Allocution de S.E. M. Walid Al-Moualem, Vice-Premier Ministre de la République arabe syrienne, lors du Débat général de la 70e session de l’Assemblée générale de l’ONU
Madame la Présidente, je voudrais vous féliciter à l’occasion de votre élection à la présidence de l’Assemblée Générale pour la session en cours, et je vous souhaite toute la réussite possible dans le cadre de vos fonctions. Je voudrais également remercier votre prédécesseur pour son travail à la présidence de la session de l’année dernière.
Mesdames et Messieurs, je vous salue dans ce bâtiment international qui, initialement, avait été créé, avec toutes ses agences, pour garantir la paix et la sécurité dans le monde . Je vous salue alors que je viens d’un pays où la sécurité a été perturbée, un pays qui ne connaît plus la paix, un pays qui vit une guerre féroce depuis plus de quatre ans. Je vous salue d’un pays baptisé dans le sang de sa population qui lutte contre le terrorisme, et qui défend ses compatriotes, en attendant que cette Organisation internationale remplisse ses promesses, et mette en œuvre les Résolutions relatives à la lutte contre le terrorisme ; des Résolutions adoptées par le Conseil de Sécurité, aux termes du chapitre sept, et qui sont encore lettre morte.
Ces Résolutions sont uniquement annoncées dans les communiqués de presse, ou dans les déclarations aux médias, alors que, sur le terrain, les pays qui financent, qui soutiennent le terrorisme, alimentent encore l’extrémisme dans les régions. Ces pays continuent d’armer, de former, d’envoyer des terroristes en Syrie, sans se soucier de la mise en œuvre de ces résolutions.
Mesdames et Messieurs, je vous demande, avec le peuple syrien, combien de temps nous allons attendre encore, pendant que les États Membres puissants intimident les autres États Membres qui veulent appliquer le droit international ; et quand va-t-on mettre fin à ces actes criminels contre la population syrienne ? Pourquoi tout ce silence ?
Vous constatez que des pays diffusent des idéologies extrémistes, y compris en Europe. Des cellules dormantes se réveillent ; les attentats, les assassinats frappent de nouveau l’Ouest. Les populations innocentes de vos pays ont commencé à payer le prix du soutien au terrorisme, apporté par certains de vos responsables politiques. Vous savez, mieux que quiconque, que le terrorisme est une idéologie qui ne connaît pas les frontières ; vous savez que, lorsque ce monstre est libéré, il ne se limite pas à certains pays. Le terrorisme de Daech, d’Al-Nosra ou d’autres organisation affiliées à Al Qaïda tuent des innocents, capturent des femmes, lancent des mortiers contre des civils. Ce terrorisme détruit également des civilisations, du patrimoine, y compris un patrimoine mondial qui appartient donc à l’ensemble de l’Humanité, tel que les temples de Baalshamin ou de Bêl, sans parler du meurtre de nos archéologues.
Pourquoi certains de vos gouvernements soutient-ils des pays qui ont l’habitude d’exporter leurs crises à l’extérieur de leurs frontières ? Pourquoi les soutenez-vous alors que vous savez qu’ils ne produisent que destruction ? Comment des pays développés, qui sont gouvernés par des parlements, sont-ils des alliés de pays qui n’ont pas de parlements, qui ne reconnaissent pas une partie active de la société -les femmes ? Comment vos pays peuvent-ils accepter les idées de Djihad sexuel ? Comment peuvent-ils accepter que l’on coupe des mains, que l’on brûle des personnes, que l’on détruise de manière systématique les monuments historiques ?
Mesdames et Messieurs, la Syrie continuera de lutter contre le terrorisme, dans ses discours et dans les faits, et l’armée syrienne est capable de débarrasser le pays de ces terroristes. Malgré tous les sacrifices, malgré le prix élevé que nous avons déjà payé, et que nous continuons de payer, avec le peuple syrien qui a déjà versé un lourd tribut en vies humaines, en terme de sécurité, et de qualité de vie, nous continuerons de lutter. Le devoir de la communauté internationale est de mettre fin à ce flux de terroristes qui vient en Syrie depuis une centaine de pays – d’après les informations des Nations Unies – afin de mettre sur pied un califat qui, comme vous le savez tous, ne se limitera pas à la Syrie ou à l’Irak. Les chefs de ce califat ont déclaré plusieurs fois que leurs objectifs est d’étendre ce califat de La Mecque au Nord de l’Europe, afin de restaurer la gloire du califat historique – selon leur interprétation. Si vous ne vous opposez pas aux États Membres qui soutiennent le terrorisme, alors la vague de violence qui a déferlé sur la Syrie, l’Irak et la Libye ne s’arrêtera pas.
