Publié le : 06 mars 2013
Source : bvoltaire.fr
Mince, entre Joseph Staline et Hugo Chàvez, c’est le jour des autocrates de combat ! On ne devrait jamais dire ça, histoire de ne pas relayer le discours des médias dominants. Car si Staline prit le pouvoir par la terreur, Chàvez le fit par les urnes. Et en trichant sûrement moins qu’un Jacques Chirac à Paris… Mais qu’il nous soit permis, à l’heure du dernier bilan, de rappeler ces petites choses, déjà publiées sur ce site il y a quelques semaines, à l’heure où le grand homme était au plus mal.
Au Nord du continent américain, la colonisation s’est faite par le génocide ; il paraît que Dieu avait donné cette nouvelle Terre promise aux allumés du Mayflower. Au Sud, ce ne fut que massacres et pillages, mais ayant laissé assez d’Indiens en vie pour qu’ils soient encore aujourd’hui majoritaires. Fortuitement, les Espagnols ont aussi exporté une certaine forme de structure sociale de type oligarchique, voulant souvent que 2 % de la population détiennent 98 % du territoire. D’où, Guerre froide oblige, une inévitable radicalisation politique : ce n’est jamais par plaisir que les pauvres deviennent communistes… Ajoutez à cela la doctrine Monroe, théorisée à la Maison blanche, empêchant l’Amérique latine d’accéder à l’autonomie politique, et l’on comprendra dans quelle filiation s’inscrit Hugo Chávez. Métis d’Indien, il incarne la revanche contre l’oligarchie blanche. Patriote bolivarien, il incarne encore la fierté nationale contre l’envahissant voisin yankee, tout comme Simon Bolivar incarnait celle voulant que les anciennes colonies prennent leur indépendance vis-à-vis de Madrid. Professant un socialisme chrétien plus proche de celui d’un Charles Péguy que d’un Olivier Besancenot, Hugo Chávez ne campe donc ni à droite ni à gauche. Et certainement pas au centre. Au-dessus, surtout.
Mais puisque bilan il doit y avoir, on admettra, à son crédit :
• Quand il prend le pouvoir par les urnes (après un putsch manqué en 1992), 70 % de la population est privée de toute protection sociale, tandis que l’extrême pauvreté culmine à 36 %. Dès 2002, après un autre putsch, contre lui diligenté, les tendances s’inversent, grâce à ce qu’il nomme les « missions sociales ». Lesquelles permettent aux miséreux de devenir pauvres et aux pauvres d’intégrer le bas de la classe moyenne. Le succès est tel que ses compétiteurs malheureux ont promis de poursuivre l’initiative.
• L’analphabétisme, fléau national, a ainsi disparu dès 2006, bilan confirmé par l’Unesco. Dans le même temps, les enfants de la rue ont repris le chemin des écoles tandis que l’aide cubaine en matière de médecine (8 000 médecins vénézuéliens formés en quelques années) ont permis de faire disparaître les maladies ravageant les quartiers les plus déshérités, dans lesquels, par ailleurs, une vigoureuse campagne de réhabilitation a permis de raser tous les logements insalubres pour les remplacer par des constructions en dur.
• D’un point de vue géopolitique, Hugo Chávez a pu mettre en œuvre ce qu’un Jacques Chirac, un Jean-Marie Le Pen ou un Hubert Védrine appelaient de leurs vœux : l’événement d’un monde multipolaire. Cela en resserrant les liens avec des nations rétives au nouvel ordre mondial : Russie, Brésil, Iran, Chine, etc. D’où son attitude impeccable quant aux guerres américaines. Mieux, il a su refuser le libre-échangisme imposé par les USA pour se recentrer sur une sorte de « marché commun » sud-américain.
À son dédit maintenant :
• Son lyrisme tropical parfois embarrassant. Et sa manie de squatter les écrans de télévision au profit de ce qu’il faut bien appeler un culte de la personnalité.
• La faiblesse de son ambitieux programme social qui repose presque exclusivement sur la rente pétrolière. Certes, le Venezuela en a encore pour trois siècles de réserves. Mais gouverner, c’est prévoir aussi.
• L’insécurité grandissante. À l’instar d’un Lionel Jospin, Hugo Chávez a été naïf, estimant qu’en augmentant le niveau de vie de ses compatriotes, celui de la délinquance baisserait mécaniquement.
Il n’y a malheureusement pas grand-chose à ajouter à ces lignes déjà ici parues. Si ce n’est à ajouter, en guise de codicille, que cet homme en était vraiment un.
Nicolas Gauthier
Je sais qu’il est de bon ton dans la réacosphère de rigoler sur la mort de deux figures « honnies ».
Mais on ne va quand même pas mettre sur le même plan un hessel et un Chavez.
Je suis d’accord avec ce billet, qui rend à Chavez le bénéfice des progrès sociaux qu’il a su donner à son pays.
C’est aussi un exemple de nationalisme, ce qui bizarrement semble heurter certains nationalistes français. Un nationalisme capable de prendre le pouvoir par les urnes, et pour le bien commun…C’est sûr que ça fait des envieux.
Et pour le discréditer, mieux vaut l’appeler « communisme ». D’autres diront « populisme » pour le discréditer tout autant.
Notre époque s’applique à brouiller toutes les pistes…