Publié le : 10 février 2015
Source : lepoint.fr
Paillettes et poudre aux yeux semblent être les deux piliers de la communication de François Hollande, qui depuis un mois est en plein déni de réalité.
C’est entendu : François Hollande est devenu l’homme de l’année… Élu président grâce à deux hôtels – le Fouquet’s et le Sofitel -, il compte à présent être réélu sur la lancée d’un double attentat. Pourquoi s’en priverait-il ? Les communicants ont parfaitement fabriqué son image, les médias ont suivi, l’opinion a opiné et les sondages ont entériné : oui, décidément, Hollande en janvier 2015, c’était Napoléon au pont d’Arcole, Clémenceau à Verdun et de Gaulle à Montcornet. Depuis son fauteuil, il a dit à ses ministres et à ses policiers : « Allez-y, les gars ! » Cela nécessitait certes un courage surhumain, mais, entre nous, qu’aurait-il pu faire d’autre ? Eh bien, dire par exemple : « N’y allez surtout pas, il y a des coups à prendre ! » ; ou encore : « Je vais négocier moi-même avec les preneurs d’otage ! » ; voire, dans un cas extrême : « Passez-moi une kalachnikov, je me charge personnellement des frères Kouachi ! »
Or, l’histoire lui rendra cette justice : il n’a rien fait de tout cela, se bornant à laisser travailler les personnes compétentes – tout comme Sarkozy avec Mohamed Merah et Chirac avec Khaled Khelkal. Toutefois, la propagande d’alors étant très inférieure à la nouvelle com de l’actuel président, personne à leur époque n’avait vanté comme un exploit le fait d’avoir donné le feu vert aux hommes du métier pour abattre les terroristes…
Habillé pour l’hiver…
Bon, mais enfin, nul ne peut nier que François Hollande a désormais « endossé le costume de président« , puisque les médias ne cessent de le répéter. Mais cette fois encore, qu’aurait-il pu faire d’autre ? Endosser une chemise à fleurs de président aurait été aussi inadapté aux températures qu’aux circonstances, tandis qu’un casque de président aurait été aussi inconvenant que répétitif. Reste donc le costume, les airs graves devant les caméras et les discours préparés par des communicants expérimentés.
La récupération de la marche du 11 janvier par ces mêmes spécialistes de la réalité virtuelle a donné « l’Esprit du 11 janvier« , destiné à persuader les crédules que « tous les Français » étaient sortis dans la rue par adhésion à la politique du président, plutôt que par révolte instinctive contre la barbarie islamiste, voire par protestation contre le laxisme congénital de la gauche en matière judiciaire et sécuritaire. En tout cas, ce grand succès de com a ébahi jusqu’aux socialistes eux-mêmes, et se devait d’être exploité à fond pour assurer la réélection du nouveau Superman. Tout le monde a donc été prié de se mettre à l’oeuvre, afin de dérouler le fil magique de cette divine surprise…
L’enfer, c’est l’autre…
Il faut tout de même reconnaître que la mise en musique est restée typiquement socialiste : « Nous avons le monopole de la morale, de la sagesse, de l’honnêteté et des vertus républicaines ; les fascistes, les racistes, les capitalistes, les profiteurs et les antirépublicains, ce sont les autres ! » Excellent dans ce registre, sachant prendre les accents de la plus profonde conviction – tout en jouant à fond sur l’ignorance historique comme sur l’autoflagellation systématique -, Manuel Valls a ouvert le bal, en nous apprenant que nous vivions au pays de l’apartheid.
Le président et son gouvernement nous ont ensuite révélé les autres coupables des attentats de janvier : l’Éducation nationale, insuffisamment mobilisée pour combattre l’élitisme et promouvoir l’égalitarisme ; le système carcéral inique, qui enferme d’innocentes victimes de la société pour en faire d’innocents terroristes victimes de la prison ; l’absence de mixité, à combattre par une « politique de peuplement » sanctionnant durement les affreux élus locaux qui « ségrèguent » à tout-va ; le chômage, dont sont coupables les abominables employeurs capitalistes qui ne jouent pas le jeu du pacte de responsabilité ; l’insuffisance de service civique, à laquelle le président se fait fort de remédier sans attendre.
