Publié le : 22 janvier 2015
Source : bvoltaire.fr
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, Manuel Valls vient d’annoncer la création de 2.680 nouveaux emplois. Est-ce suffisant ou non ? Et raisonner en termes d’effectifs supplémentaires a-t-il un sens en la matière ?
Clairement, le récent massacre a pour origine une erreur d’analyse (du qualitatif) et non une insuffisance de personnel, ni de matériel (du quantitatif). Bien sûr, donner en général des moyens supplémentaires aux institutions chargées de notre sécurité ne peut être inutile. Mais à mon sens, les mesures annoncées par le Premier ministre sont hors sujet, car ne répondant pas à la question posée par le récent homicide de 17 personnes à Paris : comment repérer à temps ces bombes humaines ? Comment les neutraliser avant qu’elles ne prennent des otages ou ne tuent ? Tous les efforts officiels devraient donc porter sur la prévision de tels attentats, et non sur le fait d’alourdir encore – plus de matériel, plus d’hommes dans plus de bureaux – des services qui, au contraire, devraient être agiles, souples, réactifs… Toujours à pister les futures bombes humaines à la trace… ne pas les lâcher, sur le terrain même. Moins de bureaucrates et plus de « commandos de chasse », version sécurité intérieure.
Or là, on fait l’inverse. Les mesures récentes pousseront sans doute les services concernés à accentuer plus encore leurs actuels défauts : singer le FBI derrière des écrans d’ordinateur, au lieu d’être dans les rues des cités chaudes, d’y filer des suspects dangereux, d’y recruter des indics.
De même, il y aurait 3.000 personnes à surveiller en France. Et Internet serait bientôt sous surveillance afin de lutter contre « l’embrigadement djihadiste ». Certains binationaux pourraient encore être déchus de leur nationalité française. Des réponses à la hauteur des enjeux ?
Cette histoire de 3.000 individus à surveiller en permanence est grotesque et ceux qui disent cela se moquent du monde, ou se font « enfumer » par leurs propres services. Prouvons le :
Merah, Nemmouche, “Bilal”, les Kouachi, Coulibaly ont tous en commun d’être des gangsters. Des vrais, pas de petits délinquants, mais des criminels endurcis, tous disposant d’un lourd dossier judiciaire : vols à main armée, trafics de stupéfiants, racket, etc. Ce sont en outre des fanatiques salafistes, ce qui fait d’eux des hybrides, catégorie hyper-dangereuse où se recrutent, justement, ces bombes humaines que la DGSI peine à repérer.
Pour contrôler ces quelques dizaines d’individus sur le territoire national – car ces bombes humaines potentielles ne sont pas plus, disent les vrais experts de terrain -, peut être faudrait-il commencer par apprendre à nos services intérieurs nationaux à détecter à temps ces individus mortellement périlleux – car cela se peut – au lieu de baisser les bras devant « 3.000 djihadistes dangereux ». Car dans ces 3.000, en entonnoir, on a tout, depuis l’énervé juvénile se défoulant sur Internet (des centaines minimum) jusqu’à la bombe humaine prête à exploser (quelques-uns).
Or, ce qu’est une bombe humaine, on le sait – ou on devrait le savoir – depuis le « prototype » Merah. C’est précisément de tels individus qu’il faut surveiller de près.
Les Kouachi et Coulibaly sont d’exacts clones de Merah. Si vous les surveillez avant qu’ils ne frappent, vous les voyez voler une voiture… accumuler cagoules et armes de guerre… rôder vers les locaux de Charlie – cible islamiste majeure et connue de tous –, vous surveillez leurs téléphones… Que préparent-ils ? Faut-il être le commissaire Maigret pour le comprendre, et réagir à temps ?
Voilà la réalité de la menace. Le péril est dans les cités hors contrôle. C’est là qu’il faut être pour neutraliser les bombes humaines, non à parader avec des fusils inertes sur les Champs-Élysées.
Certains craignent une sorte de « Patriot Act » à la française. Défiance fondée ? Mais dans le même temps est annoncée la création d’un fichier centralisé des terroristes déjà condamnés, alors que celui des délinquants sexuels existait déjà depuis belle lurette. N’est-ce pas déjà trop tard ?
Un benêt comprendra aisément que pour ficher ou incarcérer un individu, il faut d’abord l’avoir repéré et arrêté. Toutes ces mesures sont belles et bonnes, mais ne concernent à 100 % que des individus déjà pris en compte et ciblés par nos services.
Or, depuis les récents massacres, on nous répète tant et plus que les Kouachi, Coulibaly & Co. sont passés « sous le radar ». D’évidence, les individus qui ont su se faire oublier sont les plus dangereux. TOUS les terroristes ayant frappé depuis 2012 (Mohammed Merah, Toulouse et Montauban) entrent dans cette catégorie, sans exception.
Là est le seul problème. Si la France le résout, elle maîtrise la problématique des bombes humaines islamistes susceptibles de basculer à la minute. Sinon, elle fait de l’affichage en priant que ça se calme, mais sans vraiment dominer la situation.
Entretien réalisé par Nicolas Gauthier