Publié le : 10 février 2015
Source : fr.sputniknews.com
L’UE semble tergiverser mais en fait, à force d’avoir à moultes reprises emprunté une voie qui lui semblait plus certaine, celle du suivisme, elle se trouve aujourd’hui dans la déroute.
La crise ukrainienne a révélé ce complexe, cela d’autant plus que les pourparlers du 6 février qui ont réuni Hollande, Merkel et Poutine à Moscou ont bien montré que les dirigeants européens auraient enfin compris qu’ils s’était trompés de chemin en ayant soutenu une guerre en pleine Europe contre l’Europe donc contre leurs propres intérêts. Seulement voilà : cette prise de conscience, n’intervient-elle pas trop tard ?
La rencontre du 6 février ne saurait être analysée en dehors de la conférence de Munich du 7 février où l’on a vu le ministre des Affaires étrangères russes, Sergueï Lavrov, durcir le ton et le Président ukrainien, Piotr Porochenko, agiter des passeports russes appartenant, selon ses propos, aux soldats de l’armée régulière russe présents dans le Donbass. Hélas pour lui, M. Porochenko ignorait que les soldats russes se voient retirer leur passeport pour toute la durée de leur service.
Cet exemple en somme assez cocasse qui dessert la crédibilité des preuves apportées par Kiev est plus important qu’on ne le croirait puisqu’il reflète toute la misère non seulement de la propagande ukrainienne mais aussi occidentale. De toute façon, l’un est un copier-coller de l’autre. Cette misère argumentative fait pendant à la faiblesse diplomatique de l’UE à son tour reflété par la mise en garde très originale de François Hollande: « Si nous ne parvenons pas à trouver non pas un compromis mais un accord durable de paix, et bien nous connaissons parfaitement le scénario : il a un nom, il s’appelle la guerre ».
Ce qui se passe dans le Donbass ne serait donc pas une guerre, juste un petit galop d’essai sans grandes conséquences. Il est vrai que 50.000 morts — un chiffre provenant du renseignement allemand —, des dizaines de milliers de blessés et quelques millions de réfugiés en l’espace de neuf mois, c’est trop peu pour une vraie guerre.
L’ineptie des mensonges proférés par Kiev et l’absurdisme des déclarations de Paris sont contrebalancés par le caractère plus que concret des propositions faites par la partie américaine. Selon le sénateur McCain qu’on a d’ailleurs pu apercevoir à Munich souriant narquoisement lors de l’intervention de Lavrov, si l’Ukraine a dû avoir recours aux bombes à sous-munitions, c’est bien parce que les USA n’ont pas rempli à temps leurs engagements et n’ont pas soutenu une armée mal équipée. On en déduit, dans la même optique faussement kafkaïenne, que la livraison d’armes létales à l’Ukraine pour la généreuse somme de trois milliards de dollars serait humainement préférable à l’emploi, confirmé par l’OSCE dans la région de Lougansk, de bombes à sous-munitions. En clair, Washington penche vers l’option militariste en comptant, sauf illusion d’optique de notre part, sur une imminente et éminente escalade d’un conflit qui selon la majeure partie des leaders européens n’a pas de solution autre que diplomatique.
Nous en venons au coeur du problème : l’UE et les USA ne sont plus unis dans leur vision du dossier ukrainien. Dans l’une de ses dernières analyses, Jacques Sapir met brillamment en relief cette rupture emblématique en supposant dans sa conclusion, sans doute dans une logique de scénario idéal, que les USA rallieraient leurs bannières à celles de l’UE en devenant « partie prenante de la solution politique » ce qui à terme leur permettrait de « se concentrer sur d’autres problèmes [en reprenant] le dialogue nécessaire avec la Russie sur la question des armes nucléaires ». Cette sage suggestion, partagée par beaucoup d’experts sensés tels que Jean-Pierre Chevènement ou Hélène Carrère d’Encausse, est malheureusement irréaliste. Si ce n’était pas le cas, jamais le Maïdan n’aurait eu lieu, preuve a contrario récemment formulée par Henry Kissinger — réservé jusqu’ici dans son appréciation de la question ukrainienne — et Noam Chomsky qui appellent tous deux à une désescalade immédiate afin d’éviter « une tragédie historique ». Nous constatons le contraire. Pourquoi ?
Il serait faux de penser que l’UE n’a aucun intérêt en Ukraine. Il s’agit d’intérêts locaux comme la culture des OGM allemands ou encore du forage des puits de gaz de schiste. Cela étant, la stabilité de l’Europe compte davantage que la satisfaction de ces intérêts, si alléchants soient-ils, le revirement de la chancelière et du Président français le montrent bien tous deux s’étant prononcés vendredi dernier en faveur d’une fédéralisation élargie de l’Ukraine. Ce projet est chronologiquement dépassé mais c’est déjà un grand progrès que de l’avoir exposé.Les intérêts poursuivis par les USA sont d’une envergure autrement plus importante et complexe rappelant un jeu d’échec sur plusieurs échiquiers à la fois. Ces échiquiers n’ont pas surgi subitement, le jeu ayant commencé aux alentours de 2003 avec la conception de drones hypersoniques essayés, sans grand succès, en 2011. La situation est en passe de changer comme en témoigne la précipitation des USA à neutraliser la défense nucléaire russe en nette violation, comme l’a remarqué Lavrov samedi, à Munich, des accords d’Helsinki. Cette précipitation se traduit, primo, par le déploiement de nouveaux missiles offensifs de l’OTAN prévu sous peu en Pologne et en Roumanie, secundo, par l’usage, pourtant proscrit dans la continuité de l’esprit d’Helsinki, des drones UAV (Unmaned aerial vehicles) par les USA.
