Publié le : 17 janvier 2014
Source : ndf.fr
La loi relative à l’avortement en Espagne, qui durcit les conditions d’accès à l’IVG, a fait voler en éclat un tabou : celui de la réversibilité des lois en matière sociétale.
Cet événement tant décrié par l’intelligentsia de gauche, et relayée abondamment par des médias partisans (exemple), constitue un revirement majeur dans l’histoire des démocraties, et dans l’histoire tout court.
Pour la première fois, grâce à l’Espagne, il apparaît que nulle loi, même sociétale, n’est écrite dans le marbre, que nulle loi, même sociétale, n’est irréversible.
Dès lors, les partisans de la libéralisation de l’IVG, ceux qui nous gouvernent, ainsi que les lobbies qui les soutiennent, ne pourront plus invoquer la fameuse « marche de l’histoire » pour justifier l’extension des lois en matière de santé reproductive. Ce fameux sens de l’histoire qui, jusque dans les débats récents, servait d’argument imparable aux partisans du « mariage » gay, de la PMA et de la GPA.
Il n’y a de sens de l’histoire que celui que nous construisons. L’Espagne vient de nous donner une belle leçon de démocratie. Car revenir sur une loi mauvaise est un progrès, une avancée humaine.
La loi française sur l’IVG fait partie de ces lois mauvaises que nul ne se risquerait aujourd’hui à dénoncer ouvertement, de peur de passer pour un(e) obscur(e) intégriste totalement déphasé(e) avec son temps.
Car, nous disait-on, la modernité est le droit de décider quand je veux un enfant. Ce avec quoi les adversaires de l’avortement sont d’accord, à la nuance près que cette phrase s’entend avant la conception d’un enfant, et non lorsque l’enfant est déjà conçu.
Cela nous oblige à nous pencher sur le système français, et sur les lois récentes qui ont conduit, encore récemment, à tenter de transformer l’IVG en un acte banal, courant, et dénué de toute connotation anxiogène.
Le gouvernement a pensé, comme pour le « mariage » gay, qu’en supprimant les mots, ils supprimeraient aussi la réalité vécue.
Ainsi, ils ont pensé qu’en effaçant les termes de « père » et de « mère » du Code Civil, ils créeraient une nouvelle notion de la « famille », étendue à la « parenté ». C’est sur cette base qu’ils ont également décidé de supprimer, en catimini, la notion de « détresse » dans la loi sur l’IVG, pensant, par là même, supprimer la détresse des femmes. Pour les idéologues qui nous gouvernent, si l’on décrète que la détresse n’existe pas, alors en effet elle n’existe plus. Belle leçon de réalisme !
En attendant, la société française semble s’enfoncer un peu plus dans le déni.
Car il apparaît que l’IVG n’est pas un acte anodin, et ce constat n’est ni un stéréotype véhiculé par une société imprégnée de l’« héritage judéo-chrétien », ni une manipulation destinée à culpabiliser les femmes ; mais la réalité même : celle dont témoignent les femmes, les hommes, et plus largement, les médecins, les soignants confrontés à la prise en charge des IVG. L’IVG est un drame, une blessure, qui s’étend à la fratrie, aux générations suivantes. Elle se ramifie au delà du seul cercle de la liberté individuelle. Elle nous concerne tous. Car une vie sacrifiée, et c’est toute l’humanité qui meurt à travers elle.
Deux options s’offrent alors à nous. Soit nous nous décidons de nous confronter au principe de réalité et de l’assumer, avec la prise de risque que cela implique (et l’humilité de reconnaître que l’on a fait fausse route), soit nous décidons de passer outre, en minimisant ce qui se produit. La tentation est grande de céder aux sirènes de l’individualisme et du matérialisme, et de se laisser persuader qu’« une vie en vaut bien une autre » ; la tentation est grande de véhiculer un discours qui dissout toute culpabilité et toute responsabilité, au risque de générer des traumatismes encore plus grands, car ils auront été niés par la société toute entière.
C’est sur cette voie que s’achemine la société française : vers un déni de plus en plus systématique des réalités. Or ce déni risque de s’avérer très coûteux pour elle.
Nul ne peut évaluer à ce jour les dégâts que ces lois successives provoqueront sur les générations à venir, parce que les repères auront été systématiquement piétinés, éradiqués ou minimisés.
Reste à espérer que subsiste dans la conscience collective un substrat de sens commun, une sagesse qui oblige à affronter avec détermination le principe de réalité, sans quoi nulle politique, mais et aussi et surtout nul humanisme digne de ce nom n’est possible.
Sabine Faivre