Publié le : 21 janvier 2013
Source : bvoltaire.fr
Pauvre Hubert Beuve-Méry. Si, ce dimanche dernier, il a ouvert le journal dont il fut le fondateur, nul doute qu’il ait exécuté un triple salto arrière en son ultime demeure. Ainsi, l’éditorial nous apprend-il qu’en Syrie, « selon des informations recueillies par “Le Monde” auprès de renseignements occidentaux, une arme chimique non létale, à effet incapacitant, a été employée par le régime syrien contre des opposants. » Conclusion : « L’emploi d’armes chimiques a été identifié, en 2012, par des dirigeants occidentaux, dont François Hollande, comme une “ligne rouge” qui justifierait, si elle était franchie, une intervention en Syrie. »
Pis que de ne pas tenir debout, tout cela n’a ni queue ni tête. Car malgré le « conditionnel » de circonstance, Le Monde assure tout et son contraire. S’alarme de l’usage d’armes chimiques mais qui, n’étant pas mortelles, seraient néanmoins équivalentes (voire en un peu plus dangereuses) au tristement célèbre gaz moutarde. De deux choses l’une, où l’articulet en question est le fait d’un stagiaire qui n’est pas le couteau le mieux affuté du tiroir ; ou il est celui d’un agent d’influence. Mais il est vrai qu’il y a si longtemps que le journal dit « de référence », a tendance à devenir « de déférence ». Après le 11 septembre 2001, Jean-Marie Colombani affirmait : « Nous sommes tous des Américains… » Ah bon. Première nouvelle. Pendant les deux guerres menées contre l’Irak, ratonnades internationales ayant causé la mort d’innombrables civils innocents, précédées d’invraisemblables campagnes de mensonge médiatique, dans lesquelles Le Monde campait plus à l’orchestre qu’au balcon, on ne l’a pas vu écrire que « nous étions tous des Irakiens »… Quand la très chrétienne Serbie fut bombardée par l’OTAN, suite, une fois de plus, à des informations toutes plus bidonnées les unes que les autres, il n’était guère plus « Serbe » qu’il ne sera demain « Iranien ».
Marrant, tout de même, ces plumitifs qui voudraient nous entraîner chaque jour que Dieu fait dans des guerres absurdes, aboutissant généralement à l’exact contraire de leur but d’origine, et dont on peut parier sans risquer sa chemise qu’ils n’ont même pas fait leur service militaire, réformés pour objection de conscience, soit pour insuffisance physique ou mentale. En revanche, il est un fait avéré que ce qui se passe en Syrie est dramatique et que la France, d’une façon ou d’une autre, ne peut faire comme si elle n’était pas concernée. Autrefois, Le Monde nous avait habitué à plus de nuance et de pertinence dans ses analyses. Cette époque est manifestement révolue, puisqu’en Syrie, il y aurait désormais une sorte de fascisme d’État d’un côté ; et de l’autre, de valeureux « défenseurs des droits de l’homme », pour reprendre la dialectique schtroumpfienne du quotidien vespéral en question. Fondamentalement, je n’ai rien contre les bonnes sœurs qui virent prostiputes ; à condition toutefois qu’elles nous épargnent morale et sermon. Surtout lorsque tapinant à l’œil pour les USA et l’Arabie Saoudite.
Nicolas Gauthier