Publié le : 11 janvier 2014
Source : bvoltaire.fr
Se marrerait-on tellement au royaume de France, cet an-ci, qu’on en vienne à bannir les bouffons ? En sommant le Conseil d’État d’interdire le spectacle de Dieudonné, quelques minutes avant sa tenue jeudi soir à Nantes, Manuel Valls a pris le risque de créer un trouble à l’ordre public bien supérieur à celui qu’il entendait dénoncer. Car oui, c’est bien ce à quoi nous assistons ces temps-ci : un premier flic de France qui met le feu aux poudres, et un humoriste qui, sur ce coup-là, lui a fait montre de davantage de responsabilité, en demandant aux 6 000 spectateurs de rentrer chez eux en chantant la Marseillaise, non sans leur donner rendez-vous sur Internet.
Internet, justement, il en est question, puisque le ministre de l’Intérieur souhaite désormais interdire les vidéos de Dieudonné sur YouTube, Dailymotion et autres hébergeurs. Après la censure médiatique, le piratage de son site dieudosphere.com, et l’enquête fiscale qui lui est tout à coup tombée sur le dos, on voit qu’aucun moyen n’est épargné pour réduire l’humoriste au silence. Orléans et Tours viennent en outre de s’ajouter à la liste des villes qui refusent d’accueillir son spectacle, et le préfet de police a engagé une procédure pour l’interdire à Paris, où Dieudonné l’a déjà joué des dizaines de fois l’année dernière ! Entre l’incompétence de Bernard Boucault et l’absence de trouble à l’ordre public, mon cœur balance… Dieudonné pourra se consoler dans un mois, en Suisse, où il devrait faire salle comble.
Nul besoin d’être grand clerc, au fond, pour lire dans le jeu du premier flic de France. L’affaire Dieudonné n’est que le dernier avatar de cette menace fasciste polymorphe grandissant à mesure que la popularité de l’exécutif s’effondre, dans le droit fil des factieux de la Manif pour tous qui n’ont pas même réussi à brûler un pneu ou briser un abribus. Mais qui permettent à Manuel Valls de se poser en rempart, de se racheter un certificat de bonne conduite gauchiste, après ses sorties controversées dans son propre camp sur l’immigration ou les Roms, le tout en dénonçant le commerce de la haine de Dieudonné. Étonnant, pour un ministre prospérant sur la dénonciation récurrente d’une menace fasciste fantasmée…
Cette histoire est pourtant loin d’être terminée. D’abord parce que Dieudonné va saisir la Cour européenne des droits de l’homme, qui pourrait bien trancher en sa faveur. La décision du Conseil d’État fait en effet entrer la France dans une vision préventive de la liberté d’expression. Et avec le préventif, on fait à peu près ce qu’on veut : souvenez-vous de la seconde guerre d’Irak… La Ligue des droits de l’homme a d’ailleurs constaté dès jeudi soir que « le juge n’a pas fait prévaloir la liberté d’expression sur l’interdit », ce qui constitue « une décision lourde de périls ». Déjà classée troisième en Europe pour les atteintes à la liberté d’expression, avec 25 condamnations, la France n’est pas près de se faire rattraper par la Russie !
Surtout, le gouvernement a une nouvelle fois fracturé l’opinion publique, comme c’est devenu une habitude depuis 20 mois, creusant toujours plus le fossé entre les élites et le peuple. Pire pour l’exécutif, cette histoire, c’est largement l’opposition de deux gauches : la caviar morale et antiraciste, et la kebab populaire et décomplexée. Car oui, ils sont nombreux, dans les fans de Dieudonné, à avoir élu Hollande, et qui ne pensaient pas de sitôt se faire traiter de la sorte par une gauche qui proclamait en 1968 l’interdit d’interdire, et s’érige désormais en censeur… À l’image de ce militant qui a déchiré sa carte du PS devant le Zénith de Nantes, ou de ce père de famille qui votait socialiste depuis 25 ans et n’en revient toujours pas d’avoir été traité de facho.
Comme eux, ils sont des millions. Pour preuve : la dernière vidéo de Dieudonné sur YouTube compte plus de 3 millions de vue, avec environ 85 % d’approbation ! Un micro-trottoir diffusé sur le site politis.fr est fort éloquent à ce sujet : on y voit des habitants de Cergy scandalisés qu’on fasse tout un plat de la quenelle. Car oui, le problème de ce peuple-là, c’est trouver un emploi, joindre les deux bouts, éduquer ses enfants, se conduire honnêtement, peut-être même assurer sa propre sécurité. Une autre vidéo, sur BFMTV, montrait récemment un jeune expliquant calmement à Manuel Valls qu’il ferait mieux de venir en banlieue avec le ministre du Travail, plutôt qu’avec des médias traquant l’antisémitisme. Une leçon de terrain pour le premier flic de France.
Pour tous ceux-là, chasser la quenelle revient grosso modo à sodomiser les mouches ou peigner la girafe, et ils se gondolent d’entendre Alain Jakubowicz, le président de la LICRA, voir dans ce geste un « salut nazi inversé signifiant la sodomisation des victimes de la Shoah », selon la définition reprise en boucle depuis des semaines par des médias qui n’ont pas poussé bien loin l’investigation, apportant ainsi de l’eau au moulin anti-système de Dieudonné. Pendant ce temps, sa pétition pour faire interdire la LICRA a dépassé 150 000 signatures sur Internet. Bref, encore quelques palettes de nouveaux mécontents pour le Jour de colère du 26 janvier prochain, à Paris.
Eli Veugnol