Publié le : 21 mars 2013
Source : bvoltaire.fr
Si c’est écrit dans Le Figaro, c’est sûrement vrai : « Syrie, les soupçons d’armes chimiques se précisent. » Et les rumeurs d’intervention occidentale, par là même…
On peut apprécier ou non le parti Baas syrien, goûter ou pas la rhétorique des Frères musulmans et de leurs meilleurs ennemis salafistes. Il n’empêche qu’il s’agit là d’une affaire interne à la Syrie. Un de ces « printemps arabes » qui dégénère, mais dont l’arrivée, inéluctable, avait été prévue il y a déjà longtemps par le démographe Emmanuel Todd.
On peut aussi ajouter que, pour les chrétiens d’Orient, mieux vaut un régime laïc qu’islamiste. On peut aussi rétorquer que, pour un chrétien, il fait mille fois mieux vivre en Iran ou en Turquie, que dans ces régimes autocratiques en fin de course, l’Irak hier, la Syrie aujourd’hui, pays où le sort de ces mêmes chrétiens dépend du seul fait du prince.
Il est tout aussi licite d’affirmer que la politique américaine en Orient est une catastrophe : deux ratonnades contre l’Irak, un soutien logistique et médiatique à des insurgés libyens, puis syriens, en attendant les prochains. Bref, la région est au bord de l’éclatement.
D’aucuns prétendront que les Américains se sont égarés. Mais, tout le monde sait ça dans les rédactions parisiennes : quand les USA se trompent, c’est qu’ils ont seulement un peu moins raison que d’habitude. D’autres, qui voient le mal partout, rappelleront que ce qui se passe là-bas correspond en tous points au plan néo-conservateur, théorisé il y a déjà quelques années : soit la destruction des grandes puissances régionales au profit de bantoustans ethniques et/ou religieux, ce qui permettra à l’axe Washington-Tel Aviv de mieux se concentrer sur le gros morceau à venir : l’Iran à atomiser. En ce sens, c’est une indéniable réussite.
Bon, elles sont où, ces fameuses armes chimiques, en attendant celles de « destruction massive », tel qu’il se doit, que nous concocte Téhéran ? Après Colin Powell et Benyamin Netanyahou exhibant à l’ONU, qui une fiole de sirop de perlimpinpin, qui un carton colorié de travers et censé représenter l’holocauste nucléaire iranien, ça sera quoi le prochain article de farce et attrape qu’on nous servira dans le « Machin » ?
Ils trouveront – car ils trouvent toujours – et cela ne remonte pas à hier. C’est d’ailleurs ce que rappelait récemment François-Bernard Huyghe, expert en stratégies de l’information à l’IRIS (Institut de recherches internationales et stratégiques), dans son remarquable essai Maîtres du faire croire : De la propagande à l’influence, saluant ainsi le travail d’un pionnier en matière de désinformation : sir Arthur Ponsonby (1871-1946). Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce lord pacifiste, jugeant la propagande de guerre américaine un brin grossière, allait alors définir le Décalogue des futurs bobards, lesquels allaient se révéler autrement plus efficaces :
« Faire croire :
1. Que notre camp ne veut pas la guerre ;
2. Que l’adversaire en est responsable ;
3. Qu’il est moralement condamnable ;
4. Que la guerre a de nobles buts ;
5. Que l’ennemi commet des atrocités délibérées (nous pas) ;
6. Qu’il subit bien plus de pertes que nous ;
7. Que Dieu est avec nous ;
8. Que le monde de l’art et de la culture approuve notre combat ;
9. Que l’ennemi utilise des armes illicites (nous pas) ;
10. Que ceux qui doutent des neuf premiers points sont, soit des traîtres, soit des victimes des mensonges adverses (car l’ennemi, contrairement à nous qui informons, fait de la propagande). »
C’est gros comme mistigri, mais plus c’est gros, plus ça passe. Il faut aussi reconnaître qu’en la matière, les Américains sont forts d’une indéniable expérience, n’ayant jamais cessé d’être en guerre contre le reste de la planète, depuis… 1776.
Nicolas Gauthier