Allocution de S.E. M. Hassan Rohani, Président de la République islamique de l’Iran, lors du Débat général de la 70e session de l’Assemblée générale
Au nom de Dieu le grand, le miséricordieux, loué soit Allah et que la paix et le salut soient sur le prophète Mohamed et ses compagnons.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,
Je parle ici au nom d’un grand pays qui pleure le décès de milliers de pèlerins musulmans et de centaines de ses propres citoyens. Des personnes âgées, des jeunes, des hommes et des femmes qui s’étaient réunis pour le grand pèlerinage spirituel de La Mecque sont malheureusement tombés victimes de l’incompétence et de la mauvaise gestion de ceux qui ont fait défaut à leur devoir. Certaines personnes disparues ne peuvent être identifiées et il n’a pas été possible de rendre aux familles en deuil la dépouille des personnes décédées, ainsi des milliers d’innocents venus des quatre coins de la planète sont morts ou ont été blessés. C’est là un désastre si grand que l’on ne peut y répondre comme à une catastrophe naturelle ou comme à une question localisée.
La douleur et la détresse infligées à des millions de musulmans sont plus grandes que toute réparation possible sur le plan matériel. L’opinion publique exige que les responsables d’Arabie Saoudite s’acquittent promptement de leurs obligations internationales et accordent immédiatement l’accès consulaire pour l’identification et la restitution des dépouilles. De plus, il faut que les conditions soient mises en place en vue de mener une enquête approfondie et indépendante sur les causes de cette catastrophe et sur les moyens d’empêcher que pareille catastrophe ne se répète à l’avenir.
Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les chefs d’État de gouvernement, Mesdames et Messieurs, Je parle ici au nom d’un pays qui, il y a deux ans, votait encore une fois pour une implication constructive dans les affaires du monde, et je puis vous annoncer fièrement qu’aujourd’hui un nouveau chapitre s’est ouvert dans les relations de l’Iran avec le reste du monde.
Il y a deux ans, le peuple iranien, dans le cadre d’élections libres, m’a confié un mandat, un mandat en faveur de la consolidation de la paix et d’une implication constructive dans les affaires du monde tout en défendant les droits, intérêts et la sécurité nationaux. Cette volonté manifestée par le peuple a pris la forme d’un effort délibéré et diplomatique qui a porté ses fruits avec le Plan d’action global commun conclu entre la République islamique d’Iran et six pays du monde, qui est devenu immédiatement un instrument international ratifié par le Conseil de sécurité des Nations unies. Du point de vue du droit international cet instrument est un précédent fort puisque pour la première fois deux parties, plutôt que de négocier la paix après la guerre, ont choisi de dialoguer et de se comprendre avant que le conflit n’éclate.
À ce stade, il me paraît nécessaire de saluer ici le rôle de tous les négociateurs et des dirigeants et chefs d’État et de gouvernement [États-Unis, Royaume-Uni, France, Russie, Allemagne, Chine et République islamique d'Iran]. Nous avons décidé de créer de nouvelles conditions tout en défendant nos principes et nous avons réussi à le faire. Lorsque cela a été nécessaire nous sommes allés de l’avant, et lorsque cela a été nécessaire nous avons montré aussi le courage de la souplesse. Et à chaque instant nous avons fait pleinement usage de la capacité du droit international pour poursuivre ce dialogue constructif. Le point essentiel expliquant le succès du dialogue réside dans le fait que tout acteur du système international qui défend des revendications maximalistes et ne laisse aucun espace à l’autre partie ne peut invoquer la paix, la stabilité, le développement. Comme dans les dossiers commerciaux ou dans l’activité économique, comme aussi dans la politique et l’organisation internationale, le multilatéralisme et les solutions qui permettent à tous de gagner quelque chose à la discussion devraient être la base de cet engagement réciproque.
