Publié le : 30 septembre 2014
Source : bvoltaire.fr
Le Geneva Report – c’est son nom officiel – est un rapport annuel sur la conjoncture mondiale produit par un panel d’économistes et de financiers venant d’horizons divers. Son millésime 2014, le seizième du genre, vient d’être publié et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il met les points sur les i.
Après avoir compilé et analysé l’ensemble des dettes publiques et privées de tous les grands États de la planète, la conclusion de ce rapport est particulièrement alarmante :
« Contrairement à une idée reçue, depuis la crise de 2008, la dette mondiale n’a cessé de grimper, à un rythme ralenti jusqu’en 2011 puis nettement plus soutenu depuis. Estimée à 165 % du PIB mondial en 2001, la dette mondiale avait déjà bondi à 195 % fin 2008 au plus fort de la crise. Elle s’établit aujourd’hui autour de 215 %. Les cinq premières places sont occupées par le Japon (411 %), la Suède (293 %), le Canada (284 %), le Royaume-Uni (276 %) et les USA (264 %). Vient ensuite la zone euro avec un ratio de 257 % et, divine surprise, la France – où la dette privée est relativement faible — se classe plutôt bien avec 220 %, cela fait tout de même 80.000 euros par foyer fiscal. Les bons élèves sont les BRICS et les autres pays émergents, tous en dessous de 200 %, sauf la Chine (220 %). »
Le rapport signale que la combinaison de dettes record et d’une croissance mondiale en berne est véritablement explosive : une faillite bancaire même de taille moyenne pourrait entraîner par un effet domino une crise incomparablement plus dévastatrice que la faillite de Lehman et ceci pourrait arriver à tout moment. En tête des zones à risque, un pays que l’on n’attendait pas – la Chine – à cause de son système bancaire encore archaïque et la présence d’une économie souterraine totalement hors de contrôle.
Prenant le contre-pied des récentes déclarations de la Fed, les taux d’intérêt sont donc condamnés à rester sur des niveaux historiquement bas pour une très longue période. Le rapport préconise même un programme d’achats massifs d’obligations par les Banques centrales (c’est-à-dire la planche à billets) pour réduire encore davantage les taux à long terme. Mais au-delà des chiffres, le plus inquiétant se trouve dans l’inversion de la corrélation entre la dette et la croissance. Nous savons que l’impact positif de la dette sur la croissance est d’autant plus grand qu’elle est encore basse et que cet impact diminue à mesure qu’elle enfle. Il semblerait qu’aujourd’hui, le niveau de la dette est tel qu’elle a un effet non plus positif mais négatif sur la croissance. Ceci signifie que nous serions entrés dans une spirale folle sans autre issue que la faillite.
Quant aux causes de cette situation, elles sont bien évidemment multiples mais une, en particulier, revient avec insistance : la spéculation immobilière qui « tue » le pouvoir d’achat des ménages et gonfle leur endettement. Ces dernières années, la Suède et le Canada en ont été les principales victimes, la première est littéralement prise d’assaut par les investisseurs d’Europe de l’Est, la seconde par ceux venant de Chine. Une statistique mérite d’être retenue. Aux États-Unis, entre 1900 et 2000, les prix de l’immobilier en moyenne ont crû au même rythme que l’inflation. Entre 2000 et 2014, les prix de l’immobilier corrigés de l’inflation ont doublé.
À titre personnel, j’ajouterai deux remarques absentes du rapport. En premier lieu, les pays anglo-saxons réputés les plus libéraux sont de très mauvais élèves. Ceci devrait donner à réfléchir à tous ceux qui ne jurent que par le tout-libéral. En second lieu, si la France occupe un rang, somme toute, honorable et même plutôt bon comparé aux pays de même niveau de développement, elle le doit intégralement au comportement relativement prudent… des ménages.
Christophe Servan