Publié le : 07 mars 2013
Source : bvoltaire.fr
Dimanche, en Suisse, un référendum d’initiative populaire visant à supprimer les parachutes dorés a été massivement approuvé. « C’est une excellente expérience démocratique où les Suisses montrent la voie. Personnellement, je pense qu’il faut s’en inspirer », a estimé Jean-Marc Ayrault.
Pure coïncidence, chez nous, la semaine dernière, le Sénat a adopté les modalités d’application du « référendum d’initiative partagée » : les nouveaux alinéas 3 à 6 de l’article 11 de la Constitution précisent ainsi qu’un référendum pourra être organisé en France, à condition qu’au minimum 184 parlementaires et 4,5 millions de personnes en fassent la demande… Parmi lesquels, sans doute, une femme à barbe, une mère de sextuplés, des frères siamois, une cantatrice chauve et un gagnant de l’euro-million ? Et encore cette requête ne pourra-t-elle être formulée qu’un 29 février à minuit, par l’ensemble des impétrants réunis, tous vêtus d’un tutu rose et sautant à cloche-pied sous les fenêtres du gouvernement ? Autant dire que les Français verront passer la comète de Halley plusieurs fois avant d’assister à l’organisation d’un référendum « d’initiative partagée ».
Quel farceur, ce Premier ministre. Si l’on suivait, comme il le dit joliment, la voie de l’expérience démocratique que les Suisses nous montrent et que l’on s’en inspirait, ce ne serait pas, toutes proportions gardées, 184 parlementaires et quatre millions et demi de personnes qu’il faudrait réunir — chiffre improbable et parfaitement inaccessible —, mais simplement 600 000. Or on sait, n’est-ce pas, cf. le Conseil économique social et environnemental (CESE), ce que l’on fait en France d’une requête déposée par 600 000 Français en âge de voter lorsqu’elle est dérangeante. On s’assoit dessus, on s’en bat les cuisses, on s’en tamponne le coquillard et on en fait des confettis. Dans l’indifférence générale en plus.
S’inspirer de l’expérience démocratique des Suisses, mon œil. Comme si les uns et les autres n’avaient pas vu l’effet du recours au référendum d’initiative populaire sur ces braves Helvétiques : eux que l’on ne connaissait que pour leur neutralité prudente, pour la discrétion de leurs banques, la précision de leurs horloges et le raffinement de leur chocolat, bref eux que l’on croyait aussi placides qu’une vache Milka, ont été promus, en 2009, par le seul usage du référendum, fleuron de la résistance contre la construction des minarets en Occident. Le référendum d’initiative populaire, c’est un peu le viagra de la démocratie. Et sur un peuple français déjà passablement excité ces derniers temps… on a comme l’intuition que la nature des questions ne porterait pas QUE sur la semaine de quatre jours.
Alors comment faire lorsque l’on s’est fait le chantre de la démocratie participative pour couper par avance la chique de ceux qui n’ont que des choses désagréables à dire ? Instituer le référendum édulcoré au bromure (inventé sous Sarkozy en 2008) : un référendum dont on a évacué le mot « p…opulaire » par trop cousin de celui de « p…opuliste » pour le remplacer par celui de « p…artagé » (champ lexical chargé d’ondes positives), et qui revient en fait à « p…rends-nous (encore) pour des demeurés ! »
Gabrielle Cluzel