
Toutefois, attention. Moi, Tapie, pour des tas de raison, je l’ai un peu dans le pif. Notamment pour sa manière de considérer l’immigration invasive. Il y a des choses qui ne s’oublient pas. Surfer sur l’humanitarisme a deux balles pour s’asseoir la notoriété en s’arc-boutant sur celle de Le Pen m’apparaît comme un peu trop cynique pour être honnête. Cela dit, bien sûr, l’invasion n’a pas eu besoin de lui pour prospérer et la contribution des Giscard-Chirac apparaît en la matière comme infiniment plus décisive. Ces deux-là eussent mérité la pendaison haut et court, Tapie justifiant seulement d’un bon coup de pied dans le cul, pour vous caractériser l’échelle des responsabilités. Enfin, ça vaut ce que ça vaut, c’est juste mon avis.
En revanche, la vie de Tapie, là j’avoue, ça me la cisaille au ras des moustaches. Balsacien, le mec et encore le mot manque de force. Parceque non seulement il a pratiquement tout fait mais encore, à septante ans quasiment sonnés, il continue à déconner à pleins tuyaux. Comme à vingt piges, quand, après avoir failli se tuer dans une course de Formule-Trois, il se lançait dans la chansonnette sans posséder si peu que ce fût aucune des qualités nécessaires à l’exercice de telles activités. Un phénomène, ce type! Personne dans le monde de la magouille politico-affairiste ne lui arrive au niveau des chaussettes. Alors, que voulez vous, le Nanard c’est tout ce que vous pensez, un sacripant, un pendard, un roué, un gibier de potence, une crapule, une canaille, un voyou, un chenapan, un filou, un paillasse, un vaurien, un coquin, une fripouille, un saltimbanque, un gredin et même un truand, si ça peut vous faire plaisir mais je ne puis me défendre d’une conséquente admiration doublée, si mal que cela puisse faire, d’une certainesympathie. Quand vous avez vécu une vie comme celle-là, même si vous affichez une vulgarité de VRP associée à la culture d’un basset-artésien, vous la forcez, l’admiration des types ordinaires, ou alors, c’est qu’ils sont trés-très cons.
Pour tout dire, j’ai opéré une descente chez Wikipédia afin de me rafraîchir un peu la mémoire, eh bien je vous assure, ça estomaque grave, quand même. Un roman picaresque, la vie de ce gus. Pour inventer pareille succession d’aventures baroques il faudrait retrouver l’imagination d’un Lesage. Les réalités du personnage dépassent tellement la fiction qu’on finirait par croire qu’ils possède au moins un jumeau planqué en réserve pour les cas où il aurait du mal à assurer.
Cela dit, bien sûr, à part ça, ce type n’aura rigoureusement rien apporté à l’humanité souffrante. Vous avez des tas de gens dont l’activité produit des effets admirables, essentiellement tous ceux qui consacrent leur vie à faire progresser la connaissance, c’est à peu près tout, d’ailleurs et d’ailleurs personne n’en parle. Mais Tapie, absolument pas. Il aura travaillé pour lui et pour lui seul. Et alors? Nous en sommes tous là, plus ou moins, non?
Reste à essayer de décrypter les intentions du Nanard dans son nouveau métier de patron de presse. Une manière de Citizen Kane sur le retour avec en ligne de mire la Mairie de Marseille? Qui sait? La probabilité d’un succès apparaît tellement faible qu’on a du mal à l’imaginer se lancer dans un coup pareil sans autre objectif. Alors quoi? Pour répandre le bien tout autour de lui grâce à ses journaux, comme il le prétend? L’évangile journalistique selon Tapie, vous y croyez vous? A mon humble avis, il s’agit juste d’un coup fumant, une occase comme une autre de réaliser un retour fracassant en mettant la panique dans le landerneau par le biais d’une affaire tout à fait acceptable, vu que cinquante millions pour faire main basse sur les quatre gros titres du Sud-Est c’est quasiment donné. D’autre part il se murmure un rapprochement discret avec l’illustre Guérini (voir Guérini aussi! ), lequel aurait déja refilé à notre héros la liste des journalistes à virer d’urgence. Bref, il veut s’amuser, le Nanard et plus si jamais ça se trouvait, bien sûr, les chourineurs de ce calibre ne dédaignent jamais les opportunités attrayantes. Restons attentifs, ça ne devrait pas tarder à sharckler du côté du Vieux-Port. On dirait que Gaudin tire une drôle de tronche; moins que jamais je n’aimerais être à la place de son slip!
Mais le plus beau de tout c’est la démonstration impeccable ainsi apportée de l’extrème impéritie de notre bon gouvernement, incapable de contrer Bernard Tapie dans une opération financière de misérable envergure. De Hollande à Montebourre, ils se sont tous donné un mal fou pour finir entubés jusqu’à la garde par le repris de justice de l’affaire VA-OM et autres broutilles! Et c’est à cette équipe de bras cassés que nous avons confié le sort du pays en pleine crise mortelle! Et l’on s’étonne que tout le monde foute le camp comme une volée de perdraux sentant accourir la meute! Enfin, pas tout le monde, Nanard, lui, il reste, les faillites ça ne lui fait pas peur, tout au contraire; sait on jamais, des fois qu’il y ait de la reprise dans l’air…
Du coup, moi, à mon douzième pastis, alors que Foupallour exposait sa vision personnelle de l’affaire, comme quoi Tapie se serait tapé Audrey, s’attirant du même coup la fureur du présumé cocu redresseur productif, l’inspiration me vint soudain d’un petit hymne à la gloire du mec en question. Ca s’intitule « Nanard Yop-la, boum » et, bien sûr, vous connaissez la musique, au moins ceux qui situent à peu près Maurice Chevalier. Les autres, d’ailleurs, je me demande ce qu’ils viendraient foutre ici.
Donc:
NANARD YOP-LA, BOUM!
Quand on voit passer le grand Nanard
Sur la Canebière,
Avec son air malabar, sa démarche altière,
Faut pas sortir de l’ENA pour comprendre qu’il est là
Pour se faire d’l'oseille dans le grand Marseille!
Nanard, yop-la, boum!
C’est le roi de la magouille,
Nanard, yop-la boum!
L’empereur de la débrouille.
Comme il est tout le temps prêt
A se faire un max de blé
Il est grave blindé,
Il se sert de son pognon
Pour niquer jusqu’au trognon
Les pires maquignons!
Quand il conclut une affaire
Il fait de gros bénéfices
Mais surveille ses arrières
Gare au préjudice!
Car il s’est déja trouvé,
Méchamment embastillé
Grâce à Montgolfier.
Ce serait con d’ finir taulard,
Yop-la, boum! Nanard!
Voilà. Après douze pastagas, vous faites mieux, vous? En tout cas elle a bien plu à Blaise Sanzel et à Grauburle, ça leur a rappelé leur époque.
Joyeux Noël à tous, même si ceux qui s’en foutent sont souvent ceux qui en profitent le plus.
Et merde pour qui ne me lira pas.
Nouratin