La Plume parcourt le Net

Pour rendre hommage au général Giáp – Par Nicolas Gauthier

7 octobre 20130
Pour rendre hommage au général Giáp – Par Nicolas Gauthier 5.00/5 2 votes

Publié le : 07 octobre 2013

Source : bvoltaire.fr

Le général Võ Nguyên Giáp, héros de l’indépendance vietnamienne et vainqueur de Diên Biên Phu, vient de nous quitter tandis qu’une page se tourne définitivement. Tonkin, Cochinchine, fleuve Jaune : toute une époque, façon Singe en hiver d’Antoine Blondin. On objectera certes, non sans raison, que le général en question était communiste. Et alors ? Il était patriote avant tout, au-delà des tocades politiques d’alors.

Léon Daudet, qu’on ne saurait véritablement traiter de gauchiste tiers-mondiste, cité dans la dernière livraison de la revue Éléments, dénonçait dès 1922, dans son irremplaçable Stupide XIXe siècle, « ces colonisateurs qui prétendent apporter le progrès à des populations raffinées, comme celles de l’Indochine par exemple, où les usages de politesse sont infiniment supérieurs à ceux de l’Occident, où tant de très vieilles civilisations sont superposées et fondues à la façon des strates de laque polie ».

Le vieux guerrier, donc, a rendu l’âme à l’âge vénérable de 102 ans. En 1975, alors que ce Vietnam, dont les Américains nous avaient chassés, tombait sous la coupe du Vietminh, un livre était publié en France, Chant funèbre pour Pnom Penh et Saïgon (SPL), rassemblant toutes les plumes de la “droite nationaliste” française d’alors. Au rang de ces dernières, celle de notre collaborateur, Alain de Benoist : « Cette défaite était inéluctable, a dit Bigeard. D’un côté, des gens qui vivaient dans une sorte de cocon, tissé douillettement par les Américains, la facilité… De l’autre, une armée formée de jeunes Vietnamiens du Nord, durs, nés dans la bataille, endoctrinés dès leur plus jeune âge… Ceux-là, je les connais bien. Je les ai combattus. Ils n’ont pas pu changer. Ils montent à l’assaut par vagues, sans souci de leur vie. Ils pensent à la patrie… Leurs dirigeants parlent de “patrie communiste”. Communiste ou pas, l’idée de patrie est un moteur dont on n’a pas encore trouvé l’équivalent. »

Et Alain de Benoist d’ajouter : « La patrie, c’est la terre des pères et des pères de ces pères. Être de la même patrie, c’est être de la même origine, avoir en commun le même héritage. Mais qu’est-ce que les “newcomers” de la nation américaine peuvent avoir en commun, à part la Bible, la Constitution et, dans la plupart des cas, le mépris d’une Europe qui n’a pas voulu d’eux ? Il y a une patrie vietnamienne, une patrie cambodgienne. Il ne peut y avoir de patrie américaine. » Quant au défunt Dominique Venner, il conclut, toujours dans ce même ouvrage collectif : « Je pleure l’Indochine des conquérants français. Je pleure les guerriers autrefois sacrifiés, les bâtisseurs inconnus. Mais je ne verse pas une larme sur le régime de Saïgon. Ce qui vient de disparaître n’était pas un petit État libre, exemplaire et courageux, mais une société pourrie jusqu’à l’os. Le Sud-Vietnam était la verrue purulente de l’Amérique. [...] Ce régime corrompu, cette démocratie gangrenée s’est abattue d’un coup, tandis que ses maîtres et ses profiteurs s’enfuyaient. »

Le général Marcel Bigeard, que j’eus l’honneur d’interroger, dans Le Choc du mois n°10, daté de septembre 1988, a confirmé. En off, il m’a même raconté la manière dont le général Giáp l’avait invité au Vietnam, afin de commémorer les combats de Diên Biên Phu. « J’ai eu droit à tous les honneurs. Drapeau français, haie de soldats au garde-à-vous et Marseillaise. Mais à un moment, je n’ai pu retenir mes larmes. J’étais en train de marcher sur les restes de mes camarades de combat, dans cette putain de cuvette. Alors, le général Giáp m’a pris dans ses bras et m’a soufflé à l’oreille : “N’ayez pas honte de pleurer, mon général. N’ayez pas honte de ce que vous avez fait. Vous, les Français, vous vous êtes battus comme des lions. Dans l’honneur et d’homme à homme. Comme les Français savent le faire. Mais vous ne pouviez pas gagner, nous jouions à domicile… »

Bigeard, si souvent matamore, était poignant, ce jour-là. Au moment de nous quitter, il m’a confié : « Giáp m’a dit que les honneurs qui m’avaient été rendus, jamais il ne les aurait rendus aux Américains. Trop de napalm, de tapis de bombes, d’armes chimiques. Communiste ou pas, ce général Giáp était un grand soldat, un grand patriote, un grand homme. »

Sparte aura décidément produit des enfants pour le moins inattendus.

Nicolas Gauthier

EmailPrintFriendlyBookmark/FavoritesFacebookShare

Mots clés : , , , , , , ,

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*