Publié le : 11 mai 2014
Source : bvoltaire.fr
Il y a un mois, j’ai adressé à Marine Le Pen un texte faisant valoir la nécessité d’élargir le périmètre du Rassemblement Bleu Marine, envers notamment des partis comme ceux de Nicolas Dupont-Aignan, Philippe de Villiers, Christian Vanneste ou ceux des UMP qui ont gardé le sens de la patrie. Ma lettre, non publiée, a reçu une réponse courroucée de Marine Le Pen, réponse hélas rendue publique de sorte que, bien que nos relations se soient depuis lors normalisées, une polémique naquit dans l’intervalle, qui trouva un écho sur Boulevard Voltaire, par le biais d’un certain Aristide Leucate.
Ce dernier posait notamment une question majeure : comment expliquer que, depuis vingt ans, ceux qui ont relevé le drapeau national aient tour à tour chuté ? Ayant servi les uns et les autres (ce que Leucate impute à mon inconstance, alors que ce sont hélas ces matadors de passage qui furent infidèles à eux-mêmes), je propose une explication – s’ajoutant à l’évidence que, la terre entière étant contre eux, leur tâche n’était certes pas facile.
C’est au rassemblement national qu’ils ont échoué, parce qu’ils ont tous privilégié leurs liens particuliers, notamment leurs partis, sur leur indépendance et la force propre de leur incarnation ; en somme, parce qu’ils ont choisi le calcul plutôt que le risque, la politique ordinaire plutôt que l’Histoire.
Philippe Séguin n’osa pas se distinguer de la machine du RPR et d’un Jacques Chirac dont il menaçait le leadership tout en le prenant pour son père politique, et qui finit par le refaire.
Jean-Pierre Chevènement, malgré une fanfaronnante entrée en campagne sur le thème de « l’Homme de la Nation », ne quitta jamais du regard une gauche au sein de laquelle s’inscrivait en secret sa stratégie présidentielle de 2002 (assurer la victoire de Jospin en se désistant pour lui au second tour, moyennant Matignon), savante manœuvre qui échoua tristement, les électeurs potentiels du « troisième homme » flairant vite que « l’Homme de la Nation » avait un fil à la patte.
Des fils, nul n’ignorait que Charles Pasqua en avait pour sa part plusieurs, l’empêchant de mettre à profit un savoir-faire remarquable.
Quant à Philippe de Villiers, il n’en avait qu’un (la Vendée) dont il voulait garder à toute force la présidence du conseil général, ce qui l’empêchait de rompre avec une UMP qu’il détestait mais dont il était prisonnier à La Roche-sur-Yon, et qui lui fit mordre la poussière à la première occasion.
Les servant tour à tour, j’ai tenté de les convaincre de dépasser leurs calculs qui, s’ils n’étaient pas toujours médiocres, les ont cependant empêchés de dépasser la délétère logique des partis pour « rassembler les Français sur la France » – d’être celui qui appartient à tous parce qu’il n’appartient à personne. J’ai, chaque fois, échoué.
Aujourd’hui, je souhaite de tout cœur que Marine Le Pen, qui est à mes yeux l’une des dernières cartes de la France, réussisse à transcender le parti qu’elle préside, dont l’image, la complexion et le périmètre sont beaucoup trop étroits pour assurer le rassemblement populaire sans lequel rien de grand ne sera possible. Cette logique nationale, c’est-à-dire non partisane, que je défends avec mes amis du SIEL, suppose un courage critique qui n’est pas sans risque ; mais elle seule peut donner toute son ampleur à l’œuvre de salut public, qui a d’âpres exigences, quand bien même elles échapperaient aux plumitifs de passage…
Paul-Marie Coûteaux