Publié le : 27 mars 2015
Source : lepoint.fr
Neuf des membres, anciens et actuels, du cabinet de Jérôme Coumet, le maire PS du 13e arrondissement de Paris, bénéficient de logements sociaux. Révélations.
Question habitat social, le 13e arrondissement de Paris est l’un des mieux lotis de la capitale. Avec 31 585 logements, le quartier abrite le deuxième parc locatif de la ville. Un riche patrimoine que la municipalité ne se prive pas d’utiliser pour loger ses propres employés. D’après nos informations, neuf collaborateurs, anciens et actuels, du maire PS de l’arrondissement Jérôme Coumet bénéficient de logements sociaux.
Parmi les locataires recensés figurent Sébastien Roy et Sophie Chollet-Lefebvre, tous deux ex-chefs de cabinet de Jérôme Coumet, mais aussi Benjamin Cros, ancien chargé de mission habitat, Sarah Damagnez, recasée depuis dans le 12e arrondissement, et Sylvestre Piriot, cadre du PS parisien et ancien collaborateur de la mairie du 13e. Tous ont signé ou renouvelé leur bail dans la foulée de l’élection de Coumet en 2007.
« Ce n’est pas illégal »
Ont-ils bénéficié d’un traitement de faveur ? Contactée par LePoint.fr, la mairie du 13e nie tout « lien entre le fait d’être membre du cabinet de Jérôme Coumet et celui d’obtenir un logement social dans l’arrondissement ». Pourtant, quatre membres actuels de l’équipe du maire sont locataires des bailleurs sociaux de la ville de Paris : Sophie Zeghlache, chargée de mission aux affaires sociales, Laure Rochette, collaboratrice à la Jeunesse et aux Sports, Dominique Painvain responsable de la communication numérique et Sevan Bagla en charge des affaires scolaires. Ce dernier a obtenu un logement peu de temps après son arrivée courant 2012 à la mairie du 13e. Une étrange concordance des temps qu’il peine à expliquer.
D’autres comme Sylvestre Piriot ont été relogés trois fois en dix ans. En 2002, cet ancien militant de l’Unef décroche son premier appartement après avoir été recruté comme emploi jeune par la mairie du 13e. Contacté par LePoint.fr, il confirme par la suite avoir été membre du cabinet de Jérôme Coumet de 2005 à 2009. « Je n’ai jamais eu l’impression d’avoir bénéficié d’un passe-droit ». Et de préciser : « ce n’est pas illégal. Je respecte les critères d’attribution ».
Une commission d’attribution opaque
Cet argument est repris à l’unisson par l’ensemble des mis en cause. La plupart sont en réalité locataires de logements sociaux financés par un prêt locatif intermédiaire, dit PLI. Des appartements d’un meilleur standing destinés à des foyers plus aisés dont le revenu annuel oscille entre 41 629 euros et 119 340 euros. Ce qui n’empêche pas que les prix y restent très en deçà de la réalité du marché. À titre d’exemple, un nouvel entrant, dans l’immeuble où réside Sébastien Roy, paierait un loyer 60 % moins cher que dans le privé, selon les chiffres de la Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP).
Interrogé sur ce qui ressemble à « du copinage », Yves Contassot, conseiller EELV du 13e arrondissement, n’est pas étonné : « Serge Blisko (le prédécesseur de Jérôme Coumet, NDLR) avait l’habitude de répéter qu’il n’y a rien d’anormal à loger ses amis », raconte-t-il. Membre de la majorité municipale, il a longtemps siégé à la commission d’attribution des logements (CAL). Une instance chargée de proposer trois candidats aux bailleurs sociaux, classés par ordre de priorité, dès lors qu’un appartement se libère. « Les dossiers étaient parfois sélectionnés en amont et ne répondaient à aucun système de critères objectifs », dénonce Contassot. Face à cette « opacité », il a préféré ne plus y siéger après la réélection de l’équipe en place, en mars 2014.
L’ombre de Jean-Marie Le Guen
Dans l’opposition, Jean-Baptiste Olivier ne garde pas un meilleur souvenir de ces réunions. Lui aussi a fini par ne plus y mettre les pieds. « Il y avait des dossiers qui étaient davantage mis en avant que d’autres [...] Certains appartements étaient déjà très clairement attribués avant de passer entre nos mains », raconte le jeune élu UMP. « C’est simple, ils gardent tous les logements pour eux ! » témoigne un autre membre de l’opposition, souhaitant conserver l’anonymat.
Le sujet est réputé sensible dans le quartier. Une enquête, publiée en 2013 dans Le 13 du mois, un magazine local et indépendant, a révélé un système mêlant passe-droits et pots-de-vin. Des pratiques décrites comme monnaie courante. Et qui serviraient surtout les bons camarades de la section socialiste sur laquelle plane l’ombre de Jean-Marie Le Guen. L’actuel secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement reste « le vrai patron ». Malgré son emploi du temps, il vient toujours signer les procès-verbaux des conseils municipaux de la mairie du 13e, où il siège depuis 1983, s’amuse un témoin de la scène.
Un nouveau système d’attribution
Tout un symbole, Jean-Marie Le Guen est lui-même domicilié sur les listes électorales dans un immeuble RIVP. Il s’agit en réalité de sa permanence parlementaire. Un tour de passe-passe lui permettant de donner l’illusion de vivre dans le 13e alors qu’il préfère les beaux quartiers des ministères. Situé 147, avenue de Choisy, le local est loué par le PS. Ce que confirme Jérôme Coumet, qui en a fait son QG lors des dernières municipales.
Du côté de l’Hôtel de Ville, les tambouilles du 13e suscitent un certain malaise. Le scandale provoqué l’année dernière par la révélation du nom des élus de Paris bénéficiant de logements sociaux est encore gravé dans les mémoires. Pour mettre fin à ce genre de dérives, Anne Hidalgo a décidé de tester un nouveau système de cotation censé accélérer le traitement des dossiers prioritaires. Ironie du sort, le 13e fait partie des arrondissements pilotes.
Nicolas Guégan et Mathieu Lehot