Monsieur le Président,
L’ONU a été créée pour créer et défendre la paix et la sécurité mondiale après deux guerres mondiales. Malheureusement, il faut bien reconnaître que dans bien des cas, cette institution internationale importante n’a pas su se montrer efficace. Or, cette fois, l’ONU a fait le bon choix. Aujourd’hui nous protestons contre l’adoption de résolutions injustes contre la République islamique d’Iran, néanmoins, et l’imposition de sanctions contre l’Iran et son gouvernement à la suite de malentendus. Nous croyons néanmoins un vieux proverbe iranien qui dit qu’« au plus tôt on met un terme à des mesures pernicieuses, au plus tôt aussi on en engendre les bénéfices. » Et c’est quelque chose que l’on constate aujourd’hui. La résolution 2231 du Conseil de sécurité est, certes, entachée par certaines carences et lacunes, mais elle a été un jalon important pour la levée des sanctions imposées à l’Iran. Nous considérons comme injuste le comportement du Conseil de sécurité adopté par passé, et nous insistons sur le fait que l’Iran, grâce à une fatwa importante de son dirigeant et de sa doctrine en matière de défense, n’a jamais eu l’intention de produire l’arme nucléaire, et que, par conséquent, les résolutions imposant les sanctions à l’Iran étaient injustes et illégales.
Les sanctions décidées par le Conseil de sécurité et les sanctions unilatérales imposées par certains pays se fondaient sur des allégations sans fondement et illusoires, et ont créé des conditions difficiles pour notre population. Mais ces sanctions n’ont, en aucune manière, affecté la politique que nous avons adoptée et défendue pour ce qui est des négociations. Nous avons prouvé à l’occasion de ces négociations que l’Iran n’avait pas d’autre programme que la logique, la raison et l’éthique, et que lorsque cela était nécessaire il savait aussi défendre son droit à la légitime défense contre tout type d’agression.
En fin de compte, les États-Unis d’Amérique ont ainsi été contraints de renoncer à la pression et aux sanctions et ont décidé de s’asseoir à la table des négociations pour discuter avec nous. Nos sept pays et l’Union européenne ont consacré énormément de temps à ces négociations et devraient maintenant ne ménager aucun effort pour protéger l’accord et en assurer la mise en œuvre. Pour nous, le respect par toutes les parties des engagements pris est un facteur fondamental dans le succès de la mise en œuvre du résultat de ces négociations. En parallèle à la mise en œuvre du Plan d’action global commun, nous attendons aussi des états détenteurs de l’arme nucléaire qu’ils prennent les mesures nécessaires pour s’acquitter de leurs propres engagements en matière de désarmement nucléaire plein et entier, sur la base de l’article 6 du Traité de non-prolifération. De plus, nous attendons d’eux qu’ils jouent un rôle positif dans la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient et qu’ils ne permettent pas au régime sioniste de rester le seul obstacle à la réalisation de cette initiative importante.
Monsieur le Président,
L’accord nucléaire qui est une excellente illustration d’une victoire sur la guerre, a permis de dissiper les nuages hostiles, voire le spectre d’une autre guerre, et d’apaiser les tensions au Moyen-Orient. Cet accord doit augurer d’une nouvelle ère et aboutir à des résultats positifs pour ce qui concerne la mise en place de paix durable et de la stabilité dans la région. De notre point de vue, l’accord que nous avons conclu n’est pas un objectif final mais c’est un élément qui peut et devrait annoncer d’autres progrès. Étant donné que cet accord a permis de jeter une base objective et de mettre en place un modèle adéquat, il peut maintenant servir de base aussi pour des changements fondamentaux dans la région.
Notre politique consiste à poursuivre les efforts de paix dans la région, toujours sur la base du principe qui veut que chaque partie sorte gagnante du processus, et d’agir de manière à faire en sorte que tous dans la région tirent partie de ces conditions nouvelles. C’est là une occasion à saisir de façon à pouvoir envisager l’avenir plutôt que de se braquer sur le passé, de façon aussi à refonder nos rapports avec les pays de la région, en particulier avec nos voisins, sur la base du respect mutuel et de nos intérêts communs et collectifs.
