Europe

La politique migratoire européenne a ses victimes sacrificielles – Par Karine Bechet-Golovko

30 août 20150
La politique migratoire européenne a ses victimes sacrificielles – Par Karine Bechet-Golovko 5.00/5 2 votes

Publié le : 28 août 2015

Source : russiepolitics.blogspot.ru

Les éléments d’une stratégie plus globale commencent à émerger dans la lumière des caméras, même si celles-ci se positionnent de manière très sélective. Si l’on voit les choses comme un scénario de détective, cela donne ça : alors que les Etats baltes et l’Union européenne, sous la direction de l’Allemagne, se réunissent en Autriche pour traiter de la question de l’afflux massif de réfugiés, un camion rempli de victimes sacrificielles est trouvé dans les parages, provoquant la révolte morale de A. Merkel. Maintenant, il est évident que l’UE doit prendre les choses en main et cela ne peut être contesté, même discuter.

Sauf qu’il reste certaines incohérences dans cette belle technologie, comme cela semble être le cas assez souvent ces derniers temps.

Le sommet de Vienne avait pour but de faire passer l’idée selon laquelle les pays européens sont obligés de prendre en charge un certain quota de réfugiés. Et peu importe que ces personnes résultent de l’immigration économique ou qu’ils soient pourchassés dans leur pays. Il est inconvenant de poser la question, de différencier, comme cela fut pourtant toujours le cas. Et pour cause, il serait surprenant que tant de personnes soient réellement des réfugiés politiques, réfugiés que nous avons historiquement l’obligation morale, et pas seulement juridique, d’aider. Mais prendre en charge toutes ces personnes ne fait pas l’affaire de tous. Pour stimuler les plus touchés, une aide financière a été débloquée. La Grèce va ainsi toucher 1,2 million d’euros pour l’aide humanitaire qui doit être apportée aux réfugiés et la Serbie et la Macédoine vont recevoir 1,2 million. Pour autant, la Serbie n’estime pas qu’elle soit en mesure de résoudre pour cette somme les problèmes de l’UE.

Mais l’Allemagne n’accepte pas que cette politique soit remise en question. Et la chancelière l’affirme devant la presse : « Nous exigeons une répartition équitable des quotas de réfugiés. Et l’on verra bien qui va essayer d’éviter et qui ne va pas éviter ».

Pour autant, A. Merkel a rappelé que ses propos ne concernent pas l’Angleterre, le Dannemark et l’Ireland, qui ne participent pas au programme de répartition des réfugiés. Intéressant, non ? C’est obligatoire et l’on verra les bons élèves. Mais cela ne concerne pas certains pays, qui manifestement sont au-dessus de ce problème, ou ont acquis le droit de ne pas détruire leur société et peuvent se protéger en tant qu’Etats.

Et pour renforcer la nécessité de tout mettre en oeuvre, nécessité accompagnée par l’interdiction de discuter le bon fondement de la politique visée, par pur hasard, un camion rempli de réfugiés morts est trouvé en Autriche.

Non, ce n’est pas un bateau avec des victimes quelque part en mer. Tout le monde y est déjà habitué. Non, c’est au coeur de l’Europe, en Autriche justement, justement le jour du Sommet. Une sacrée coïncidence ! Et la aussi, ça cafouille un peu médiatiquement.

Les chiffres vont de 20 corps retrouvés au début à 50 ensuite, comme le souligne Regnum, sans se poser aucune question. Aujourd’hui les enchères montent à plus de 70 corps à la BBC, sans plus d’explications.

Imaginez, un camion est trouvé avec des corps. Avant de contacter la presse, car elle doit bien l’être si elle n’est pas au courant avant que cela ne se passe, il faut bien compter les corps. Au minimum pour savoir quoi raconter. Si ces gens sont décédés suite à une asphyxie, comme l’affirme la presse, il n’est pas trop difficile de compter combien ils sont. Ou alors les corps sont à ce point en mauvais état, en morceaux, ou décomposés qu’il est très difficile de les compter. Mais là, c’est une autre histoire, qui n’a rien à voir avec un camion de réfugiés qui se sont asphyxiés en cours de route.

Bref, finalement, pour cette belle machine technologique, ça ne change rien, l’afflux d’informations ne permet plus une analyse concrète de chaque contradiction. Donc plus de 70 corps, qui vont peut être monter jusqu’à 100, c’est rond, c’est beau, un peu comme sur le Maïdan. Une centaine de victimes sacrificielles qui ne permettent plus aux Etats de refuser de prendre en charge toujours et toujours plus de réfugiés sans paraître des monstres. Des victimes qui doivent décrédibiliser les mouvements populaires de ras-le-bol et les transformer dans l’opinion en marche nazie.

Donc tout va bien, le processus est sur les rails. Chacun va devoir prendre son quota de réfugiés, enfin presque chacun, et les Etats auront ainsi le droit de museler leur population mécontente. Là, il ne sera plus question de la protection du droit de manifester ou du droit de s’exprimer. Rappelez-vous, la démocratie ne peut aller à contre-courant de l’UE.

Tout va tellement bien que Obama téléphone tout de suite à Merkel pour la féliciter d’avoir pris aussi efficacement la tête de la politique de gestion des migrations en Europe. Si Obama est content, alors nous sommes rassurés. Seulement, les chiffres encore blessent et ne s’emboîtent pas… Ils sont têtus ces chiffres. Merkel parle d’un afflux de 340 000 réfugiés cette année en UE … et Obama est particulièrement heureux de la décision de l’Allemagne d’accueillir … 800 000 réfugiés syriens. Mais cela est un détail, la décision a été prise et le schéma se met en place. Alors peu importe le nombre réel de réfugiés.

Ce schéma se met en place sans que pour autant ne soient jamais discutées les raisons d’un tel afflux de réfugiés. A aucun moment, aucun mot n’a été prononcé pour rappeler que c’est la politique guerrière américaine, avec l’aide de l’Europe, qui en est à l’origine. Tous ces printemps arabes, cette démocratie apportée au canon, ces régimes déstabilisés pour des raisons stratégiques qui n’ont strictement rien à voir avec la protection des droits de l’homme. Rien n’est remis en cause. Pas d’acte de contrition, car il semblerait que ce soit une politique volontaire. Autant dire, elle durera tant que durera ce régime.

Dernière question : combien faut-il de populations déplacées pour constituer un crime passible de la justice pénale internationale ?

Karine Bechet-Golovko

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