Publié le : 08 octobre 2014
Source : causeur.fr
Dans quelques années, l’histoire retiendra qu’un 7 octobre 2014, une certaine Sandrine Mazetier prit officiellement la succession de l’Académie française, créée en 1635 par Richelieu. Par quelle ruse du destin en est-on arrivé là ? C’est bien simple. Lors d’une séance de l’Assemblée nationale, un député, Julien Aubert, s’adresse au président de séance ainsi : « Madame le Président ». Dame Mazetier préside justement la séance. Elle n’apprécie pas cette préférence accordée à la grammaire française au détriment de la parité, d’autant que le député se trouve être un dangereux récidiviste. Quelques mois auparavant, il s’était déjà adressé à elle en ces termes. Elle avait alors réagi sur un ton plutôt humoristique en le désignant ensuite « Monsieur la députée ». Mais, cette fois, à l’occasion du débat sur la loi de transition énergétique au cours duquel Julien Aubert représente le groupe UMP, elle ne laisse pas passer l’affront. Elle dégaine un rappel à l’ordre inscrit au procès-verbal, ce qui vaut au député du Vaucluse une privation d’un quart de son indemnité parlementaire. Aubert a beau expliquer qu’il applique les préconisations de l’Académie française, rien n’y fait. Ce ne sont pas des vieux cons qui vont faire la loi dans l’Assemblée nationale, n’est-ce pas ? Et bien si, justement. Depuis 1635. À l’Assemblée nationale et ailleurs, c’est l’Académie qui décide ce qui est une faute de français et de ce qui ne l’est pas. Et appeler le président de séance « Madame la présidente », c’est officiellement une faute de français. Tant qu’une loi ne vient pas déposséder l’Académie française de ses prérogatives multiséculaires (j’ai réellement peur de donner des idées à certains, là…), ce sera le cas.
Cherchant désespérément sur le site de l’Assemblée nationale l’article du règlement qui impose de féminiser les titres, étant donné que les circulaires de féminisation des titres et métiers de 1986 et 1998 ne s’appliquent pas aux chambres parlementaires mais aux administrations, nous avons contacté la présidence de l’Assemblée nationale. Et nous avons demandé sur quelle base, sur quel texte, s’appuyait cette décision de sanction. Une conseillère de Claude Bartolone nous a répondu avec une diligence remarquable. Elle nous a indiqué un article de l’instruction générale du Bureau de l’assemblée nationale. L’article 19, dans son alinéa 3 indique que « Les fonctions exercées au sein de l’Assemblée sont mentionnées avec la marque du genre commandé par la personne concernée. ». Si on ne précise que cela, Aubert est coupable, en effet. Problème, cet article 19 est titré « compte-rendu de la séance ». Il est destiné à indiquer aux fonctionnaires du Parlement les dispositions selon lesquelles doit être rédigé le fameux compte-rendu. Depuis le 14 mai 1998, les rapporteurs des débats doivent donc féminiser les titres. Mais il faut être d’une mauvaise foi crasse ou d’une incompétence juridique notoire pour y voir une injonction imposée aux parlementaires dans leurs interventions. Que le bureau de l’Assemblée nationale impose, depuis seize ans, à des fonctionnaires titulaires d’un des concours les plus difficiles de la République, de maltraiter la langue française, cela devrait déjà interpeller. Mais là, on passe le mur du çon : un président de séance exige arbitrairement d’étendre cette injonction aux parlementaires eux-mêmes.
Claude Bartolone peut encore s’éviter un ridicule cuisant en retirant cette sanction inique. Il ne le fera malheureusement pas. Ce qui va contraindre le député Aubert à saisir le Conseil constitutionnel pour contester logiquement l’arbitraire dont il est victime. Madame Mazetier a son soutien. Il ne faut pas l’enquiquiner, Madame Mazetier ! Elle est puissante ! Elle est plus forte que l’Académie française et le Bescherelle réunis ! Il y a quelques mois, elle voulait débaptiser les écoles maternelles. Trop sexistes ! Cela avait donné l’occasion de bien s’amuser un soir sur Twitter : #jeparlelemazetier avait connu un grand succès. Si on la laissait faire, Sandrine Mazetier féminiserait tous les titres, tous les métiers. Faites gaffe, quand même : il y a des professions qui pourraient poser problème. Maître-chien, par exemple, comme me le soufflait hier ma copine Coralie Delaume.
Trêve de plaisanterie, le président de séance a le devoir d’agir dans l’intérêt général de son institution, pas en fonction de ses opinions personnelles. En sanctionnant arbitrairement le député Aubert, Sandrine Mazetier manque non seulement aux devoirs inhérents à sa charge, mais elle déconsidère le combat féministe, comme le note Lydia Guirous chez nos confrères du FigaroVox. Et puis tiens, imaginez le cauchemar : Mazetier présidente : elle enverrait le député Aubert en camp de rééducation. L’accompagneraient, votre serviteur, bien sûr, mais aussi les académiciens récalcitrants, et bien d’autres. Elle y enverrait sans doute aussi Pascal Cherki, son collègue député socialiste, qui a demandé hier au gouvernement de montrer « qu’il avait des couilles », remarque qu’elle jugerait certainement affreusement sexiste.
On sera en bonne compagnie, en camp de rééducation par le travail domestique…
David Desgouilles