Politique France

… pour François Hollande !

Dans cette semaine cauchemardesque qu’il est en train de vivre, avec les résultats catastrophiques du premier tour des élections municipales que l’on sait et leurs probables conséquences (résultats et conséquences déjà souvent visibles que nous allons fort méchamment évoquer dans La Gazette de La Plume), les derniers chiffres de la courbe du chômage pour le mois de février tombent comme une divine surprise, viennent comme un baume aussi délicieux qu’inattendu réconforter notre si cher (parfois trop cher, voir La Gazette de La Plume du 24 mars) président « normal ».

Cette spectaculaire baisse du chômage, tant espérée, tant évoquée, tant invoquée, vient enfin éclaircir un peu l’horizon sinistre pour ne pas dire macabre de la Hollandie vacillante, et il permettra peut-être même de sauver le bon  petit soldat Ayrault et sa bande de pieds nickelés, dont les têtes étaient (pour beaucoup d’entre elles) déjà posées sur le billot tant redouté de ce fameux remaniement ministériel qu’on nous annonce comme étant imminent depuis des mois, remaniement qui est l’habituel rustine sur une jambe de bois dont nos personnels politiques usent et abusent depuis des décennies, pour faire mine de « changer » et « d’entendre le message des Français »après une rouste électorale, et afin de pouvoir en réalité continuer le plus discrètement possible une même politique, mais profiter en fait de l’occasion pour se débarrasser des « meubles ministériels » les plus encombrants et/ou les plus inutiles (et la liste aurait dû cette fois sans doute et en bonne logique être tout particulièrement conséquente… quoique… avec cette fine équipe et ce capitaine de Titanic, on n’est jamais sûr de rien).

Oui donc, enfin une bonne nouvelle pour François Hollande et -pour une fois- également pour la France… Mais non, je rigole ! Je taquine ! Poisson de Mars ! Les chiffres qui viennent de tomber sont bien entendu en réalité presque aussi catastrophiques que ceux des résultats électoraux aux municipales pour Hollandouille et son orchestre, et je ne vais bien sûr pas résister au plaisir (contre eux) sadique (pour la France) de vous les communiquer ici.

Mais avant, juste pour mémoire, un petit rappel tout de même du feuilleton « inversion de la courbe du chômage » depuis l’élection de François Hollande :

En avril 2012, en pleine campagne présidentielle, François Hollande n’a pas de mots assez forts pour railler Nicolas Sarkozy, qui avait fort imprudemment déclaré en 2007 après son élection à la Présidence de la République que sa présidence « serait un échec si le taux de chômage ne revenait pas à 5% en 2012 ». Dans la foulée, l’ex de Ségolène (et de Valérie, et de la protégée de Bertrand, et bientôt -parait-il- de Julie, la suite au prochain épisode), déclarait : « Le chômage n’est pas une fatalité. Et j’inverserai la courbe », ajoutant entre les deux tours de l’élection : « le prochain mandat doit en effet permettre d’inverser la courbe », et même, tout aussi imprudemment que son adversaire (et bientôt prédécesseur) : « J’accepterai d’être jugé sur cette promesse ». Porcinet qui s’en dédit, et on y reviendra !

Le 9 septembre 2012, soit quatre mois après son élection, et sur le plateau de TF1, notre capitaine de pédalo revient sur cet objectif et en précise une première fois le calendrier : « Nous devons inverser la courbe du chômage d’ici un an ». En septembre 2013, donc.

Lors de ses vœux du 1^er janvier 2013, les premiers accommodements avec l’engagement d’après élection commencent. Cette fois, notre président normal déclare : « Toutes nos forces seront tendues vers un seul but : inverser la courbe du chômage d’ici un an. Nous devrons y parvenir coûte que coûte ». Hollandouille a discrètement gagné trois mois de rab au passage, mais le ton est toujours aussi martial et péremptoire.

A peine un mois plus tard, le bougre commence tout de même à sentir venir le vent du boulet, et concède que 2013 sera sans doute « marquée par une progression du chômage », mais officiellement, et piégé par sa fanfaronnade initiale très largement répercutée et médiatisée, il persiste (de plus en plus mollement) et signe (de plus en plus petit) : « mon premier objectif, c’est d’inverser la courbe du chômage avant la fin de l’année », répète-t-il ainsi le 28 mars 2013, cette fois sur France 2.

En mai 2013, interrogé sur cette improbable promesse dès cette date visiblement inatteignable, Hollande déclare encore : « je m’y tiens ». Une forme de méthode Coué qui n’est pas sans rappeler cette histoire drôle qui évoque ce gaillard qui, tombant du haut d’un immeuble, se dit, à chaque fois que dans sa chute il passe devant un nouvel étage : « jusqu’ici, tout va bien ! ».

En août 2013, Michel Sapin, Ministre du Travail déclare à son tour « oui, nous inverserons la courbe du chômage [...] d’ici la fin 2013 », ajoutant, pathétique, que si les chiffres de juillet marquent « un ralentissement […] c’est que nous allons dans la bonne direction parce qu’avant d’inverser, il faut arrêter ». Sic.

Le mois suivant, le même se dit une nouvelle fois convaincu que le gouvernement est en phase de « stopper la hausse » et a noté une « amélioration »… malgré l’augmentation, une nouvelle fois, du nombre officiel des chômeurs en France. Une baisse de la hausse en quelque sorte, ou une hausse de la baisse, on ne sait déjà plus trop bien.

Un optimisme aussi grotesque qu’irresponsable partagé à l’époque par son collègue de l’Economie et des Finances Pierre Moscovici, dopé sans doute par un micro-rebond inespéré de la croissance au deuxième trimestre 2013 (+0,5% selon l’Insee). Et Moscovici de fanfaronner aussitôt sur l’inversion de la courbe du chômage qui « va arriver d’ici la fin de l’année. J’en ai la conviction, une conviction informée ». Je n’invente rien. Au même moment, Hollande continue, se déclarant « confiant sur l’inversion de la courbe du chômage […] nous allons y arriver »… puisqu’il le dit.

