Publié le : 17 octobre 2013
Source : bvoltaire.fr
Tout va bien pour Marine Le Pen. Les sondages viennent de faire du FN le premier parti de France, avec 24 % d’intentions de vote aux européennes. Malgré Harlem Désir et ses pin’s, malgré les sorties ratées de Manuel Valls sur les Roms, elle monte, le Front monte, et tous les autres ont peur. Le scrutin de Brignoles a de surcroît montré que le Front pouvait rassembler au second tour, ce qui est une nouveauté.
Plus révélateur encore : le FN est à 44 % chez les ouvriers. Chez les employés, il est à 36 %. Chez les artisans et commerçants, 35 %. Ces chiffres marquent une domination puissante du patriotisme social que je défends et auquel je ne peux qu’applaudir. Aussi réduite soit désormais la part du secteur industriel en France, les ouvriers sont une cible prioritaire pour tous les candidats. Du « acheter français » de François Bayrou aux gesticulations de Jean-Luc Mélenchon, en passant par le « produire en France » de Nicolas Sarkozy et le « redressement productif » de François Hollande, tous ont parlé à ces ouvriers dont l’opinion compte tant pour la France, qui sait que sa prospérité économique est liée à son avenir industriel. Gagner les ouvriers, c’est se préparer à gagner les Français. Si en 2017 Marine Le Pen se retrouve face à François Hollande au second tour, qui peut éliminer l’hypothèse que la première batte le second ?
Pourtant, il y a deux raisons majeures qui doivent tempérer l’enthousiasme frontiste.
La première est d’ordre électoral. « Les sondages, ce n’est pas le scrutin » est plus qu’une vérité, c’est une lapalissade. J’insiste néanmoins. En 2011, Marine Le Pen était déjà à 44 % chez les ouvriers. Or, seuls 33 % d’entre eux ont voté pour elle en 2012. Au niveau national, n’oublions pas que la campagne électorale fit passer la présidente du FN de 24 % en mars 2011 à 17,9 % lors du scrutin. Ne sous-estimons pas les capacités de défense du système. Cela fait 30 ans que j’entends « cette fois c’est la bonne ! ». S’il est sûr que nos idées avancent, ce simple rappel doit inciter à modérer nos espoirs et inciter au travail.
La seconde raison est plus inquiétante. Malek Boutih a déclaré à Des Paroles et des Actes, face à Florian Philippot, que même en cas de victoire du Front « ils » résisteraient, « ils ne se laisseraient pas faire ». Il s’agit d’une menace à peine voilée contre la démocratie. Le FN n’a curieusement pas fait scandale de ces propos. Philippot lui-même semblait pressé de passer à autre chose, peut-être sonné par cette prise de conscience : gagner les élections ne veut pas forcément dire prendre le pouvoir. Si le FN emporte la présidentielle et que les gouvernants confisquent cette victoire aux Français, que fera-t-il ? Le Front n’a pas le réseau militant pour faire descendre des centaines de gens dans la rue et défendre la démocratie. Bloquer le pays ? Cela fait des années que je clame la nécessité de pénétrer les syndicats, y compris leur direction, voire de créer un grand syndicat patriotique. Le FN a toujours dédaigné cette stratégie. Quant à ceux qui pensent que l’armée viendrait à leur secours, qu’ils sachent que les généraux seront d’un loyalisme absolu envers ceux qui ont fait leur carrière.
Que Marine Le Pen le veuille ou non, son projet politique est révolutionnaire. De la part des élites en place, elle ne doit pas s’attendre au fair-play. Tel qu’est le rapport de force, elle ne peut tout miser sur les élections : elle a besoin de cartouches supplémentaires, et elle n’a plus beaucoup de temps pour les trouver.
Serge Ayoub