Publié le : 21 février 2013
Source : marianne.net
La crise des surgelés pur bœuf farcis au cheval nous aura fait tomber sur un os : la viande n’est pas toujours de la viande, mais une drôle de matière première carnée qui… À lire avant le repas !
« Minerai ». Ce mot qu’on croyait faire partie du lexique de l’extraction du charbon ou du cuivre vient de faire une entrée fracassante au rayon boucherie. Par la grâce de la viande de cheval qui s’est frauduleusement glissée dans la farce des lasagnes Findus et Picard, aucun Français normalement informé ne peut plus ignorer que le « minerai de viande », conditionné sous forme de pains, a non seulement la particularité d’entrer dans la fabrication des plats préparés, mais en outre celle de voyager à travers l’Europe, de Chypre au Luxembourg en passant par le Pays Basque et les Pays-Bas.
Concrètement, que se cache-t-il donc dans ces pains de viande bas de gamme que personne n’ose appeler « morceaux », « pièce » et encore moins « quartiers » ? « C’est tout ce qui reste une fois la viande découpée et qui, malgré son aspect, est propre à la consommation, explique Gilbert Mouthon, ancien professeur à l’école vétérinaire d’Alfort et expert auprès des tribunaux. En clair, tout ce qui, une fois haché, ressemblera de toute façon à de la viande. » À condition de ne pas y regarder de près.
Une réglementation (n°B1-12-03 du 28 janvier 2003) précise la composition du minerai : « Des ensembles de muscles striés et de leurs affranchis, y compris les tissus graisseux y attenant provenant de viandes fraîches. » Les affranchis ? Quésaco ? Une note de bas de page nous affranchit, justement : « Les morceaux de viande produits exclusivement lors de la découpe débarrassés des aponévroses [les membranes, NDLR] et des glandes. » Bon appétit…
En théorie, le minerai pourrait résulter d’une démarche écologique consistant à ne pas perdre de bonnes protéines animales pas très présentables dans les rayons d’une boucherie. Sauf que. « Il faut voir ce qui se passe dans les ateliers de découpe avant l’arrivée des vétérinaires, entre 4 h et 6 h du matin, raconte Gilbert Mouthon. J’ai le souvenir d’avoir accompagné un juge d’instruction au cours d’une perquisition dès potron-minet dans un atelier dont je tairai le nom puisque l’affaire est toujours en cours. Tout ce qui traînait sur le sol après la découpe partait au minerai, après avoir séjourné dans le sang et toutes sortes de déjections. » Vous reprendrez bien un peu de lasagnes ?
En 2007, le scandale du corned-beef produit par l’entreprise angevine Covi avait révélé que, dans ces pains de viande, on pouvait trouver non seulement des aponévroses, des tendons, des nerfs, des bouts de viscères, mais aussi des morceaux de viande marqués par des abcès purulents. « Aucun risque sanitaire, nous avait répondu à l’époque un dirigeant de Covi, la viande est stérilisée ! » À la suite de cette découverte, 750 000 boîtes de corned-beef bas de gamme avaient été retirées du marché, et plusieurs fournisseurs de Covi mis en examen, dont Arcadie Sud Ouest qui a racheté en 2009 l’entreprise Spanghero… aujourd’hui au centre du trafic de viande cheval. Toujours la même mauvaise farce.
Jean-Claude Jaillette