Publié le : 12 mai 2014
Source : bvoltaire.fr
Qu’est-ce que Boko Haram ? Une secte religieuse ? Un gang de voyous évoluant sous cache-sexe religieux ? Ou les deux à la fois ?
D’abord le crucial : les récents méfaits de Boko Haram sont un signe de plus de l’évidente dégénérescence du courant jihadi qui sombre dans une orgie de sang, de l’est à l’ouest de l’Afrique :
- Somalie/Kenya : les shebab massacrent en septembre 2013 les clients d’un supermarché, 40 morts et 150 blessés ;
- Nigeria : des lycéennes sont enlevées par dizaines et sans doute vouées à la mort ou au « repos du guerrier ».
Des bandits de grand chemin kidnappant des touristes, des contrebandiers de cigarettes au Sahel, des assassins tribaux illuminés et défoncés de la Somalie au Nigeria : voilà tout ce qu’il reste, en Afrique, des impeccables et pieux « soldats de Dieu » rêvés par Ben Laden.
Revenons au Nigeria : à l’origine, Boko Haram est un groupe islamique voulant rétablir l’éducation religieuse au Nord-Nigeria. Dans la langue locale, de type tchadique – le haoussa –, Boko Haram signifie quelque chose comme « éducation à l’occidentale religieusement interdite » (halal/haram).
Dans la décennie 2000, Boko Haram s’en tient à son projet initial puis verse dans la violence, d’abord artisanale puis, à partir de 2009, de plus en plus effrayante, sous l’influence d’un second gourou, ou chef messianique, Abubakar Shekau.
Boko Haram ressemble dès lors à l’Armée de résistance du Seigneur, créée à la fin des années 1980 en Ouganda par Joseph Kony, autre gourou, lui vaguement barbouillé de christianisme évangélique. Shekau, lui, est tout aussi vaguement musulman, et tout autant illuminé et psychopathe : il « parle directement à Dieu », sa troupe étant soumise à ses caprices, « visions » délirantes, etc.
À côté de ces meutes homicides, éventreurs et coupeurs de membres, les jihadi d’origine, les islamistes d’obédience Ben Laden, au Moyen-Orient notamment, font figure d’une sage troupe de boy-scouts…
Boko Haram se prétend islamique. Mais de quel islam s’agit-il ? Est-il d’obédience wahhabite ? Proche des Frères musulmans ? Ou relève-t-il de cet islam noir imprégné d’animisme ?
Le cocktail Boko Haram ou Armée de résistance du Seigneur est à peu près le même : 10 % de la religion d’origine (chrétienne ou musulmane) et 90 % de… tout le reste, coutumes tribales de type « Mau Mau », recrutement de garçons et de filles pour la guerre ou le sexe, transes mystiques engendrées par des drogues et philtres magiques, envoûtements, etc.
Un tel mouvement peut-il agir seul ou est-il soutenu par des États étrangers et voisins. Et si oui, pour quelles raisons ?
On ne soulignera jamais assez les dégâts immenses autant que durables, d’ampleur proprement continentale, provoqués par l’inepte guerre de Libye, attisée (pourquoi ?) par nos usuels pitres médiatiques et guerriers de plateau télévisé.
Avant cette guerre, Boko Haram ne disposait que d’armes légères – certes assez pour tuer mais, disons, au détail. Les massacres de masse de cette secte délirante se multiplient dès que ses « guerriers » ont puisé dans les arsenaux de Kadhafi, éventrés par l’aviation de combat et à disposition, à même le sol, de ce que toute l’Afrique compte de fanatiques ou de cas pathologiques – voire les deux ensemble. Dès lors, Boko Haram dispose de jeeps équipées de mitrailleuses, de lance-roquettes, de grenades, de mines, etc.
On dit que cette guerre de Libye a coûté 300 millions d’euros à la France. Sur le moment et directement, peut-être, mais depuis lors, toutes nos interventions en Afrique, Sahel, Centrafrique, Nigeria, etc. découlent directement de l’initial ébranlement continental provoqué par la destruction insensée du château de cartes libyen, en 2011.
Entretien mené par Nicolas Gauthier