Monsieur le Président, la Syrie a toujours demandé qu’il y ait un dialogue politique ; notre vision s’est avérée être correcte. La Syrie ne peut pas mettre en œuvre des politiques démocratiques, à savoir des élections, l’adoption d’une nouvelle constitution, alors que le terrorisme frappe des civils innocents dans notre pays. Comment pouvons-nous demander au peuple syrien de se rendre aux urnes, alors que les rues ne sont pas sures ? Ils ne sont même pas en sécurité chez eux, alors même que des missiles ou des tirs de mortier sont lancés contre des groupes terroristes qui sont soutenus par des pays que nous connaissons bien. Néanmoins, nous sommes toujours convaincus qu’un dialogue politique doit s’installer ; nous voulons sauvegarder la souveraineté nationale et l’unité du territoire syrien, nous voulons maintenir les institutions de l’État, nous voulons les développer, améliorer leur fonctionnement, et la seule manière de trouver une solution politique, c’est d’opter pour un dialogue national, géré par la Syrie, sans interférences étrangères. C’est sur cette base que la Syrie a convenu de participer à Genève II, et à Moscou I et II. J’annonce que la Syrie est d’accord pour participer aux quatre comités d’experts proposés par l’envoyé spécial, M. Staffan de Mistura. M. de Mistura a confirmé que le rôle de ces comités était principalement de procéder à un échange d’idées, et d’entamer des consultations préliminaires, afin de préparer Genève III.
Certains ont pensé que l’approbation, par la Syrie, de cette voie politique, quelles que soient sa forme, les initiatives ou les noms qu’on lui donne, était liée à la faiblesse de la population, de l’armée Syrienne sur le terrain. Je voudrais répéter ici que la Syrie est solide, et qu’elle continue à lutter contre le terrorisme, et que l’armée syrienne et le peuple syrien sont unis contre le terrorisme. Que personne ici ne pense qu’après tous ces sacrifices, qu’après toute cette volonté pendant quatre ans, certains pourraient obtenir de manière politique ce qu’ils n’ont pas pu obtenir sur le terrain ; ou qu’ils obtiendront à la table des négociations ce qu’ils ne sont pas parvenus à obtenir sur le terrain. La décision du peuple syrien n’appartient qu’à lui, et personne ne peut lui nier ce droit. Je répète : la décision du peuple syrien appartient au peuple syrien, et personne ne peut priver le peuple syrien de ce droit. L’armée arabe syrienne a étonné le monde, par sa puissance et sa persistance. Monsieur le Président, l’invitation importante de Son Excellence le Président Vladimir Poutine, à mettre sur pieds une coalition internationale régionale pour lutter contre le terrorisme, a bénéficié de l’attention du gouvernement syrien et de ses alliés. Le terrorisme ne peut pas être vaincu uniquement de manière aérienne, et les frappes aériennes sont inutiles à moins qu’elles ne soient faites en coopération avec l’armée syrienne, la seule force en Syrie qui lutte contre le terrorisme. L’annonce de l’entame des frappes aériennes russes en Syrie, à la requête du gouvernement syrien, et en coordination avec le gouvernement, est un exemple de participation efficace aux efforts syriens de lutte contre le terrorisme.
Ce qu’on a appelé « le printemps arabe » n’a été un printemps que pour Israël et ses alliés, connus ou pas. Israël continue d’attaquer la Syrie, alors que le monde regarde Israël qui arme des terroristes, les soigne dans ses hôpitaux, les aide avec ses services d’espionnage. Lorsque ces terroristes sont affaiblis, Israël intervient directement par des frappes aériennes ou des tirs de mortier, tout comme la Turquie d’ailleurs, que ce soit à Alep ou à Idlib. C’est ce que l’Arabie Saoudite et le Qatar font également : ils font tout pour verser du sang syrien ; leur soutien aux terroristes, et à l’escalade des attaques contre des citoyens dans la plupart des régions et des villes en Syrie, ont débouché sur une augmentation des besoins de nos citoyens pour des produits et des services de base. Les sanctions inhumaines imposées par l’Union Européenne et les Etats-Unis ont exacerbé les mauvaises conditions de vie des civils syriens. Simultanément, mon gouvernement coopère avec les Nations Unies et avec ses agences humanitaires dans le cadre de plans de réponse convenus avec le gouvernement syrien, pour répondre aux besoins de base des citoyens, particulièrement des citoyens qui ont été contraints, par des actes terroristes, de fuir leurs foyers. Bon nombre de citoyens ont été contraints de fuir vers des pays voisins ; certains de ces pays les ont accueillis dans des camps pour les former au maniement des armes, ou dans des installations qui ressemblent à des installations de détention ou d’isolement. Je voudrais souligner que l’Etat syrien garantit le retour en toute sécurité et une vie décente pour les citoyens qui souhaitent revenir en Syrie. Simultanément, la Syrie continue de consentir tous les efforts possibles pour livrer l’aide des organisations internationales à l’ensemble des citoyens syriens, sans discrimination, où qu’ils se trouvent.
