La mort d’un homme, et plus singulièrement sa mort dans des circonstances aussi dramatiques, est un marqueur sociologique et moral particulièrement pertinent pour juger de la qualité de nos congénères, lorsque ceux-ci décident d’écrire ou de s’exprimer à son propos.
L’adage qui veut que l’on ne tire pas sur une ambulance et encore moins sur un corbillard, n’est en ces occasions pas toujours respecté, loin s’en faut, surtout si le mort n’était pas de son vivant déjà en odeur de sainteté dans des médias omnipotents, tant il est vrai qu’ils ont le pouvoir de condamner au purgatoire et parfois à la mort citoyenne et professionnelle ceux qui ne pensent, ne parlent ou n’écrivent pas comme eux. Ces médias qui disent donc le bien et le mal et prétendent, main dans la main avec l’oligarchie politique, diriger de fait aujourd’hui notre pays sur tous les sujets, politiques, économiques ou sociétaux, sans jamais tenir le moindre compte du peuple qui l’habite et qu’ils ignorent superbement. Car du peuple au « populisme », il n’y a bien évidemment qu’un pas, que nos prescripteurs d’opinion franchissent d’ailleurs allègrement et en bataillons aussi compacts que leur étroitesse d’esprit, avec un réflexe pavlovien qui vire carrément à la pathologie dès qu’un quidam, connu ou pas, ose exprimer un point de vue se démarquant plus ou moins radicalement du leur.
Certaines critiques mises en avant sur tel ou tel à l’occasion de son décès peuvent bien-sûr être tout à fait fondées, parfois même justifiées : dans un océan de commentaires souvent trop panégyriques pour être honnêtes et bien peu en rapport avec la personnalité et l’histoire intime ou publique souvent beaucoup plus complexe de la personne disparue, le rappel d’une réalité oubliée peut parfois être salutaire, bien qu’arrivant au fond trop tard. Sauf à permettre une comparaison éclairante sur le deux poids-deux mesures qui est une de ces règles d’airain qu’appliquent jusque dans la rubrique nécrologique nos très chers médias. Nous y reviendrons d’ailleurs un peu plus loin…
On pouvait partager ou non tout ou partie des idées de Dominique Venner. On pouvait l’admirer ou bien le combattre au nom d’idées radicalement contraires… Le combat, même sans concession pour des convictions antagonistes, des valeurs inconciliables, a toute sa noblesse. Mais on ne pouvait certes pas lui retirer une droiture absolue dans sa vie d’homme, une fidélité de tous les instants à ses convictions, à ses amis, et à l’idée qu’il se faisait de notre histoire, de notre culture, de notre patrie, au point, et jusqu’à ce dernier geste qui fut donc le sien, de mettre à 79 ans son existence dans la balance. Des convictions et des valeurs vilipendées, boycottées, censurées, condamnées même par une police de la pensée de tous les instants poussant la bassesse, aujourd’hui en France, jusqu’à se draper dans les oripeaux d’une Loi totalement dévoyée. Mais des convictions et des valeurs pourtant jamais par lui sacrifiées sur l’autel d’intérêts carriéristes et pécuniaires, quand nombre d’autres hommes de plume, d’historiens, d’intellectuels, par calcul ou par lâcheté, n’ont pas la même constance dans la pensée, la même honnêteté dans l’engagement. Cela au moins aurait pu, aurait du inspirer le respect.
Tout comme cette décision dramatique de se donner volontairement la mort, au nom de la défense d’une cause, juste ou pas, sans aucune autre violence que celle qu’on s’inflige à soi-même devrait, et sans doute plus encore que toute autre forme de décès, inspirer si ce n’est là aussi le respect, tout au moins, le silence.
