Publié le : 20 septembre 2014
Source : espritcorsaire.com
Après le Mali et la Centrafrique, François Hollande engage la France dans un troisième conflit armé en Irak.
L’armée de l’air va se joindre à l’aviation américaine qui bombarde des cibles en Irak depuis le 8 août pour « réduire et affaiblir » les djihadistes de l’Etat islamique (Daesh). A l’instar de Barack Obama, François Hollande a affirmé qu’il n’y aura « pas de troupes au sol », même si des militaires de la DGSE et du Commandement des opérations spéciales sont au Kurdistan dans des missions de liaison et de contact, de formation et de renseignement. Paris va également poursuivre son aide humanitaire et militaire (mortiers, fusils mitrailleurs) aux peshmergas kurdes. En revanche, la France ne participera pas aux opérations annoncées par les Etats-Unis en Syrie.
Tout un paradoxe alors que François Hollande ne cesse de dénoncer « l’inertie » de Barack Obama. Selon la thèse de l’Elysée, l’opposition du président américain à des frappes sur la Syrie en 2013 aurait favorisé la progression de Daesh. « Bachar et Daesh ont partie liée, ils se sont mutuellement entrainés et ils ont écrasé ceux qui pouvaient justement représenter l’alternative » a affirmé le chef de l’Etat dans sa conférence de presse, jeudi 18 septembre, en promettant de continuer à aider « les opposants démocratiques pour qu’ils puissent le renverser ou trouver une solution politique ». Qui sont ces « opposants démocratiques » ? Mystère.
La majorité des groupes armés de l’opposition, d’Al Nusra en passant par Ahrar al-Sham (décimé le 9 septembre par un attentat), le Front islamique et les groupes dans l’orbite des Frères musulmans, sont, il est vrai, hostiles à « l’Occident » et à toute action militaire étrangère en Syrie, sauf si elle visait directement le régime. Même les factions djihadistes engagés dans une guerre avec Daesh dénoncent ce qu’ils considèrent comme une agression occidentale. Reste ceux que certains appellent les « rebelles modérés », une désignation floue désignant parfois le Conseil militaire suprême, le terme générique d’ « Armée syrienne libre » ou le Front des révolutionnaires de Syrie. La Syrie compte environ 1500 groupes armés sur son territoire, couvrant toute la gamme du spectre islamiste et salafiste, sans compter les gangs criminels et autres factions locales. Les Etats-Unis affirment vouloir résoudre ce problème par la formation d’une nouvelle armée de 6000 rebelles en Arabie saoudite, ce qu’ils ont déjà tenté de faire, avec des résultats mitigés, en Jordanie.
Quand le recours à l’outil militaire tient lieu de stratégie
Tout se passe comme si le recours prioritaire à l’outil militaire, -dans ce cas, les frappes aériennes-, tenait lieu de politique pour des dirigeants sans stratégie autre que l’interventionnisme moralisateur, cette fois dans le cadre d’une alliance improbable où chaque pays poursuit des intérêts contradictoires. L’Etat islamique a prospéré sur le vide politique créé par l’effondrement de l’autorité de l’Etat en Irak et en Syrie. Les autorités étatiques ne contrôlent plus leurs frontières et leurs territoires, ne fournissent plus à leurs populations les services qu’elles en attendent et n’incarnent plus une appartenance commune au-delà des clivages communautaires. Des forces locales regroupées autour d’identités confessionnelles, ethniques, tribales et régionales, comblent le vide en creusant la fracture entre sunnites et chiites. Ouverte à toutes les ingérences, l’Irak et la Syrie deviennent un champ de bataille dans la guerre d’influence des puissances régionales, à commencer par l’Iran et l’Arabie saoudite, sans oublier la Turquie, le Qatar, les Émirats arabes unis et l’Égypte. Daesh est aussi, en partie, le produit du double-jeu des régimes de la région, à commencer par celui de Damas. Face à ce « Frankenstein » désormais indépendant et menaçant, le régime syrien et une partie des groupes armés de l’opposition, fatigués par une guerre d’usure sans fin, pourraient trouver un intérêt à déclarer une série de trêves unilatérales, avec le soutien des Etats-Unis, de la Russie, de l’Arabie saoudite et de l’Iran.
Encore faudrait-il, pour y parvenir, s’engager diplomatiquement dans la recherche d’une réponse politique commune contre le jihadisme et ses sponsors, la réduction des tensions entre l’Arabie saoudite et l’Iran et la mise en place de mécanismes régionaux de sécurité, en y associant la Russie, la Chine et l’Inde et l’ensemble des pays de la région.
François d’Alançon
C’est ce qu’on peut appeler des « petites frappes »…
Lamentable.
Bel article. Merci.