Publié le : 01 février 2013
Source : bvoltaire.fr
On attend toujours des débats de l’Assemblée nationale qu’ils atteignent le niveau requis pour ce temple de la Démocratie. Le dérapage incontrôlé d’un député socialiste, « le temps des triangles roses est terminé », montre que, hélas ! la qualité des informations, la précision de la pensée, voire l’honnêteté intellectuelle ne sont pas toujours au rendez-vous.
De quoi s’agit-il ?
D’assimiler l’opposition au mariage entre personnes de même sexe à la répression ignoble des nazis, de mettre sur le même plan une distinction juridique universelle pendant la plus grande partie de l’Histoire à la persécution exercée à l’encontre des homosexuels masculins sous le régime nazi.
On trouve dans la démarche l’ignorance des faits, la pavlovienne « reductio ad Hitlerum » de l’adversaire, l’amalgame qui conduit à inclure une position raisonnable et modérée dans une attitude extrémiste. Vous n’êtes pas pour le mariage « homo », vous êtes homophobe, vous êtes virtuellement complice de ceux qui ont imposé le « triangle rose », bref, vous êtes nazi ! L’adversaire est anéanti, au passage le pays sali et le débat sombre dans l’invective.
Alors, rappelons les faits. D’abord, le refus d’accorder le mariage à des couples stériles par essence et non par accident, n’est en rien une répression, ni même une discrimination dès lors qu’on conçoit le mariage comme l’acte civil qui fonde la famille et la destine à accueillir des enfants. Ensuite, la loi française et son application ont toujours été plus tolérantes qu’en Allemagne, avant et après le nazisme, qui a durci des dispositions qui existaient auparavant, pour des raisons démographiques qui ne concernaient que les Allemands, notamment la volonté d’avoir le plus grand nombre de futurs soldats. Beaucoup d’homosexuels ont d’ailleurs échappé aux camps pour être envoyés au front dans les conditions les plus exposées.
C’est à l’honneur de notre pays que de n’avoir en rien participé à une déportation d’homosexuels. Il n’y a pas eu de « triangle rose » en France, sauf dans les trois départements rattachés à l’Allemagne. On aimerait pouvoir en dire autant des 76 000 Juifs déportés de France. La remarquable étude réalisée avec une très grande honnêteté intellectuelle sous la direction de Mickaël Bertrand, « La déportation pour motif d’homosexualité en France » devrait interdire de laisser planer cette ombre du passé sur notre pays. On y lit, page 58 : « Aucun déporté arrêté en France n’a jamais porté le triangle rose. » Ou encore, page 38 : « Contrairement à un mythe tenace, Vichy n’organisa pas la déportation des homosexuels. La subculture homosexuelle pouvait même avoir prospéré dans le Paris occupé. »
Chacun sait qu’Abel Bonnard, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse de Pétain, collaborationniste notoire, était surnommé la « Gestapette » ou « La Belle Bonnard » en raison de son homosexualité connue. Sa condamnation légitime, après la Libération, portait sur sa trahison, non sur une orientation qui ne lui a valu que ces surnoms, dont les auteurs seraient d’ailleurs, sans doute aujourd’hui poursuivis. Enfin, page 37 : « Toute comparaison avec la Shoah apparaît, en ce sens, obscène et sans fondement. »
Il est tentant de justifier les revendications d’aujourd’hui sur les souffrances d’hier. En l’occurrence, celles-ci et celles-là sont dénuées de rapport. Leur rapprochement insulte injustement la mémoire de notre pays et ceux qui défendent maintenant des valeurs respectables. Il est légitime que la déportation homosexuelle soit associée aux commémorations, par une sorte de solidarité européenne, mais en précisant que cela n’a pas concerné la France et ne touche en rien au débat du jour.
Christian Vanneste