Publié le : 23 mai 2013
Source : bvoltaire.fr
Entrevue menée par Nicolas Gauthier
En ces temps de fausses rébellions et d’indignés en peau de lapin, que vous inspire le suicide de Dominique Venner qui, c’est le moins qu’on puisse dire, aura mis sa peau au bout de ses idées ?
D’abord, contrairement aux petites ordures de gauche de l’entourage de Mélenchon qui se réjouissent, par exemple, de la chute et de la blessure de Marine Le Pen, je n’aime pas trop rire ni ironiser sur la souffrance réelle d’autrui. Pour moi, la fin ne justifie pas les moyens… Vous imaginez donc bien que le suicide romain – qui nous rappelle l’acte d’un Mishima – d’un homme de conviction, même si ses convictions n’étaient pas tout à fait les miennes, m’inspire le plus grand respect. Ce sont les actes qui permettent de juger les hommes, et on n’imagine pas, malheureusement, un Daniel Cohn-Bendit se faire hara-kiri pour expier quarante ans de mensonges et de trahison politique !
Manifestement, Dominique Venner entendait provoquer un électrochoc au sein de la population. Croyez-vous qu’un pareil déclic puisse advenir et présenter une éventuelle efficacité politique ?
Malheureusement, non. Dominique Venner représentait une génération d’hommes et un combat des années soixante que peu de gens peuvent comprendre aujourd’hui, et ce d’autant plus que les médias nous abreuvent d’informations mondiales et spectaculaires de tous ordres – politiques et météorologiques – afin que plus rien n’ait de sens et que tout soit très vite oublié…
Le geste de Dominique Venner ne sera donc compris que par le petit nombre des gens conscients qui ont déjà compris. Les autres, l’immense majorité des soumis, n’y verront que « le bon débarras d’un vieux con d’extrême droite » et sont déjà passés à autre chose…
Dans votre mouvement, Égalité et Réconciliation, vous menez un combat politique qu’on peut donner pour « parallèle » à celui naguère conduit par le défunt. Lui estimait manifestement que tout était peu ou prou foutu. Êtes-vous sensible à ce « romantisme du désespoir », ou vous placez-vous dans une optique plus « optimiste » ?
Comme Dominique Venner le disait lui-même, « être c’est vouloir » : l’histoire, qui est une totalité en cours, ne s’arrête par définition jamais, et la notion de « fin de l’histoire », qu’elle soit de gauche (avec l’illusion communiste du marxisme scientifique) ou de droite (avec la naïve arrogance d’un libéralisme intégral à la Fukuyama) n’a pour moi aucun sens. Venner a décidé, par son geste, à la fois de sortir de l’histoire – le combat – et d’entrer dans l’histoire, par le parachèvement de son œuvre, sans doute parce qu’il était fatigué et que le monde qu’il avait chéri et qui l’avait fait, avait, c’est vrai, totalement disparu…
Moi, je suis un Français de la banlieue des années soixante, mes nostalgies, mes valeurs, mes craintes et mes espoirs ne sont donc pas les mêmes, même si je partage une bonne part de son constat sur la France… Je n’ai donc le droit, à mon âge, ni au repos ni au désespoir !
Et, pour être fidèle à cette même idée qu’il avait fait sienne de la vie pour le combat et l’honneur, je me dois de continuer le mien avec des compagnons de route que lui-même, à cause de son âge et de son parcours, ne pouvait apprécier ni comprendre… Je pense, vous l’aurez deviné, entre autres à Dieudonné, un combattant pour moi tout aussi respectable que Dominique Venner, et de la même trempe, mais que Dominique Venner, pour des raisons de génération, ne pouvait pas rejoindre. Le combat continue donc, toujours le même, toujours différent, toujours recommencé…
Paix à son âme et bien à vous,
Alain Soral