Monsieur le Président, la République arabe syrienne confirme sa volonté de récupérer pleinement le Golan syrien occupé, tel qu’il était en 1967. Il souligne également de rejet de toutes les actions prises par Israël, la puissance occupante, pour changer ses caractéristiques démographiques, géographiques et naturelles, en violation claire des Résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité, en particulier les Résolutions 497 de 1981 et 465 de 1980. La Syrie confirme également que la question palestinienne est essentielle aux yeux du peuple syrien. Nous soutenons les droits légitimes et inaliénables de nos frères palestiniens, particulièrement le droit de retour, le droit à l’autodétermination et le droit à créer un état indépendant, avec pour capitale Jérusalem.
Monsieur le Président, à la fin 2013, la Syrie a accepté une initiative du Président de la Fédération de Russie, Son Excellence Vladimir Poutine, et a rejoint la Convention pour l’interdiction des armes chimiques ; car nous pensons qu’il est nécessaire de créer au Moyen Orient, une zone exempte d’armes nucléaires et d’armes de destruction massive. Nous avons prouvé au monde entier notre engagement contre toute utilisation d’armes chimiques ; la Syrie a rempli les obligations découlant de son adhésion à la Convention, et ce malgré la situation difficile que nous connaissions. S’il n’y avait pas eu de coopération de la Syrie avec la mission conjointe de l’ONU et de l’OIAC, il n’aurait pas été possible de mener à bien les tâches de cette mission.
La République arabe syrienne voudrait féliciter la République islamique d’Iran pour sa victoire dans le cadre de l’accord historique qui répond aux aspirations de la population de l’Iran, et qui reconnaît de droit de l’Iran à utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques ; cela permettra également de lever les sanctions imposées à l’Iran, cela permettra également de lever le gel de ses avoirs ; cela permettra à l’Iran de revenir dans le concert des Nations. Cet accord prouve qu’une approche sérieuse, diligente, est en mesure de surmonter tous les obstacles et permet de trouver des solutions justes pour des problèmes complexes. La Syrie souligne que la création d’une zone sans armes de destruction massive dans le Moyen Orient ne sera pas possible sans la participation d’Israël , la seule puissance nucléaire dans la région. Israël doit rejoindre tous les traités interdisant ces armes, et doit placer ses installations nucléaires sous le contrôle de l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique. Nous soulignons simultanément le droit pour tous les pays d’utiliser la technologie nucléaire à des fins pacifiques.
Monsieur le Président, la Syrie souligne que l’imposition de mesures économiques coercitives, unilatérales et non éthiques par les États-Unis et l’Union Européenne sont en contradiction avec les règles du droit international et les principes du libre-échange. C’est pourquoi nous félicitons Cuba qui est parvenu à un accord avec les États-Unis pour lever le blocus. Nous réitérons notre appel à lever toutes les mesures coercitives unilatérales imposées à la Syrie, ainsi qu’au Venezuela, à la Biélorussie et à la République populaire démocratique de Corée.
Monsieur le Président, je voudrais dire ici à tous ceux qui prétendent vouloir œuvrer en faveur de la sécurité du peuple syrien, la chose suivante : si vous voulez vaincre le terrorisme, si vous voulez permettre des réformes politiques et économiques, vous devez mettre en œuvre, de manière sincère les Résolutions du Conseil de Sécurité relatives à la lutte contre le terrorisme. Ce n’est qu’alors qu’on pourra mettre fin à la guerre en Syrie, et que nous pourrons procéder à un dialogue politique. Je vous remercie.
Walid Al-Moualem
Posté par : Organisation des Nations Unies – ONU
02-10-2015