Publié le : 25 janvier 2013
Source : l-arene-nue.blogspot.fr
Un malheur, c’est comme un témoin de Jéhovah : ça n’arrive jamais seul. De la même façon, une enquête d’opinion dont les résultats sont accablants s’accompagne toujours de son triste binôme : l’exégèse nigaude.
Les commentaires nigauds venant dans le sillage des enquêtes d’opinion peu réjouissantes sont de plusieurs ordres. Toutefois, parmi les plus fréquents, on peut citer ceux-ci :
1) si l’enquête n’est pas gaie, c’est parce que « les gens » sont des cons,
2) si l’enquête n’est pas gaie, c’est la faute des nazis.
Le sondage publié dans Le Monde daté de vendredi ne fait pas exception. Il faut dire qu’il n’est pas drôle. Cette enquête Ipsos intitulée « France 2013 : les nouvelles fractures » met en évidence « la très forte demande d’autorité et la tentation du repli national ».
Voyons, en vrac, quelques unes des réponses données par « les gens » – toutes tendances politiques confondues – à ce sondage :
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90 % des personnes interrogées considèrent que la puissance économique française a un peu ou beaucoup décliné,
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65 % pensent qu’il faut renforcer les pouvoirs de décision de notre pays même si cela doit limiter ceux de l’Europe,
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87 % trouvent qu’on a besoin d’un vrai chef en France pour mettre de l’ordre,
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77 % estiment que l’intégrisme religieux est un problème de plus en plus préoccupant dont il faut s’occuper sérieusement,
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Et cætera.
Là, c’est évident, on n’y coupera plus: « frilosité » et « crispations » vont s’inviter dans le débat. On attend la suite….
Elle arrive… Car on n’aura pas manqué de demander à quelques politiques d’exprimer leur opinion sur ces calamiteux résultats. Qui se sera dévoué pour nous expliquer qu’autrui est un con ?
And the winner is… José Bové, sous vos applaudissements !
Ce sondage, selon lui, révèle « une vision de la politique complètement régressive où l’on a besoin de s’en remettre au chef pour donner une ligne (…) c’est quelque chose de puéril mais qui est représentatif d’un désarroi ».
« Un désarroi »? Quel coup d’œil ! Fin limier, ce José !
« Régressif », « puéril »… c’est tout ? Pourquoi ne nous-explique-t-il pas, tant qu’il y est, que les Français sont restés bloqués au stade anal ?
« S’en remettre à un chef pour donner une ligne » : les gens sont idiots, décidemment. Ce serait tellement plus simple de s’en remettre à la Divine Providence !
Les nazis, eux, ne sont pas en reste. Les nazis, ou plutôt « le populisme massif », tant il est vrai, comme nous le rappelle l’analyste du Monde que « l’histoire ne se répète jamais ». Pour autant, il tient à mettre en garde. Afin, sans doute, que personne ne puisse jamais dire « on ne savait pas ». Et le journaliste de souligner « le rôle dangereux de ceux qui, loin de les apaiser, attisent les peurs. Ils trouveront dans cette enquête la justification de leurs philippiques. Ils feraient mieux d’y voir le résultat de leurs travail d’incendiaires ».
C’est donc ça ! Si « les gens » sont inquiets, ce n’est pas du tout parce que tous les signaux sont au rouge, c’est parce que des « incendiaires » leur ont mis de vilaines idées en tête. Et ces idées, ils y ont cru parce qu’ils sont sots, voir supra.
Tout s’éclaire enfin : c’est encore la faute du Front national. On croyait qu’il était conséquence et symptôme, le voilà cause première. Or, si c’est lui, ce n’est pas nous. Il n’est donc guère besoin de s’interroger plus avant (surtout pas !) ni d’envisager quelque mise en question que ce soit de l’ordre établi (encore moins !).
Rendormons-nous donc bien sagement jusqu’à la prochaine expression de la « frilosité » française. Ca tombe bien, il y a Florence Cassez en boucle à la télé.
Coralie Delaume