Dans le même temps, le gouvernement et le « chef des tas » commencent subrepticement à ouvrir les parachutes : dans les ministères concernés, on se met timidement à déclarer que si « l’inversion est commencée » « le freinage, puis le retournement de la courbe […] devra être analysé en tendance », sur « plusieurs mois ».

En novembre, la position affirmée mordicus commence à vraiment faire long feu. Car malgré la très opportune prise en compte dans les chiffres annoncés du chômage des seuls demandeurs d’emploi de catégorie A, de ces dizaines de milliers de radiations mensuelles à Pôle Emploi qui permettent de cacher beaucoup de précaires sous le tapis médiatique, auxquels il faut ajouter (et en juillet 2013 seulement !) plus de 500 000 emplois « aidés » en France (voir tableau ci-dessous), les résultats mensuels du chômage restent toujours plus médiocres les uns que les autres. Et cela sans compter bien-sûr l’explosion du nombre des allocataires du RSA (2,3 millions de foyers en 2013, soit plus 7,2 % en un an).

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Nombre total d’emplois aidés en france

 (Tableau et chiffrage tirés du journal Le Monde, du 27 septembre 2013)

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Ce qui n’empêche pas l’exécutif de continuer à amuser la galerie : en décembre 2013, malgré une nouvelle hausse (+ 0,5 % officiellement), Hollande affirme ainsi que « l’inversion de la courbe du chômage est bien amorcée » et que « la tendance à la baisse […] n’est pas modifiée ».

Même baratin chez Michel Sapin, le Ministre du Travail prétend même qu’au quatrième trimestre « le gouvernement a pu inverser les choses, inverser la courbe du chômage », ajoutant, complètement hors sol : « Au début de l’année 2014, nous devrons faire reculer plus fortement et durablement le chômage [...] Aujourd’hui, l’enjeu n’est plus l’inversion mais l’amplification et l’inscription dans la durée de cette tendance ».

Ou chez le député de Paris et secrétaire national du Parti Socialiste Jean-Christophe Cambadélis qui affirme : « il n’y a pas encore nettement d’inversion de la courbe, mais c’est à portée de main » et encore « Les chiffres ne sont pas décevants. Ils sont encourageants pour les jeunes et ils marquent une tendance à la décélération du chômage ».

Fin janvier 2014, à la veille de l’annonce des chiffres de décembre, très mauvais, comme d’habitude, le gouvernement continue son enfumage, sans d’ailleurs être trop gêné  aux entournures, grâce à une fort remarquable bienveillance médiatique : Stéphane Le Foll relativise encore une fois les sempiternels mêmes mauvais résultats ainsi : « On n’aura pas, au chiffre prêt, inversé la courbe en 2013 », tandis que  Michel Sapin salue pour sa part une « stabilisation, ce qui est déjà considérable ». Si, si, vous avez bien lu.

Depuis janvier 2014, la tendance à la hausse exponentielle (du chômage comme du baratin gouvernemental) s’est donc bien entendu maintenue, et j’abrège là votre (et mon) chemin de croix pour en arriver aux derniers chiffres qui viennent donc de tomber hier, au plus mauvais moment pour Hollande et sa clique, en plein entre les deux tours des élections municipales. Des chiffres d’ailleurs -fort curieusement- assez peu relayés par nos chers médias (pour cause de poussée du FN et des « hordes brunes » et pour éviter les « heures les plus sombres de [leur] histoire », peut-être ?).

Ces chiffres ne sont pas mauvais cette fois, mais carrément catastrophiques :

-  + 31 600 chômeurs de catégorie A (sans aucune activité), soit presque 1 % d’augmentation pour le seul mois de février. A noter que ce total est obtenu après que Pôle Emploi a radié administrativement… 57 800 chômeurs de ses listes durant le même seul mois de février. Le véritable chiffre de l’augmentation du chômage de catégorie A en février devrait donc être en réalité + 89 400 chômeurs supplémentaires !

- Augmentation comme évoqué plus haut de 28,2 % des radiations administratives, et de 11,2 % des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation pour ce seul mois de février.

-  Le chômage des « seniors » a littéralement explosé, avec + 12,1 % en un an (+ 70 % sur les quatre dernières années).

-  Celui des jeunes n’est limité que par le recours massif aux fameux emplois d’avenir, qui n’en ont justement aucun ( + 50 000,  et plus de 100 000 prévus avant la fin 2014).

-  Cette augmentation nous donne donc un total « officiel » et purement médiatique de 3,34 millions de chômeurs (toujours pour la seule catégorie A, mais en réalité de 4,93 millions pour la totalité des seuls demandeurs d’emploi inscrits, sans compter donc les radiés, les non-inscrits et les allocataires de RSA) en France.

-  Depuis l’accession à la Présidence de la République de François Hollande, ce sont donc 420 000 chômeurs sans aucune activité (catégorie A, et toujours sans compter les dizaines, voire centaine et plus de milliers de radiations effectuées sur les listes de Pôle Emploi) qui sont venues grossir les chiffres du chômage officiel en France.

« Le chômage n’est pas une fatalité. Et j’inverserai la courbe […] J’accepterai d’être jugé sur cette promesse ». Alors oui, vraiment, monsieur le Président de la République : cochon qui s’en dédit !

Marc LEROY – La Plume à Gratter

Mots clés : chomage, François Hollande, Jean-Christophe Cambadélis, Michel Sapin, Pierre Moscovici, Pôle Emploi, Stéphane Le Foll