Publié le : 06 février 2015
Source : corto74.blogspot.fr
Une simple photo qui fait le tour du net; peut-être ne l’avez-vous pas vu, il s’agit de la nouvelle garde rapprochée de Président, ses dernières recrues chargées de le conseiller. Des trentenaires bien mis, des têtes bien faites, des techno, tous issus des grandes écoles.
« La jeune garde du président. Pour relancer son quinquennat, le chef de l’Etat a renouvelé de fond en comble son cabinet. Il a confié les clés du pays à une bande de trentenaires surdiplomés qui lui sont tout dévoués » titre le magazine.
D’après l’Obs (ex-Nouvel Observateur) qui la publie, cette photo a été prise à l’Elysée. Au Château. Ne vous fait-elle pas penser à toutes ces autres photos de la gentry ou de l’aristocratie que l’on peut voir soit dans les musées, soit dans Point de vue-Images du Monde ? Pour un peu, on les croirait sortis tout droit de Dowton Abbey ou prêts à prendre le thé après avoir assisté au grand prix de Diane. Tout y est : le port altier, les tenues savamment élaborées, élégantes mais pas trop, la pose naturelle de ceux à qui on a appris à poser depuis longtemps. Voilà la jeunesse qui selon le magazine règne au Palais de l’Elysée ; qui conseiller en communication, qui conseiller culture, tel autre secrétaire adjoint du palais, telle autre directrice adjointe du cabinet présidentiel. Une belle brochette d’énarques, tous militants socialistes repérés lors de la campagne de 2012. Président les a voulu auprès de lui, la jeunesse, après tout, il nous l’a assez répété, est sa priorité. On leur appuie sur le nez que le lait coule encore mais, nous dit-on, pour la plupart, ils tutoient Président. Ils sont djeun’s, ils portent beaux, ils sont technos. ils sont la jeunesse présidentielle ; pas celle de la rue, de l’apartheid ou des territoires perdus de la République. Non, ils sont la finance, le marketing, la communication, l’administration, les sondages: ils sont modernes ! Ils sont, parait-il dans l’esprit présidentiel, son passeport pour 2017. Ils sont, dit-on aussi, le virage social-libéral de Président. Avec Macron, avec Valls. Grâce à eux, nous raconte L’Obs qui a eu le privilège des les observer pendant une semaine: « ces Juniors qui déjeunent ou dînent régulièrement avec lui dans son bureau, ont métamorphosé le Président. Il a gagné en sérénité, et surtout en autorité ».
Peu importe leurs noms, certains sont déjà plus ou moins connus comme Boris Vallaud ou Gaspard Gantzer, les autres ne tarderont pas à l’être. Ils seront là dans 3 ans, dans 5 ans, ils ne nous quitteront pas ; énarques un jour, énarques toujours. En attendant, ils sont ceux qui conçoivent tout ou partie de la pensée et de la parole présidentielles, qui organisent ses discours, ses idées, ses réunions, ses déplacements, ses tenues, son look, sa vie publique. Ils sont Président. Leurs parcours est sans faute, à eux de faire en sorte que la fin de quinquennat le soit aussi.
Ils sont la caste qui a pris le pouvoir. « Ils ont l’oreille du Président ».
Sauf qu’à mon sens cette photo est leur premier faux pas. Comment ont-il pu se laisser ainsi prendre en photo ? Comment ont-ils pu ainsi prendre la pose ? Il y a du Aquilino Morelle dans cette photo. Du mépris. De la hauteur ; de celle qui crée la déconnexion avec le peuple. Éclate avec elle toute la distance qui sépare désormais Président des Français qui rament, des sans-dents et de ceux qui ont cru en lui en 2012. Avec eux, avec cette photo, c’est l’esprit du Bourget qui est définitivement mort. Comment-ont ils pu, eux qui ont en charge de faire de Président un homme « accessible », se prêter à cette sôterie photographique ? Comment Président a-t-il pu laisser faire cela, lui qui aurait sans nul doute ironisé si son prédécesseur s’était laissé aller à pareille mauvaise plaisanterie…
On s’étonnait que Président n’ait pas abordé les problèmes du chômage lors de sa énième et inutile conférence de presse – n’omettant pas, néanmoins, par trois fois de nous assurer qu’il était « de gauche »- mais comment aurait-il pu en être autrement si ceux qui sont chargés de penser pour lui laissent éclater par une simple pose leur ignorance crasse de ce que peut être le chômage, la pauvreté et la précarité ?
L’apartheid ? Mais il est là, sous nos yeux, en quelques sorte : des z’élites sous les ors de la République, confortablement assis dans des canapés brodés Louis-Philippe ! Il est là l’apartheid : il y a Président, eux et nous.
Corto74