Certains, bien que ne partageant pas tout ou partie des valeurs de Dominique Venner, ont su évoquer sa mort, sans forcément la comprendre ou la cautionner, avec des mots simples et dignes d’honnêtes hommes : c’est ainsi que vous pourrez sur La Plume prendre connaissance du superbe texte de Christian Vanneste publié sur Nouvelles de France, ou de la remarquable entrevue d’Alain Soral accordéeà Nicolas Gautier sur le site Boulevard Voltaire. Un Vanneste chrétien, et donc foncièrement opposé à l’idée du suicide, et de plus gaulliste, quand Venner avait lui été en son temps un très farouche adversaire du grand Charles… un Soral prétendant œuvrer à une réconciliation nationale entre « Français de souche » et Français musulmans, et venant par ailleurs pour ce qui est des idées politiques du marxisme et du communisme. C’est-à-dire, et sur à peu près tous les points, d’un univers idéologique et spirituel lui aussi fort éloigné de celui de Dominique Venner. Deux personnalités aux sensibilités et aux parcours bien différents, mais capables néanmoins de se retrouver presque totalement à l’heure d’évoquer Venner et son geste dramatique, dans la dignité et le respect élémentaires dus à un mort. Deux honnêtes hommes. Et pourtant deux mal-pensants, deux parias pour la quasi-totalité de nos médias.
Mais comme je l’avais déjà constaté dans mon précédent billet, il était en vérité fort improbable que les prescripteurs d’opinion qui drapés dans leurs habits de « défenseurs du juste et du bien » vouent aux gémonies Christian Vanneste et Alain Soral, traitent la mort de Dominique Venner avec la même élégance et la même retenue que ces deux « sinistres individus ». C’est comme je l’avais relevé hier Renaud Dély qui avait ouvert le bal dans le Nouvel Obs, et je craignais fort de le voir rejoint rapidement et peut-être même dépassé dans la saloperie (pardonnez-moi le mot, je n’en trouve pas de plus adéquat) par telle ou telle signature du Monde ou de Libération. C’est de Marianne qu’est finalement venu le nouvel « article » à même de confirmer mes craintes, même si, sans doute, j’ai du en ignorer d’autres. Le titre en est : « Dominique Venner, le profanateur de Notre Dame ». Il est signé Guy Konopnicki.
Extraits :
Cela commence dès les premières lignes très fort : « L’histoire qui se termine, à 78 ans, par le suicide de l’essayiste d’extrême droite est celle d’une intelligence pervertie par la fascination morbide qui, chez lui, précède et fonde l’engagement politique et idéologique »…
Et Konopnicki de continuer dans la dentelle, explosant un peu plus loin tous les points Godwin : « Le suicide dans la défaite renvoie aux officiers japonais vaincus, imités par l’écrivain d’extrême droite Mishima et au poison ingurgité par les derniers hôtes du Bunker de la Chancellerie du IIIème Reich. La littérature laissée par Dominique Venner témoigne de ce goût de la mort, inhérent au fascisme, du « Viva la Muerte » des Phalanges espagnoles, à la Totenkopf, la tête de mort placée sur les casquettes des Waffen SS »… Sic.
Près à tous les amalgames, même les plus délirants, l’auteur enchaîne : « Comme l’on sait, la mort combattante issue de la mythologie païenne d’Europe du Nord a été greffée sur l’islam intégriste, pourvoyeur d’attentats suicides, de l’Intifada des Mosquées aux avions jetés sur les tours de New York, le 11 septembre 2001… Ainsi cette instrumentalisation mortifère se sera exprimée deux fois en France à un an d’écart : Mohamed Merah obligeant la police à l’abattre, Dominique Venner se suicidant à Notre Dame… Les deux hommes avaient tant de choses en commun ! La haine de la France et de la République, le rejet des mœurs libres du monde occidental, et, sous une forme ou l’autre, l’antisémitisme ». Cela ne s’invente pas.
Atteignant enfin des sommets dans l’abjection et l’insulte faite à un mort qui n’a que son propre sang sur les mains, Konopnicki crache encore sa bile : « Ce genre de délire suicidaire s’exprime le plus souvent en des lieux plus discrets que Notre Dame de Paris, et quand un malheureux parvient à ses fins, la presse s’interroge moins sur son geste que sur les carences des hôpitaux psychiatriques ».Si, si, vous avez bien lu…
Et la danse de « Saint Guy » de se terminer en apothéose, en taxant définitivement Venner, la droite, la Manif pour Tous, les citoyens opposés au mariage et à l’adoption gay et un raton laveur de folie furieuse : « Le délire de Dominique Venner a croisé celui de la droite, grisée par ces foules qui ne supportent pas de voir la gauche française imposer une loi identique à celle que le conservateur James Cameron a fait adopter par le Parlement Britannique… Cette affaire de mariage, c’est la folie pour tous. Dominique Venner en est donc le héros naturel ».
