Publié le : 20 avril 2015
Source : bvoltaire.fr
Lorsque Boris Berezovsky, milliardaire tombé dans la débine et oligarque passé à la dissidence, a été retrouvé mort dans sa salle de bains, les médias n’ont pas manqué, non sans quelques arguments, de mettre en doute la thèse du suicide et de pointer un doigt accusateur en direction du Kremlin. Lorsque Alexandre Litvinenko, transfuge des services spéciaux russes réfugié à Londres, a succombé à un empoisonnement au polonium, les mêmes médias puis, après quelques hésitations, la justice britannique n’ont pas hésité à mettre en cause, à plus juste raison, les deux compatriotes venus de Moscou avec lesquels le malheureux avait pris sa dernière tasse de thé et ceux qui, dans l’ombre, avaient télécommandé les assassins.
Cinq personnalités politiques ukrainiennes, dont deux anciens gouverneurs d’oblasts, toutes les cinq proches du président déchu Ianoukovitch, ont mis fin à leurs jours dans des circonstances obscures depuis le début de l’année. Et alors ? Le Slave, couramment bipolaire, comme chacun sait, cède si facilement à la dépression.
Lorsque Anna Politovskaïa, courageuse journaliste, a été assassinée dans la cour de son immeuble, lorsque Boris Nemtsov, ex-enfant chéri du régime devenu l’un de ses opposants les plus résolus, a été assassiné à deux pas des bureaux de Vladimir Poutine, les médias occidentaux ont avancé que ces deux crimes ne pouvaient avoir été commis sans l’aval et plus probablement encore à l’instigation du président russe.
Deux opposants ukrainiens, l’un député à la Rada, l’autre journaliste et polémiste, tous les deux adversaires déclarés et pugnaces de la « révolution » de Maïdan, ont été abattus ces jours derniers en plein centre de Kiev. L’opinion des médias est sans doute que ces deux imprudents ont bêtement placé leur nuque sur la trajectoire d’une balle qui passait là par hasard. En tout cas, ils n’ont pas cru devoir faire un sort particulier à ces deux faits divers. Pour sa part, M. Petro Porochenko, roi du chocolat et accessoirement président de la République, s’est borné à qualifier ces deux meurtres de « provocation », reprenant ainsi les termes mêmes qu’avait utilisé Vladimir Poutine à l’annonce de la mort de Nemtsov.
Dans le but louable de contribuer à la détente et à l’apaisement dans la région, trois cents parachutistes américains ont discrètement débarqué cette semaine en Ukraine avec pour mission officielle d’y former la garde nationale, vraisemblablement à assurer la sortie des écoles. Ces militaires étrangers ayant de plus la délicatesse d’opérer dans l’ouest du pays, donc à une distance raisonnable du front toujours brûlant du Donbass, la nouvelle n’a paru mériter que quelques lignes, çà et là, dans de rares médias. On imagine sans peine le tollé mondial qu’aurait suscité l’envoi par Moscou de trois cents soldats d’élite, par exemple à Cuba, pour y entraîner les milices révolutionnaires locales.
Faut-il s’étonner à la lumière de ces quelques exemples du scepticisme grandissant du public à l’égard de ce que, dans la novlangue courante, on appelle l’information ?
Dominique Jamet