Cette double violation flagrante des principes de sécurité et de paix en Europe constitue également une violation d’un accord antérieur à la Guerre Froide stipulant la réunification des deux Allemagnes en échange de la non-expansion de l’OTAN en Europe de l’Est. Peinant à inclure l’Ukraine dans l’Alliance — pour des raisons financières rivalisant avec la réticence des pays européens — Washington renforce ses provocations en espérant que la Russie s’impliquera dans un conflit que M. Brzezinski voulait apparenter, en tout cas l’année dernière, à une sorte de guérilla urbaine pour piéger Moscou. Ce serait l’occasion d’introduire officiellement les troupes de l’Alliance sur le sol ukrainien et non pas seulement les mercenaires fort coûteux d’Academi ou des instructeurs. Une Europe considérablement affaiblie ne préoccupe que passablement les States, même bien au contraire tant qu’il s’agira d’une Europe contrôlable. Mais le but final, c’est le démantèlement des BRICS, bloc concurrentiel, qui ne saurait se faire qu’avec l’extrême affaiblissement de la Russie et qui aurait pour conséquence capitale l’arrêt du processus de dé-dollarisation entamé.
Or, si le format dit normand est validé en pratique, le conflit ukrainien n’aura plus aucun sens. Son achèvement marquera la levée automatique des sanctions ainsi qu’une lente refonte de l’Ukraine selon une logique répondant aux aspirations ethniques et aux besoins économiques de ses populations. Ce dénouement, sans doute idéal au stade de non-retour atteint, est tout à fait inacceptable pour Washington qui poussera ses aspirations jusqu’au bout. Reste à savoir quels seraient les facteurs — ou les obstacles pour la partie américaine — qui motiveront ce « bout ». Le pronostic serait sans doute plus facile à faire en partant de l’hypothèse que les USA ne livreraient pas les armes létales en question. Or, nous ne pouvons en être convaincus pour le moment. De même, il n’est pas certain que l’UE, victime d’un nouveau chantage US, ne revienne sur les conditions énoncées vendredi à Moscou. Tant que ces deux points ne seront pas clarifiés et tant que messieurs Kerry et McCain ne lâcheront pas prise, toute prévision se heurtera à l’inconnu.
Autant le bon sens de l’UE est louable, autant sa dépendance des USA invalide les pronostics les plus court-termistes. On y verra plus clair d’abord fin février — anniversaire du renversement de Ianoukovitch — un nouveau Maïdan fatal à Porochenko n’étant pas exclu surtout suite au piège de Debaltsevo, ensuite vers le printemps, quand de nouveaux instructeurs US débarqueront à Kiev et Lviv. S’ils débarquent.
si vous acceptez si facilement ce que dit Mme Compoint, voici une autre analyse
https://blogolitik.wordpress.com/2015/02/12/retour-sur-lue-entre-vassalisme-et-bon-sens-francoise-compoint/
Mon cher Arnaud,
l’article que vous relayez ici est un tel ramassis de c… que je suis très sincèrement sidéré de vous voir y porter quelque crédit… j’ai lu des textes russophobes autrement mieux écrits, à défaut d’être forcément plus honnêtes. Je n’accorde aucun blanc seing à personne, pas plus à Poutine qu’à un autre, mais la géopolitique n’est pas un jeu de Bisounours, et je ne vois pas pourquoi la Russie n’aurait pas le droit d’employer des méthodes que l’Occident sous impérium US utilise depuis des décennies : nous on a le droit, mais pas eux ? Et j’ai une fâcheuse tendance à ne pas aimer qu’on me prenne pour un crétin. Si des phrases comme « autodétermination politique de l’Europe » (je vous conseille de revisiter sérieusement votre histoire européenne concernant l’autodétermination de l’Europe à la sauce Jean Monnet), « l’Europe est une entité politique et morale, car reposant sur des valeurs communes depuis sa création » (une entité politique, l’UE ? C’est le gag de l’année ! Et morale en plus ? Mieux vaut en rire qu’en pleurer) ou « L’Europe a des valeurs fondamentales, et le respect des territoires en est une » (au Kosovo aussi, sans doute ?) ne vous font pas hurler de rire (jaune en l’occurrence), je ne peux rien pour vous… si ce n’est espérer qu’un jour vous ouvrirez les yeux.
Salutations