Malheureusement, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont devenus aujourd’hui l’une des régions les plus turbulentes. Avec la poursuite et l’intensification de l’État de choses actuel, ces troubles risquent de se propager dans d’autres parties du monde. Dans le monde interconnecté et sans frontière d’aujourd’hui, les pays et les régions ont beaucoup de difficultés à protéger leurs frontières et à empêcher la propagation de l’insécurité et de l’instabilité. La menace la plus grave et la plus importante au monde d’aujourd’hui est de voir des organisations terroristes devenir des états terroristes. Il est déplorable que des insurrections nationales dans la région soient mises à profit par des terroristes et que le destin des nations soit déterminé par les armes et la terreur plutôt que par la voie des urnes.
Nous proposons que la lutte contre le terrorisme soit intégrée à un document international contraignant et qu’aucun pays ne soit autorisé à utiliser le terrorisme aux fins d’intervention dans les affaires d’autres pays. Nous sommes disposés à aider à l’élimination du terrorisme, nous souhaitons ouvrir la voie à la démocratie et garantir que les armes ne dicteront pas la suite des événements dans la région. De même que nous avons aidé à rétablir la démocratie en Irak et en Afghanistan, nous sommes prêts à aider à rétablir la démocratie en Syrie et au Yémen. Nous appuyons la consolidation du pouvoir grâce au vote populaire plutôt que par le recours aux armes, et nous défendons le droit de la majorité tout en souhaitant le respect des droits des minorités.
Aujourd’hui, tout en protégeant son patrimoine historique et culturel, l’Iran se tourne vers l’avenir : non seulement un avenir lointain mais aussi l’avenir proche, lequel peut être marqué par la coopération et la coexistence. Et je dis à tous les pays et à tous les gouvernements que nous n’oublierons pas le passé, mais que nous ne souhaitons pas vivre dans le passé. Nous n’allons pas oublier la guerre et les sanctions mais nous nous tournons plutôt vers la paix et le développement. Dans le cadre du Plan d’action global commun, nous ne cherchions pas seulement un accord sur le dossier nucléaire, nous souhaitions aussi proposer une manière nouvelle et constructive de refonder l’ordre international. Un ordre qui soit fondé sur le respect mutuel, sur la non-ingérence dans le affaires intérieures des autres, ainsi que sur une coopération soutenue et sur la coexistence entre les membres de l’Organisation des Nations unies. Pour édifier un avenir pacifique, nous devons aussi tirer les enseignements d’un passé amer : nous savons que la seule manière de faire perdurer la paix est de garantir le développement. La paix sans le développement, en effet, n’est qu’une pause qui permet au ressentiment et à la suspicion de gonfler. Cependant la paix accompagnée du développement dissipent la colère et le ressentiment, et permettent d’y substituer espoir et respect.
Nous avons dit à maintes reprises que la seule manière d’éradiquer le terrorisme au Moyen-Orient était de viser les causes sociales, économiques et culturelles sous-jacentes qui l’expliquent. Les interactions économiques peuvent aussi amener avec elles une sécurité durable et transformer la région pour en faire un sanctuaire de paix et de développement. À la suite du Plan d’action global commun, l’Iran est maintenant prêt à montrer que la meilleure manière pratique d’assurer la sécurité et la stabilité est de garantir le développement. L’Iran, avec son potentiel économique et culturel est bien placé pour devenir un pôle d’investissement orienté vers les exportations. L’Iran souhaite aussi montrer que nous pouvons tous opter pour une paix durable fondée sur le développement et sur des intérêts communs qui amèneront une sécurité durable plutôt qu’une paix instable marquée par les menaces. Nous souhaitons dialoguer avec nos voisins dans un large éventail de domaines socio-économiques de façon à arriver à une entente politique et voir à renforcer la coopération structurelle en matière de sécurité. Dans le système international d’aujourd’hui, les liens économiques mutuels apparaissent comme étant les principaux facteurs de facilitation de la coopération politique et de réduction des problèmes liés à la sécurité.
