Publié le : 22 mai 2013
Source : bvoltaire.fr
À l’UMP (il y avait longtemps), c’est la foire d’empoigne. Le torchon brûle entre ceux qui jurent leurs grands dieux que, la droite au pouvoir, la loi sur le mariage gay sera abrogée, comme Peltier, Mariton ou, dans une moindre mesure (il parle quant à lui de la « réécrire »), Copé, et ceux, tels NKM, Riester ou Chatel, qui accusent les premiers de mentir aux Français et affirment qu’il sera tout bonnement impossible de revenir en arrière. Vous imaginez un peu l’imbroglio juridique ? Vous voulez faire comment, vous, pour démarier des gens ? Et quid de l’adoption ?
D’ailleurs, en Espagne, c’était aussi une promesse de la droite quand elle cherchait à battre Zapatero, et autant vous dire que, maintenant qu’elle est au pouvoir, elle n’en parle plus. Allez, on connaît la chanson : la peine de mort, l’avortement, le PACS… chaque fois qu’on passe un clic, on ne retourne pas en arrière, et la droite conservatrice arc-boutée sur ses principes finit toujours bon an mal an par s’en accommoder. Tiens, c’est leur égérie, maintenant, qui réclame une amélioration de ce PACS contre lequel ils ont manifesté il y a quelques années ! Ricanements discrets.
Pour Riester (qui a voté pour le texte), NKM (qui s’est abstenue) et Chatel (qui a voté contre mais qui adresse d’ores et déjà onctueusement ses vœux de bonheur aux premiers futurs mariés), la nouvelle stratégie de défense est celle du « tout-est-foutu-et-quiconque-prétend-le-contraire-n’est-qu’un-démago » avec, en filigrane, la conviction intime que la frange la plus conservatrice de l’UMP est une droite pélican, dotée d’un grand gosier élastique par lequel elle a gobé docilement par le passé toutes sortes d’énormes poissons contraires à ses convictions, et qui va bien, à la longue, digérer aussi celui-là. Buvez donc un grand verre d’eau et cela va finir par passer.
Oui, mais si cette fois cela ne prenait pas ? Si les électeurs attendaient vraiment que la droite fasse autre chose que regarder passer le train en agitant son mouchoir ? Revenir sur la loi ne sera pas simple. Peut-être. Des mariages auront déjà été célébrés, des adoptions déjà prononcées ? C’est certain. Mais renoncerait-on à abroger une loi qui permettrait d’amputer les enfants d’un bras au motif que certains seraient déjà manchots et que pour eux les carottes seraient donc cuites ? Pourquoi n’en irait-il pas de même d’une loi qui ampute les enfants d’un père ou d’une mère ?
Les juristes spécialisés sont partagés : pour revenir sur « le mariage pour tous », certains imaginent la création d’un « statut à part » pour les unions qui auront été scellées, d’autres un dispositif dérogatoire qui permettrait de rendre exceptionnellement la nouvelle loi rétroactive, mais le fait même qu’ils soient divisés sur la solution montre qu’elle est possible. Sans doute le combat judiciaire sera-t-il intense, comme en Californie après le référendum de 2008 ; peut-être le Conseil constitutionnel s’en mêlera-t-il, ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme, et c’est pour cela qu’il faudra, pour le mener, une vraie volonté politique, appuyée sur des convictions. Pas des « malgré-nous » qui baissent les bras avant même d’avoir essayé.
NKM et consorts voient dans l’opposition au mariage gay une lubie, un TOC, une marotte qui va bien finir par se dégonfler toute seule puisque, de toute façon, « c’est comme ça ».
N’ont-ils jamais entendu parler, aux États-Unis, de l’arrêt Roe v. Wade, en 1973, qui a fait passer en force et contre l’avis d’une grande partie de l’opinion publique l’avortement comme droit constitutionnel ? Loin de pacifier le débat sur l’avortement, la décision a, au contraire, galvanisé la droite. Et « accouché », selon les mots mêmes d’un célèbre démocrate américain, de la « majorité morale » qui a emmené, quelques années plus tard, Ronald Reagan au pouvoir.
Et si, à l’UMP ou ailleurs, quelqu’un veut faire le job, il va falloir qu’il fasse ses preuves. Acheter une paire de santiags risque de ne pas suffire…
Gabrielle Cluzel