Reprenons -péniblement- notre souffle…
Sera-t-il possible à un autre « héraut du bien » de dépasser dans l’offense, dans l’insulte faite à un mort, en un mot dans l’abjection la plus totale, la prose dégoulinante de haine (qui confine parfois au délire) du triste sire Konopnicki ? A une époque où le pire est toujours possible si ce n’est probable, il serait sans doute bien hasardeux de prétendre le contraire. Vous permettrez pourtant à l’auteur de ces lignes de ne plus chercher à le savoir, la fréquentation prolongée de certaines créatures que l’on ne peut guère croiser que dans les égouts ou les décharges publiques n’étant pas spécialement indiquée pour conserver une élémentaire hygiène de vie, tant physique que mentale.
D’un côté donc, si l’on en croit les bien-pensants, Christian Vanneste et Alain Soral, deux parias, deux sinistres individus interdits d’antenne un peu partout… De l’autre, Renaud Dély et Guy Konopnicki, deux journalistes « honorables » très régulièrement invités sur tous les plateaux de télévision ou de radio. Et pourtant… évoquant hier ou aujourd’hui la mort dramatique de Dominique Venner, qui a revêtu l’habit de l’honnête homme, et qui s’est comporté comme un cloporte ?
Pour finir, et illustrer le deux poids-deux mesures évoqué plus haut… aujourd’hui, et presque au même âge que Dominique Venner, est mort Georges Moustaki (dans des circonstances toutefois moins dramatiques). Chanteur certes assez anecdotique, il était par contre un compositeur tout à fait respectable, qui nous a laissé beaucoup de très jolies chansons. J’ai d’ailleurs moi-même dans ma discothèque trois disques de l’auteur du célèbre « Métèque ». Les médias se sont aussitôt bousculés pour lui rendre un hommage général, vibrant et immaculé. Et pourtant… Georges Moustaki, avec sa fort sympathique « gueule de juif errant, de pâtre grec », et sa langueur attachante était aussi un homme qui avait signé en 1979 dans le journal Libération, avec 62 autres célébrités, une pétition en faveur du pédophile Gérard R., poursuivi pour avoir eu des relations sexuelles avec des gamines de 6 à 12 ans. Etait notamment écrit dans ce texte mémorable qui dénonçait un « ordre moral » qui prétendait au « maintien de la soumission des enfants-mineur(e) s au pouvoir adulte » (sic) ceci : « l’amour des enfants est aussi l’amour de leur corps. Le désir et les jeux sexuels librement consentis ont leur place dans les rapports entre enfants et adultes. Voilà ce que pensait et vivait Gérard R. avec des fillettes de 6 à 12 ans dont l’épanouissement attestait aux yeux de tous, y compris de leurs parents, le bonheur qu’elles trouvaient avec lui ». Et ce brave Georges avait signé « ça ». Sans jamais pour lui la moindre conséquence, d’ailleurs. Il est vrai que Moustaki a toujours été de gauche, ce qui suffit à le classer définitivement dans le camp du Bien…
Je ne crois pas que l’on puisse jamais, étudiant de façon exhaustive l’œuvre littéraire et historique foisonnante de Dominique Venner, épluchant scrupuleusement tous ses écrits annexes politiques ou philosophiques, trouver sa signature au bas d’une phrase d’une telle ignominie.
Mais aujourd’hui en France, dans la presse du système on ne tire pas sur un corbillard… Sauf s’il transporte un mal-pensant (ce qui n’est donc pas le cas d’un défenseur de la pédophilie, fût-ce avec des fillettes de 6 ans). N’est-ce pas Renaud Dély, n’est-ce pas Guy Konopnicki ?
Marc LEROY – La Plume à Gratter
Beau papier de synthese sur le triste episode Venner. Encore une fois, les masques tombent. Les symboles, eux se creent en ces semaines houleuses et inspirees. Les Francais savent encore lire, et decouvrent ou il faut lire si on veut veritablement apprendre. Les medias de masse interessent de moins en moins le public et vivent sous perfusion. La veritable resistance est engagee. La Plume apporte sa contribution. « Ils » ne sont plus « grands », et « nous » ne sommes plus tout-a-fait « a genoux »… Merci!