Publié le : 30 mars 2013
Source : ndf.fr
Comme tous les soirs, je ne dérogeais pas au rendez-vous du journal télévisé, une fois mon assiette de haricots verts au tofu disposée face à mon écran géant. Fébrilement, guettant l’heure exacte avec inquiétude (n’avais-je pas pris trop de temps devant le micro-ondes ? N’allais-je pas rater la première info ?), je m’emparai enfin de la télécommande. Ouf, le générique tant aimé ne faisait que commencer. Le rideau rouge s’ouvrit, on frappa les trois coups, et je vis apparaître le visage canardisé et affable, de ma présentatrice préférée :
« Bonsoir. Les grands titres de votre journal :
- Un démantèlement d’un réseau de passeurs de drogue démantelé : plusieurs membres du Renouveau français actuellement en garde à vue.
- Encore de nouvelles violences dans les quartiers du centre ville de Padrasi. La capitale a été le théâtre d’affrontements entre des bandes du Gud et de l’Action française.
- Un membre du Front National arrêté pour fraude fiscale.
- La police intercepte les courriers d’un dangereux gang de malfaiteurs catholiques intégristes, qui fournissait en tracts, une association d’aide aux mères en difficulté, cachant de dangereuses activités anti-IVG. ».
La rage et le désespoir envahissaient tout mon être : mais quand, enfin, quand le Gouvernement allait-il agir ? Impossible de sortir dans la rue sans croiser des bandes de jeunes, affublés de doudounes sur lesquelles ils cousaient des « Cœurs sacrés ». Impossible de rentrer tard le soir, sans risquer de se voir offrir des tracts proposant la réhabilitation de Bastien-Thiry. Hier encore, une petite vieille, en apparence inoffensive, m’avait abordé en me disant : « Une petite pièce s’il vous plaît : de la laine pour les enfants à naître ! », en me menaçant de ses aiguilles à tricoter. Malgré toutes ces violences quotidiennes, le Gouvernement continuait de les protéger, de leur payer leurs allocs, d’aménager leur espace de vie, qu’ils se contentaient de saccager, comme des enfants gâtés. Mais de grand sociologues et analystes, canalisaient le ras-le bol de tous, en expliquant que le mécontentement de ces groupuscules dangereux, provenait de la violence institutionnelle, et de la crise du pétrole.
C’est alors que mon réveil se mit à sonner. Misère … J’étais en train de rêver. J’avais rêvé le monde de Manuel Valls.
En effet, la veille, j’avais visionné la vidéo présentant l’hémicyle de l’Assemblée Nationale en ébullition. Le Ministre de l’Intérieur se défendait d’avoir envoyé des gaz lacrymogènes, sur des familles et des enfants, en prétendant que cela était légitime, en raison de la présence d’activistes assimilés au « Gud », au « Renouveau français », etc. Évidemment, maintenant qu’on savait ça, on ne pouvait que cautionner l’usage de la violence envers les manifestants. Rien de plus dangereux que des porte-drapeaux d’ »Espoir et salut de la France », rien de plus agressifs que des jeunes de moins de vingt-cinq ans, atteints du syndrome du de la Chouette, qui gueulent « Vive le roi », et se battent entre eux pour savoir qui le fera revenir.
On sait, puisqu’on nous l’a appris et même seriné pendant tout le collège, et tout le lycée, que les mécontents deviennent toujours des méchants. Après, tout dépend de la définition de « mécontent » : on peut casser des vitrines et brûler des voitures, et n’être pas un dangereux « mécontent », et n’être toujours qu’un « jeune ».
Seules des convictions « insolubles dans la République », mènent à ce statut d’intouchable.
Maintenant, mon esprit plongea dans une abîme de perplexité : je ne me souvenais pas avoir vu aucun de ces dangereux activistes « identitaires » à la Manif pour tous.
À l’instar de la poire, de la pomme, et de la betterave présentes dans le tord-boyaux des Tontons Flingueurs, oui, on pouvait peut-être dire ce jour là : « Ah ouais », » y en a… ».
Sauf que ce n’était pas du tord-boyaux qui avait cet après-midi là, piqué les yeux et fait pleurer les yeux des enfants… jusqu’à en envoyer certains à l’hôpital.
Alors à ceux qui ont peur d’être « étiquetés », Messieurs les doux, les modérés, les super-solubles-dans-la-république, quand vous passez à la radio ou à la télévision pour présenter un avis différent que celui imposé par l’air du temps :
Pitié, arrêtez de vous excuser…
Arrêtez de dire « je ne suis pas facho, moi je pense tout bien comme vous, mais y en a d’autres, par contre… Ce qui ne m’empêche pas d’avoir un avis différent de vous, mais rassurez-vous, je suis cool et souhaite profiter de votre démocratie … Quoi ??? Comment ??? Vous ne m’écoutez pas ??? ».
Arrêtez de cautionner l’idée que la violence est légitime lorsque quelqu’un est identifié comme « facho ».
C’est irritant à la fin. Et, historiquement parlant, les vrais fachos sont ceux qui enfermaient un peuple ou un ensemble de personnes, comme des interlocuteurs non valables, comme des sous-être humains, comme des personnes contre lesquelles la violence était justifiée.
Choisissez d’être vrais, une fois pour toutes. Quand on est conscient qu’on a pas le choix, qu’il faut aller jusqu’au bout de ce qu’on a à dire, on trouve le moyen de faire passer autrement nos idées, qu’en utilisant un bouc-émissaire. Il ne faut jamais perdre de vue que beaucoup de personnes, sans étiquettes, attendent que quelqu’un verbalise, ce qu’ils n’ont pas encore conceptualisé.
Maintenant, Monsieur Valls, permettez-moi une question : où avez-vous vu les membres des groupes ou associations dont vous vous êtes servi pour légitimer l’emploi massif de gaz lacrymogènes ?
Quelles ont été les actions dangereuses de ces « fachos » ? Combien de voitures brûlées ? Combien de filles violées ? Combien de policiers en arrêt de travail ?
Rendez-vous au Vingt-heures. je ne voudrais pas rater mon émission préférée.
Quitte à vomir mes haricots et mon tofu.
Hélène Julien (dangereuse adointe-chef d’une cellule familiale, sous l’étiquette du parti de « Carouf », et accessoirement vilaine grenouille de bénitier professionnelle)