Monsieur le Président,
En 2013, à cette même tribune, je lançais un appel à combattre la violence et l’extrémisme. À la suite de quoi, vous, représentants de la communauté internationale avez unanimement approuvé la résolution WAVE. Cette résolution suppose des solutions et l’application des résultats tirés de l’expérience dans le domaine de la diplomatie. Je suis heureux qu’en mobilisant cet appui aujourd’hui pour le Plan d’action global commun, nous pourrons concevoir un plan permettant de régler les problèmes d’un Moyen-Orient fragmenté et pris dans la tenaille de la brutalité et de la sauvagerie.
Pour combattre l’ignorance, la dictature, la pauvreté, la corruption, le terrorisme, la violence et leurs impacts social, politique, culturel, économique et sécuritaire, je voudrais inviter le monde entier, en particulier les pays de ma région, à former un Plan d’action global commun visant à créer un Front uni contre l’extrémisme et la violence. Ce Front devrait :
- créer un mouvement collectif et mondial pour affronter les problèmes régionaux avec sérieux grâce au dialogue ;
- prévenir les massacres d’innocents et le bombardement de civils et empêcher la promotion de la violence ;
- assurer la stabilité en coopération avec les gouvernements centraux en place afin de maintenir la stabilité ;
- et une fois la stabilité établie, renforcer la diplomatie et la gouvernance démocratique de la région du Moyen-Orient.
Mesdames et Messieurs,
L’Irak, la Syrie et le Yémen sont autant d’exemples de crises alimentées par la terreur, l’extrémisme, la violence, les effusions de sang, l’invasion et l’indifférence de la communauté internationale. Nous avons des exemples similaires de déplacements de gens perdant leur foyer ou fuyant les horreurs de la guerre et du bombardement. Ces problèmes ont persisté parce que la communauté internationale n’a pas agi et parce que de nouveaux venus dans la région ou des acteurs trans-régionaux naïfs n’ont pas pris les bonnes mesures. De ce fait, la vague de destruction est allée au-delà du monde arabe et est parvenue aux portes de l’Europe et des États-Unis avec la destruction du patrimoine de la civilisation et d’ouvrages précieux de civilisations anciennes, et plus largement par la mort de l’humanité. Il ne faut pas oublier que les causes des guerres d’aujourd’hui, de la destruction et de la terreur remontent à l’occupation, à l’invasion et aux interventions militaires d’hier. Si les États-Unis n’avaient pas envahi militairement l’Afghanistan et l’Irak, et si les États-Unis n’avaient pas appuyé aveuglément les actions inhumaines du régime sioniste à l’encontre du peuple opprimé de Palestine, les terroristes aujourd’hui n’auraient pas d’alibi justifiant leurs crimes. Monsieur le Président, certains cultivent les semences de la division et de l’extrémisme, il faut y mettre un terme et ces actes doivent être alignés sur la réalité de la région.
Monsieur le Président,
Malgré les nombreux problèmes que notre région connaît aujourd’hui, nous croyons en un avenir meilleur. Nous n’avons pas de doutes quant au fait que nous saurons surmonter les obstacles si nous faisons preuve de sagesse et de prudence ainsi que si nous avons recours à des capacités nouvelles et puissantes et si nous nous fondons sur les racines de notre civilisation et sur notre détermination. Nous avons foi en l’avenir radieux de l’humanité du fait de la révélation divine, un avenir dans lequel les gens vivront dans la paix, la tranquillité, la spiritualité. Nous croyons en la volonté des nations de reprendre le chemin de la bonté et de la pureté. Nous croyons que la victoire ultime sera gagnée par ceux qui feront preuve de piété.
Merci à tous de votre attention.
Hassan Rohani
Posté par : Organisation des Nations Unies – ONU
29-09-2015