Oubliée dans cet inventaire, la désignation des seuls vrais coupables : les zélateurs d’une secte barbare importée du Moyen-Orient, qui profitent des faiblesses du système judiciaire, de la démagogie des partis politiques, de l’angélisme de l’idéologie socialiste et du dénuement de l’appareil policier pour instaurer la terreur comme antichambre du Califat. Mais cette menace-là est vite redevenue inaudible pour nos gouvernants, car derrière les nobles discours savamment calibrés par les professionnels de la communication, on retrouve comme toujours des préoccupations étroitement électoralistes…
Paillettes et poudre aux yeux
C’est que, tout comme Mitterrand avant lui, Hollande a pu constater en regardant sa courbe de popularité que les Français étaient toujours aussi faciles à berner. Toutefois, l’exploitation à outrance du désormais célèbre « Esprit du 11 janvier » risque fort de se retourner contre les illusionnistes. L’« apartheid », qui restera collé aux basques de Valls comme le « Karcher » de Sarkozy, l’« odeur » de Chirac et le « seuil de tolérance » de Mitterrand, apparaîtra comme une bourde d’ampleur lorsque les Français en comprendront les implications : d’une part, ils se demanderont comment les socialistes vertueux et antiracistes qui ont occupé le pouvoir pendant vingt ans ont pu laisser prospérer l’apartheid en France ; d’autre part, si par malheur les « jeunes » de banlieue devaient prendre au mot le Premier ministre, comment les contrarier dans leur vocation d’héroïques guérilleros surarmés en lutte à mort contre l’apartheid, tout comme Thabo Mbeki ou Winnie Mandela (1) en Afrique du Sud ?
Par ailleurs, comment améliorer l’éducation, cette priorité déclarée du président, tout en supprimant les notes, les bourses au mérite, les redoublements… et l’autorité de professeurs relégués à la périphérie de l’enseignement par des élèves surexcités, des parents démissionnaires, des pédagogistes déjantés, des syndicalistes politisés et des ministres déboussolés ? Comment assurer la sécurité en vidant les prisons – avec l’aide d’une « justice à rebours de la situation réelle », comme le dit l’ancien juge Georges Fenech ? Que signifie cette nouvelle « politique de peuplement », dont François Fillon relevait très justement « les accents soviétiques » ?
Si François Hollande reste bien à la tête d’un parti largement marxisé, il ne pourra jamais endosser le costume de Staline : nos institutions ne le permettent pas, les Français restent libres de leurs mouvements, et il est matériellement impossible de contraindre le peuple à la mixité dans un pays qui interdit les statistiques ethniques… D’ailleurs, n’est-ce pas le maire socialiste de Sarcelles, François Pupponi, qui a déclaré récemment : « Les gens ne veulent pas se mélanger ; la mixité sociale, tout le monde en parle, mais personne n’en veut pour soi ! » Sans doute une erreur de com, mais qui mettrait en doute la parole d’un socialiste ?
Déni de réalité
Même le « service civil obligatoire » apparaîtra vite comme une aimable plaisanterie : s’il est obligatoire, il ne peut être civil, s’il est facultatif, il ne touche pas les jeunes concernés, et dans les deux cas, il ne remédiera ni au manque d’autorité parentale, ni au laxisme judiciaire, ni au terrorisme islamiste, ni au chômage de masse – et naturellement, il n’y a pas le premier euro pour le financer ! Quant à l’emploi, tous les Français commencent lentement à comprendre que les dépenses publiques incontrôlées, la multiplication des fonctionnaires, les effets de seuil, le règne des syndicats prédateurs, le poids écrasant des charges sociales, les 35 heures, l’ISF, le smic, le RSA, les RTT, les régimes spéciaux, le compte pénibilité, les retraites anticipées, le détournement des milliards de la formation professionnelle, la haine pathologique des patrons, la condamnation hypocrite des richesses et la gangrène de l’immigration multiforme garantissent la pérennité en France d’un chômage massif et mortifère.
Pour les raisons que nous connaissons, le président et candidat François Hollande ne changera absolument rien à tout cela, même si ses communicants continueront à abreuver les médias et le peuple de réformes cosmétiques et de progrès imaginaires. Pourtant, la crédulité populaire a ses limites, et même quelques attentats supplémentaires ne suffiront pas à assurer la réélection du président normal, propulsé en avant par des circonstances manifestement anormales. Mais dans l’intervalle, beaucoup demanderont, comme jadis François Mitterrand : « Dans quel état allez-vous nous laisser la France ? » D’autres, plus perfides, ajouteront : « Et à qui allez-vous la laisser ? » – posant ainsi le problème d’une opposition profondément fracturée et nettement désorientée. Mais ceci, dirait Kipling, est une autre histoire…
François Kersaudy
_____
(1) Condamnée par la justice sud-africaine à quatre ans de prison ferme en 2003 pour fraude, vol et meurtre avec torture sur la personne du jeune Stompie Mokhoutsi (12 ans). Déjà un modèle pour notre gang des barbares ?