Publié le : 09 mars 2015
Source : lesakerfrancophone.net
MH-17: The Cover-Up Deal (MH-17 (l’arrangement sur le camouflage) ; c’est le titre d’un ouvrage explosif du journaliste Joost Niemoller, publié aux Pays-Bas en octobre dernier.Un seul des grands journaux néerlandais, De Volkskrant, a donné l’occasion à Niemoller de parler de son livre. En voici la traduction.
Trois mois après l’attaque perpétrée contre le vol MH-17, le mécontentement et la frustration ne cessent de croître aux Pays-Bas. La colère vise le gouvernement, qui semble incapable de fournir des réponses satisfaisantes à propos des responsables de l’attaque. Elle s’est d’abord manifestée lorsque Frans Timmerman, le ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas, a indiqué (le 8 octobre) qu’une des victimes portait un masque à oxygène. Le gouvernement néerlandais en saurait-il beaucoup plus que ce qu’il est prêt à révéler?
Le gouvernement avait aussi fait une promesse au lendemain de l’écrasement, lorsque le premier ministre Rutte a dit qu’aucune piste ne devrait être négligée. Sauf que certaines pistes semblent moins empruntées que d’autres. Le gouvernement répond maintenant aux questions des députés sur les faits entourant l’attaque en leur disant d’attendre les résultats de l’enquête. L’attente risque d’être très longue. D’ici un an, le Conseil national de la recherche néerlandais va publier un rapport qui ne dira rien à propos du responsable de l’attaque, parce que cela ne cadre pas avec ses intentions. Le procureur général a seulement mentionné au passage que l’enquête a commencé et que l’on cherche à en savoir plus à propos d’un missile. Sauf que le problème structurel réel de cette enquête initiée par le gouvernement ne retient aucunement l’attention.
Les Pays-Bas, le pays à la tête de l’enquête internationale, ont organisé l’enquête confiée au procureur général et au Conseil national de la recherche d’une manière qui les empêche de progresser de manière objective et qui s’explique par le cours des événements. L’Ukraine a été le premier pays à enquêter, ce qui est assujetti à des ententes internationales sous l’égide de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Après plusieurs jours de pourparlers secrets avec le ministre des Affaires étrangères néerlandais Timmermans à Kiev, l’enquête a été déléguée aux Pays-Bas, au moyen d’une série de nominations. Les ententes conclues entre le Conseil national de la recherche et Kiev n’ont pas été publiées initialement, mais ont été affichées fortuitement sur le site Web du conseil. Il convient de noter que cela s’est passé au moment même où le gouvernement néerlandais informait la Chambre des représentants que ces ententes ne devraient pas être rendues publiques.
Les ententes en question prévoient entre autres que l’Ukraine et les Pays-Bas s’engagent à assurer un échange d’information complet, à se soumettre l’un et l’autre au secret et à garantir la participation d’enquêteurs ukrainiens à l’enquête menée par les Néerlandais. Quant aux ententes se rapportant au procureur général, elles ont été rendues publiques grâce au procureur général ukrainien Yuri Boychenko, qui n’a su tenir sa langue lors d’une conférence de presse à Kiev le 10 août annonçant la signature d’un accord de non-divulgation, lorsqu’il a dit que les Pays-Bas, l’Ukraine, la Belgique, l’Australie et (peut-être aussi) la Malaisie avaient un droit de veto relativement à la poursuite de l’enquête. Par conséquent, si certains résultats ne sont pas du goût de Kiev, l’enquête sera annulée. Le gouvernement néerlandais est demeuré silencieux à propos de cette entente avec le procureur général.
Le premier ministre néerlandais Rutte est ainsi devenu la marionnette de Kiev. L’enquête ne peut donc aboutir qu’à un résultat : ce sont les séparatistes qui ont fait le coup. La plupart des Néerlandais ne vont pas s’en formaliser outre mesure. Ce que la plupart des gens croient, c’est que ce sont les séparatistes qui ont abattu le vol MH17 à l’aide d’un missile. Il ne reste qu’à le prouver. C’est aussi ce qui ressort dans les médias, ce qui mène à une vision étriquée. Tout ce qui pointe dans cette direction alimente l’hystérie, comme cet article vague publié dans le journal allemand Der Spiegel ayant pour titre «Nous les avons ! Des photos des satellites américains montrent que les séparatistes sont les coupables !» Pourquoi ne pouvons-nous pas les voir, alors ?
L’article en question ne porte pas du tout sur des photos satellites, il ne fait que parler d’analyses de photos satellites et du fait que la chaîne de télé allemande ARD (qui a aussi rapporté des fuites d’information à propos de la réunion) a parlé d’options plausibles que les services secrets auraient apparemment partagées avec des députés du Bundestag membres d’une commission allemande, ce sur quoi on a fermé les yeux dans l’énervement général. Des nouvelles comparables et même des faits qui pointent en direction de l’Ukraine sont passés sous silence par les médias néerlandais. Un exemple éloquent de vision étriquée.
Le mécontentement ne peut qu’empirer. Les ententes conclues entre le gouvernement néerlandais et Kiev font en sorte qu’il devient en pratique impossible d’enquêter sur le lieu du crash et d’obtenir des éléments de preuve (à l’exception des corps et de quelques bagages). Tout ce que le procureur général peut faire, c’est d’examiner des images sur Internet. Il est possible que les particules de métal trouvées sur le lieu du crash soient d’une quelconque utilité. Mais même cela est entouré d’un silence mystérieux.
D’un point de vue plus général, la nature de ce genre d’attaque rend pratiquement impossible d’en identifier l’auteur. Au cours des soixante dernières années, un avion de ligne a été touché en vol à vingt reprises par un missile sol-air ou par un avion de combat pendant une opération militaire, habituellement de façon accidentelle. Dans tous les cas, on est parvenu à un règlement en dehors du tribunal. Les parties ont été soudoyées. Même lorsque la preuve ne faisait aucun doute comme en 2001, quand l’Ukraine a descendu un avion de ligne au moyen d’un missile. Les intérêts politiques ont toujours préséance sur la vérité. Le vol MH17 ne fera pas exception à cette règle.
La frustration des Néerlandais ne joue aucun rôle en politique internationale. Mais le premier ministre des Pays-Bas ne devrait pas se contenter du minimum.
Traduit par Daniel, relu par jj et Diane pour Le Saker francophone