Publié par : 06 mars 2013
Source : bvoltaire.fr
On a beaucoup commenté ces derniers jours, et ce n’est pas fini, la claque magistrale infligée par les électeurs italiens à la politique d’austérité menée par « Il Professore » Monti, un peu moins la colossale manifestation des Portugais contre la politique de rigueur du Premier ministre centriste Coelho, moins encore la colère de la rue espagnole contre le gouvernement de droite de M. Rajoy, à la fois inefficace et corrompu, et pratiquement pas l’élection législative intervenue la semaine dernière à Eastleigh, une ville britannique d’un peu plus de 100 000 habitants située non loin de Southampton, dans le bucolique comté du Hampshire. Les résultats méritent pourtant le détour.
Certes, il ne s’agissait que d’une consultation partielle, et les perdants de l’élection n’ont pas manqué d’insister, comme il est de règle dans ce cas, sur le caractère éminemment local de la compétition. Certes, le candidat libéral-démocrate a conservé ce siège à son parti, mais en perdant 10 000 voix sur le sortant. Le candidat conservateur, quant à lui, n’est arrivé qu’en troisième position, également en recul de 10 000 voix. Le candidat travailliste, quatrième, n’a recueilli que 15 % des suffrages.
En revanche, le candidat de l’United Kingdom Independent Party (UKIP) talonne le vainqueur lib-dem avec 28 % des voix contre 32, soit un gain de 10 000 suffrages et de 24 points par rapport à la précédente consultation ! Jamais l’UKIP, qui n’avait jusqu’à présent connu de succès significatifs qu’au scrutin proportionnel, lors des élections au Parlement européen, n’avait atteint un tel score lors d’une élection nationale au majoritaire à un tour. Or, il faut savoir que l’UKIP qui, si on lui cherchait un équivalent français, pourrait être comparé au Front national, ou plutôt à une UMP restée gaulliste, milite pour que la Grande-Bretagne sorte de l’Union européenne.
Le message a été immédiatement entendu à Londres. Quelques semaines après que David Cameron a annoncé un referendum sur la question du maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union, deux ministres conservateurs ont préconisé le rejet de la Convention européenne des droits de l’homme, prélude à une rupture avec la Cour européenne des droits de l’homme. Il leur semble en effet inacceptable que ce Conseil de discipline supranational traite leur pays en mauvais élève et prétende lui imposer l’octroi du droit de vote aux détenus de droit commun ou annuler les jugements d’extradition prononcés par la justice britannique contre des terroristes.
L’idée que les peuples doivent garder la maîtrise de leur destin, que les États doivent donner la priorité aux intérêts de leurs ressortissants et que, après tout, les élus sont les mandataires de leurs électeurs gagne du terrain à travers tout le Vieux continent. L’indépendance nationale est une idée neuve, ou plutôt renouvelée, en Europe. Elle fait consensus de l’autre côté du Channel.
Est-ce à dire que les Britanniques, comme on le lit un peu partout et comme on le répète un peu vite, seraient « antieuropéens » ? Quelle absurdité ! Comment un citoyen européen, comment un pays européen pourraient-ils être antieuropéens, c’est-à-dire penser, agir, vouloir contre eux-mêmes ? En revanche, l’Angleterre, mère des Parlements, estime qu’elle n’a pas de leçon de démocratie à recevoir, qu’elle vienne de Bruxelles, de Francfort ou de Berlin. Le peuple anglais reste passionnément attaché à son indépendance, comme il a eu l’occasion d’en donner la preuve, toutes les fois que celle-ci a été menacée. Le peuple anglais n’est pas plus hostile à l’Europe que le peuple français ou le peuple espagnol, mais il entend rester le libre partenaire des autres peuples européens, là et quand il le faut, et non un simple rouage dans une grande machine dont la conduite, les ressorts et le sens lui échappent. L’exemple nous vient d’outre-Manche, comme en d’autres temps. Les Anglais parlent aux Français.
Dominique Jamet